Les Dix économies africaines qui montent
Par Agnès Ratsimiala
C'est à peine la rentrée pour les 54 pays du continent et déjà 10 bons élèves se distinguent par leur croissance économique.
Après
avoir évoqué les 10 pires économies d’Afrique, voyons quels pays
«explosent» actuellement le compteur de leur produit intérieur brut
(PIB) sur le continent. Ce classement présente les 10 pays ayant les
plus forts taux de croissance de leur PIB réel sur ces trois dernières
années, en se basant sur les chiffres du CIA World Factbook.
Il repose également sur les projections établies (PDF) par le Fonds
monétaire international (FMI) pour l'année 2011, ainsi que sur le taux
de corruption (PDF) mesuré par l'organisation Transparency
International. Par ailleurs, l’indice de développement humain (IDH)
calculé par les Nations unies (PDF) ainsi que le PIB par habitant donné
par la CIA à partir des chiffres du FMI et de la Banque mondiale
interviennent également dans le classement. Il ne faut pas s’étonner
que l‘Afrique du Sud ne figure pas dans ce classement, et au contraire
ne pas être surpris de voir y apparaître l’Ethiopie, car il s'agit d'un
classement s'appuyant sur une évolution et non sur une position
économique absolue. Notons par ailleurs que 6 des 10 pays de ce top
font partie de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC)
—ce qui en fait la région avec la plus forte croissance de tout
continent.
Par ailleurs, outre une bonne santé économique, ces pays ont en commun
une certaine stabilité politique. Ainsi, l'une ne va définitivement pas
sans l'autre —ce qui avait déjà été remarqué dans le classement des 10
pires économies.
10. MALAWI
Ce petit pays d’Afrique australe est peu connu du grand public. Les
rares fois où il a fait la une, c’était pour évoquer l’adoption d’un
enfant malawite par la star Madonna, en 2006. Mais il est l’un des
rares pays d’Afrique à avoir une croissance stable. 80% de la
population vit de l’agriculture et le pays est autosuffisant pour
nourrir ses 15 millions d’habitants —ce qui est loin d’être le cas pour
d’autres pays africains, comme le montre la catastrophe humanitaire qui
touche actuellement la Corne de l’Afrique. Toutefois, la population
reste vulnérable: le PIB par habitant est l’un des plus faibles au
monde. De plus, une forte baisse est enregistrée depuis trois ans dans
le secteur phare, la production de tabac. Or celui-ci comptait pour 60%
du commerce extérieur du Malawi. Bingu Wa Mutharika, économiste et
président depuis 2004 a donc affirmé la nécessité de diversifier
l’économie.
9. TANZANIE
La croissance économique de la Tanzanie a elle aussi le mérite d’être
stable depuis les années 2000. Elle est comprise entre 6 et 7%.
L’économie repose en grande partie sur l’agriculture. Mais l'équilibre
de son PIB tient notamment à l’activité touristique. Le pays recèle des
sites phare, dont le plus haut mont d’Afrique, le Kilimandjaro. 20.000
touristes tenteraient son ascension chaque année. Les réserves
naturelles attirent également les amateurs de safaris. Puis, il y a le
mythique archipel de Zanzibar, dont le gouvernement souhaite faire une
vitrine de luxe. D’autre part, le pays est le 4e plus grand producteur
d’or d’Afrique. Cependant, bien que les exportations aient triplées ces
cinq dernières années, les revenus qui en sont issus n’ont pas crû: 70
millions d'euros par an. Ainsi, le gouvernement a annoncé vouloir
augmenter les taxes des compagnies d’extraction minière.
8. MOZAMBIQUE
L’un des pays d’Afrique avec le plus fort taux de croissance: 7% en
2010. Et les projections du FMI annoncent 7,5% en 2011. Depuis la fin
de la guerre civile en 1992, le pays connaît un rétablissement
accéléré. Le Mozambique est le second producteur d’aluminium après
l’Afrique du Sud. Le plus gros investissement privé du pays, le site
d’extraction d’aluminium Mozal Smelter (PDF) près de Maputo, la
capitale, contribue largement à la création d'emplois et de revenus
depuis 1998. A côté, une grande partie de la population active est
employée dans le secteur agricole, dans la pêche notamment. Mais malgré
cette croissance rapide, 70% de la population vit encore sous le seuil
de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 70 cents par jour.
7. ÉTHIOPIE
Paradoxalement, plus de trois millions d’Ethiopiens sont
actuellement menacés par la famine, mais le pays figure pourtant dans
ce top 10 des meilleures économies africaines. Car si la croissance est
élevée —entre 8 et 10% sur les trois dernières années— le revenu par
habitant est l’un des plus faibles au monde. Le café est la force du
pays et compte pour plus de 26% de ses exportations de matières
premières. L'activité d'extraction d'or est aussi une source de
recettes importante. Mais dans la mesure où le secteur agricole emploie
85% de la population et contribue à 45% au PIB, c’est presque tout le
pays qui est affecté lorsque les récoltes sont mauvaises. Et avec une
hausse des prix de 30%, la population n’est plus en mesure de se
nourrir. Enfin, l’Ethiopie est l’un des seuls pays d’Afrique à ne pas
disposer d'un secteur économique privé.
