Lancement de la Fondation franco-africaine pour la croissance
Par James BARMA (AVEC AFP)
Cette
fondation marque la volonté de la mise en place d'un réseau
d'entreprises pour des échanges optimums entre la France et l'Afrique.
Le
cadre était solennel et les participants, prestigieux. À Bercy, au
ministère des Finances et de l'Économie, des entrepreneurs, des
financiers, des acteurs des secteurs numérique et audiovisuel, des
scientifiques ont lancé ce mardi la Fondation franco-africaine pour la
croissance. Désormais, les relations entre la France et les pays
africains se veulent teintées de pragmatisme et d'efficacité face à la
concurrence internationale de plus en plus exacerbée.
Le résultat d'une prise de conscience
"L'Afrique est un continent convoité", a dit le ministre français des
Finances, Michel Sapin. "La Chine, notamment, cherche depuis plusieurs
années à s'y placer en première ligne, pour répondre à la demande d'une
classe moyenne qui représentera dans les prochaines années entre 300 et
500 millions de consommateurs", a-t-il ajouté devant quelque 120
participants.
"Au cours de la dernière décennie, la France n'a, elle, pas toujours
perçu les signaux d'émergence de l'Afrique et elle a laissé, à ses
dépens, sa part de marché se dégrader significativement", a-t-il par
ailleurs déploré.
Annoncée en décembre lors d'un forum économique organisé par le
ministère de l'Économie et le patronat français, le Medef, avant le
sommet franco-africain à l'Élysée, "cette fondation ne doit pas être
une institution supplémentaire, mais un réseau social des entreprises
et de leurs contreparties dans la sphère publique et associative", si
l'on en croit ses créateurs.
"La France ne dispose pas de fondations aussi puissantes que les
fondations anglo-saxonnes (Gates, Clinton), qui jouent un rôle
essentiel dans le rayonnement et la dynamique de liens d'affaires",
avaient fait remarquer en décembre les auteurs de 15 propositions
concrètes pour relancer les relations économiques franco-africaines.
Parmi eux, l'ex-ministre français des Affaires étrangères Hubert
Védrine, le banquier d'affaires franco-béninois Lionel Zinsou et le
dirigeant d'entreprise franco-ivoirien Tidjane Thiam.
En revanche, "les fondations politiques allemandes sont très présentes
en Afrique", notaient-ils. "Celles-ci ont en effet en partie conduit
aux liens privilégiés de l'Allemagne avec l'Afrique du Sud au niveau
tant politique qu'économique", ont-ils poursuivi. Et le ministre des
Affaires étrangères Laurent Fabius de s'interroger : "Comment peut-on
avoir attendu aussi longtemps avant de lancer cette fondation ?" Autre
conséquence de la nouvelle prise de conscience : la fondation a pour
vocation de créer des partenariats avec toute l'Afrique, anglophone,
arabophone, francophone et lusophone. Une prime est accordée au secteur
privé, considéré comme le "moteur de la croissance".
Une nouvelle donne à prendre en compte
Se disant "très heureuse que le secteur privé ait été placé au centre
de cette fondation", la ministre des Finances du Nigeria, l'un des pays
les plus dynamiques d'Afrique, Ngozi Okonjo-Iweala, a estimé dans un
message vidéo qu'il était "grand temps que la France monte sur le
bateau" de la croissance africaine, de plus de 5 % en moyenne sur la
dernière décennie.
"Les jeunes Africains ont changé par rapport à notre génération et il
est important que les entreprises françaises, si elles veulent réussir
en Afrique, aient des partenaires investisseurs locaux", a déclaré le
président de la Fédération des organisations patronales de l'Afrique de
l'Ouest, Jean Kacou Diagou. "Ils n'attendent plus les entreprises
françaises : ils vont avec les Asiatiques, les Canadiens, les
Américains, les Marocains. Je dirais qu'ils sont décolonisés de
l'esprit, a-t-il souri, il faut donc les reconquérir et, pour cela,
créer des joint-ventures avec eux et non plus des filiales à 100 %",
a-t-il ajouté, conseillant aux groupes français de "ne pas seulement
exporter des Français dirigeants alors qu'ils peuvent en trouver sur
place".
Pour maintenir les élites en Afrique, "un sujet important, c'est de
développer un écosystème local pour permettre aux gens de faire des
allers et retours, mais de ne pas se sentir exclus s'ils partent de
leur pays", a indiqué le mathématicien Cédric Villani, lauréat de la
médaille Fields, équivalent du prix Nobel, qui est impliqué dans le
développement de l'enseignement supérieur en Afrique au travers de la
Banque mondiale, de l'African Institute for Mathematical Sciences
(AIMS) ou de la Fondation Simons, basée à New York.
Autant d'éléments qui illustrent le fait qu'un nouveau sillon est
creusé pour un échange gagnant-gagnant entre la France et les pays
africains.
30 Juillet 2014
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