Comment nourrir 10 milliards d'habitants en 2050 ?
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© TV5MONDE - Par Laurie Fachaux - Extrait de "Poulet ivoirien : la
filière se remplume" 17 Avril 2019 - Mise à jour 18.04.2019 à 17:53
En
2050, la planète devrait approcher les 10 milliards d’habitants.
Aujourd’hui, seules 5 milliards de personnes peuvent manger à leur
faim. Nourrir deux fois plus d’habitants dans trente ans, est-ce
possible ? C’est l’objet du dernier numéro d’Objectif Monde.
Une
personne sur trois n’aurait pas accès à une "alimentation saine,
durable et équilibrée" en 2050, d’après l’Organisation Mondiale de
l’Alimentation et de l'Agriculture, la FAO. En 2080, près d’un milliard
et demi de personnes souffriraient de dénutrition, soit 600 millions de
plus qu’actuellement, selon le PNUE, le Programme des Nations unies
pour le développement. Tout ceci, "si rien ne change", observe Maureen
Jorand, responsable du plaidoyer souveraineté alimentaire à
l’association française CCFD-Terre Solidaire.
"Si la planète était une entreprise, elle serait en faillite", dénonce
pour sa part l’ONG WWF. Pour assouvir les besoins de la Terre
aujourd’hui, il nous faudrait plus d’une planète et demi (1,7) selon
WWF.
Si la planète était une entreprise, elle serait en faillite.
Extrait d'un communiqué de l’ONG WWF publié en août 2018
"Nourrir tout le monde en 2050, c’est possible", assure Bruno
Parmentier, auteur de "Nourrir l’humanité". "Encore faut-il que les
dirigeants le veuillent bien !" "Les solutions existent", mais elles
nécessitent "des choix politiques ambitieux", estime Maureen Jorand.
Les défis sont nombreux. Sous-nutrition, malnutrition, obésité liée à
une suralimentation. "De plus en plus de personnes risquent d’être mal
nourries", assure Maureen Jorand.
L’agro-écologie, l’une des clés pour réformer le système alimentaire
mondial ? "Oui", pour Maureen Jorand, face à la résistance aux
pesticides, à l’appauvrissement des terres fertiles, et aux menaces sur
la biodiversité de l’agriculture intensive.
Comment un hectare de terre cultivée va-t-il pouvoir nourrir 6
personnes, au lieu de 4 actuellement, au vu du bond de 70% de la
demande alimentaire prévu en 2050 ? À l'agro-écologie s'ajoutent
d'autres mesures, pour alimenter les 2 milliards et demi d’individus en
plus que comptera la planète en 2050.
Cultiver davantage de terres, le cas de l’Afrique
La population africaine devrait doubler d’ici à 2050, et "les besoins
alimentaires du continent devraient tripler", indique Bruno Parmentier,
car "les classes moyennes consomment davantage de viande". Un kilo de
poulet requiert deux kilos de céréales. Un kilo de bœuf, sept kilos de
céréales.
L’Afrique compte 60% des terres arables non cultivées dans le monde. La
plupart se trouve en République Démocratique du Congo (RDC). Deuxième
pays au monde à détenir la plus grande superficie de terres arables, la
RDC n'en cultive que le dixième, laissant 72 millions d’hectares en
jachère. "Des réserves de productivité [agricole] énormes", pour Bruno
Parmentier.
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En 2030, la RDC pourrait nourrir 3 milliards de personnes.
Extrait d'une étude du PNUD
Toutes ces terres arables non cultivées sont la résultante des conflits
régionaux dans le pays, eux-mêmes générés par les convoitises dont font
l’objet les mines de cuivre, diamant, ou de coltan. "Avec des méthodes
agro-écologiques, la production agricole en Afrique pourrait tripler",
assure l'auteur de "Nourrir l'humanité" Bruno Parmentier. Et "en 2030,
la RDC pourrait nourrir 3 milliards de personnes", indique une étude du
PNUD, le Programme des Nations unies pour le développement.
Stocker des céréales, notamment en Afrique ?
Plusieurs associations plaident pour un stockage de nourriture de plus
grande ampleur. Bruno Parmentier préconise un "stockage massif en
Afrique sous l’égide de l’ONU". Une manière de pallier les pénuries
dues au cercle vicieux du dérèglement climatique, qui entraîne
mauvaises récoltes et envolées des cours.
La volatilité des prix agricoles est l’une des causes des "émeutes de
la faim" de 2007 et 2008 dans plusieurs pays africains comme le
Cameroun, la Côte d'Ivoire, l'Égypte, ou le Nigeria. L'Afrique de
l’Ouest reste une région "dépendante du cours des marchés agricoles",
déplore Maureen Jorand du CCFD– Terre Solidaire.