6. ZAMBIE
La Zambie est dépendante de sa production de cuivre, ce qui la rend
vulnérable aux fluctuations du prix des matières premières. D’autre
part, bien qu’ayant une forte croissance économique, 63% de la
population vit dans une extrême pauvreté. Car depuis la privatisation
de ce secteur minier dans les années 90, ce sont surtout les
entreprises étrangères qui se sont enrichies. D’ailleurs «les taux de
royalties que doivent verser les entreprises à l’Etat zambien sont par
exemple fixés à 3%, bien loin de ceux pratiqués (5 à 10%) dans les
autres pays en voie de développement», écrivait le journaliste béninois
Alain Vicky en avril. Comme pour tous les pays de ce classement, une
répartition des richesses à tous les secteurs permettrait que cette
bonne santé économique théorique profite à toute la population.
5. NIGERIA
Le «géant de l’Afrique» ne doit pas son surnom à sa seule population
(155 millions d’habitants, pays le plus peuplé d'Afrique). En effet, sa
croissance économique est portée par l’activité de la région
pétrolifère, au sud du pays. Le Nigeria fait partie de l’Organisation
des pays exportateurs de pétrole (Opep). Seulement, la corruption qui
gangrène le pays fait que cette richesse est davantage considérée comme
un fléau qu'une aubaine. Car si 80% des revenus du pétrole reviennent à
l’Etat fédéral, seul 1% profite à la population, indique la Banque
mondiale. En outre, la déstabilisation politique par la secte islamiste
Boko Haram fait craindre un avenir économique plus sombre. Pour
l'instant, la croissance du pays est indiscutable. Le Nigeria pourrait
même prendre la place de l’Afrique du Sud, première économie d’Afrique
subsaharienne des 15 prochaines années, estime le journal canadien The
Globe and Mail.
4. ZIMBABWE
La forte croissance économique du Zimbabwe suit une décennie de chute
libre. Car entre 1998 et 2002, son engagement dans la deuxième guerre
du Congo a fait s’effondrer l’économie. Puis, entre 2004 et 2009,
l’hyperinflation était telle que le pays a suspendu l’usage de sa
monnaie, le dollar zimbabwéen, au profit des devises étrangères comme
le dollar américain, le rand sud-africain ou l’euro. Cette mesure a été
une planche de salut. Car depuis 2009, la croissance économique monte
en flèche, notamment grâce au retour à un climat favorable aux affaires
avec l’instauration d’un gouvernement d’union nationale entre Morgan
Tsvangirai et Robert Mugabe, au pouvoir depuis 24 ans. En juillet 2011,
le gouvernement a présenté un plan sur quatre ans qui vise une
croissance annuelle de 7%. Il compte sur les investisseurs étrangers
pour redresser les entreprises publiques. C'est une nouvelle étonnante,
dans la mesure où Robert Mugabe a toujours montré une hostilité féroce
envers le rôle économique des blancs du Zimbabwe. Le pays garde
toutefois le triste record de l'IDH le plus faible au monde.
3. BOTSWANA
Depuis son indépendance en 1966, le pays a maintenu une croissance
économique élevée, et ce malgré un coup dur lors de la crise économique
de 2008, répercutée en 2009 avec un PIB réel de -3,7%. L’activité
d’extraction de diamants compte pour beaucoup et fait la richesse de la
compagnie De Beers, dont l'Etat boswanais est actionnaire à hauteur de
15%. Le pays est le second producteur au monde après l’Afrique du Sud.
Mais c'est l’agriculture qui demeure la source de revenu principal des
Bostwanais. L’élevage de viande bovine occupe également une grande
place. Pourtant, ce secteur devrait subir un coup dur en 2011 en raison
de la suspension provisoire des exportations de viandes vers l’Union
européenne pour non-conformité aux normes d’hygiène. Autre menace: le
taux de prévalence du sida, le 2e plus élevé au monde. Toutefois, le
Bostwana a le mérite d’être le pays le moins corrompu du continent et
une des rares démocraties d'Afrique.
2. RÉPUBLIQUE DU CONGO
L’économie du Congo-Brazzaville repose essentiellement sur les revenus
du pétrole, qui représente 90% des exportations et 85% des revenus.
C'est autant une force qu’une faiblesse, selon le président Denis
Sassou N’Guesso lui-même, qui a affirmé au mois d'août vouloir
diversifier l’économie. «La prudence nous recommande de ne pas
continuer à mettre tous nos œufs dans le même panier de pétrole. Il est
vital que nous diversifions notre économie en développant rapidement
les autres secteurs», a-t-il déclaré. L’exportation de bois pourrait,
par exemple, jouer un rôle plus important. Par ailleurs, le Congo est
l'un des seuls pays de ce classement à avoir un indice de développement
humain moyen. Ce qui montre un certain engagement de l'Etat dans le
développement de secteurs tels que la santé ou l'éducation.
1. GHANA
Le Ghana est incontestablement le champion actuel de la croissance en
Afrique. Ce pays anglophone d’Afrique de l’Ouest, bordé par des pays
francophones, devrait selon les projections du FMI atteindre les +13,7%
de croissance en 2011. L'un des plus fortes progressions économiques
d’Afrique, mais aussi du monde. Le secteur agricole constitue un tiers
du PIB et emploie la moitié de la population active. Son produit phare
est le cacao. En outre, le sous-sol du Ghana est riche en or et en
pétrole. Les revenus attendus de la nouvelle activité d’extraction de
pétrole offshore (depuis décembre 2010, sur la plate-forme Jubilee)
expliquent cet essor de la croissance, qui a triplé depuis 2009.
Par ailleurs, le pays connaît actuellement son taux d’inflation le plus
bas depuis 1992 et tout comme le Bostwana, il fait partie des rares
démocratie d'Afrique avec à sa tête John Atta Mills, président depuis
2009.
Mars 2012
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