Afin de freiner la spéculation sur les matières premières, blé et
maïs en tête, le G20 a créé en 2011 un système de partage
d’informations entre pays membres de l'Organisation mondiale pour
l'alimentation et l'agriculture (FAO). Il s’agit de l’AMIS, le Système
d’information des marchés agricoles. Maureen Jorand, du CCFD-Terre
Solidaire regrette toutefois "l’absence de participation des
entreprises à ce mécanisme" (seuls les États l’intègrent), ainsi que
"l’absence de dispositif pour prévenir une pénurie".
Vers l’autosuffisance alimentaire, l’exemple de la Côte d’Ivoire
La Côte d'Ivoire compte 3000 éleveurs de poulets, un chiffre "multiplié
par quatre" en 19 ans, apprend-on dans "Poulet ivoirien : la filière se
remplume", diffusé dans le dernier numéro d’Objectif Monde.
Le pays a pris des mesures protectionnistes en 2005, pour favoriser la
production nationale, et échapper aux fluctuations des prix sur les
marchés internationaux. Étals de marché garnis de poulets locaux,
élevages de volailles à Azaguié à 40 kilomètres au sud d’Abidjan, la
filière avicole en Côte d’Ivoire est en plein essor.
Avant 2005, les Ivoiriens économisaient 60 centimes d’euros en achetant
un poulet importé. 9 poulets sur 10 vendus dans le pays venaient de
l’étranger. La taxe douanière instaurée en 2005 a inversé la tendance.
Comptez actuellement 90 centimes d'euros de moins pour une volaille
locale. "50 000 emplois ont été créés", souligne le journaliste Marc de
Chalvron dans le reportage. Toute la production ivoirienne est destinée
à la consommation locale.
Après le poulet, la Côte d’Ivoire rêve désormais de souveraineté
alimentaire en riz, d’ici à 2020. Le pays importe actuellement
massivement cette céréale, la plus consommée du pays. Jusqu'à présent,
la Côte d'Ivoire avait préféré à cette culture celle du cacao, devenant
le premier producteur et exportateur mondial de cacao, selon la FAO.
Limiter les agrocarburants
"Utiliser des agrocarburants à base de grains comme le colza, c’est de
la folie !", assène l’auteur de "Nourrir l’humanité", Bruno Parmentier.
"La graine, c’est sacré", poursuit l'auteur, alors que la FAO chiffre à
800 millions le nombre de personnes souffrant de la faim actuellement.
Plusieurs experts considèrent qu’il faudrait continuer à développer les
agrocarburants de deuxième génération (à partir des tiges de céréales
par exemple), voire de troisième génération, à base d’algues marines.
Solutions alternatives aujourd’hui…
Élever de poissons herbivores
La pisciculture, remède à l’épuisement des océans ? Des espèces
herbivores, comme la carpe ou le tilapia, sont plébiscitées pour ce
type d'élevages, face au saumon par exemple, carnivore, qui participe à
l’effondrement des stocks de poissons sauvages.
Manger des insectes
"Des élevages de sauterelles en Bretagne", elles-mêmes plat de
résistance pour un élevage de poulets voisin ? "Des vers de farine dans
les barres chocolatées protéinées ?" Des options avancées par Bruno
Parmentier.
Le ver de farine a besoin de sept fois moins de céréales que le boeuf.
10 kilos de céréales sont nécessaires pour produire 7 kilos de vers de
farine, contre 1 kilo de boeuf.
Demain : des steaks in vitro dans nos assiettes ?
Face à l’explosion démographique, des laboratoires mettent au point de
la viande de synthèse. Ce produit carné est le résultat de cellules
souches ponctionnées dans les muscles d’animaux vivants, et cultivées
in vitro en laboratoire.
Le 16 novembre 2018, le ministère de l’Agriculture des États-Unis et la
FDA (l’agence des produits alimentaires et pharmaceutiques) ont
officialisé l’élaboration d’un cadre pour commercialiser ces steaks de
synthèse. Une première dans le monde. Reste à définir cette nourriture
d’un nouveau genre : viande ou tissus de culture ? L’appellation n’est
pas encore définie.
Retrouvez d’autres reportages sur la détresse paysanne en Suisse,
l'usage du glyphosate en France ou le bien-être animal dans les
élevages de poulets en Belgique dans Objectif Monde, diffusé à 21h
(heure de Paris) en France, Belgique et Suisse, et à 21h10 (heure de
Dakar) sur TV5MONDE Afrique ce 17 avril 2019.
20 Avril 2018
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