Les ratés du premier tour des Régionales auraient affaiblis des partis qui comptaient sur une victoire facile. Too bad… Les français attendent beaucoup plus et — most of all — ils veulent rêver à nouveau.
C’est un ras le bol général. Une saturation de la politique et surtout de la manière dont elle est pratiquée par beaucoup d’apparatchiks qui comptaient sur une dynamique sectaire et bas de plafond pour les propulser sous les ors de la république, avec les places et les salaires qui vont avec. Or, il ne suffit pas d’être ambitieux pour bien servir l’intérêt général. Il ne suffit pas d’assener des vérités approximatives plus fort que tout le monde pour convaincre les électeurs. Les français en ont marre. Ils savent précisément ce qu’on leur a confisqué, les libertés, les services publiques, la santé pour beaucoup, des logements décents, une vie digne pour beaucoup d’autres. Les élites parisiennes s’interrogent, mais elles sont directement à l’origine de ce qui se passe. Elles ne comprennent pas les raisons de la défiance qui s’est exprimée. Elles parlent de complot, injurient le ciel ou les électeurs qui ne sont pas assez malins pour bien comprendre les enjeux qu’ils sont censés défendre. Elles reprocheraient presque aux électeurs leurs choix démocratiques.
Nous croyons au contraire qu’ils sont très au courant et très perceptifs. Ils expriment leur désaffection parce qu’ils ne trouvent pas dans l’offre politique actuelle telle qu’elle s’exprime, les réponses aux questions qui les font souffrir ou qui créent des désagréments dans leur vie quotidienne. Ils comprennent très bien ce qui se passe. Quarante ans de leadership ultra-libéral ont abouti à une inversion des valeurs dangereuse. Nous avons assisté au démantèlement des services publics. Nous avons vu les « décideurs » en place saboter les fondements de l’état. Et retirer des éléments essentiels de l’architecture sociale. Il apparait chaque fois plus clairement que nous faisons fausse route et qu’il nous faut inverser cette tendance nocive qui produit une charge mentale toxique dans l’ensemble du corps social. Nous avons vu l’échec absolu des promesses le plus récentes et la réalité toute différente qui s’est avérée à la clef. Ils savent que ce qui s’est mis en place est contre productif pour la majorité des gens. Tous les domaines se sont révélés mal administrés. Non contents de détruire des pans entiers de notre édifice législatif et administratif, ils n’ont pas montré une propension extraordinaire à la chance. Les volontés bravaches de réformes ont achoppé sur une disparition des corps intermédiaires qui ont fait place nette à la brutalité et à l’absence de concertation.
La vérité est que le pouvoir a été conquis par une petite bande de geeks qui croyaient un peu naïvement que tout suivrait. Les reformes inadaptées ont produit les gilets jaunes. Le chaos intentionnellement prolongé pour faire pourrir les mouvements sociaux de l’intérieur au mépris de la prise en compte minimale qu’ils auraient du susciter. La reforme des retraites a été brutale. Et par manque de base parmi la population, la crise du covid a été gérée de manière chaotique par des circuits décisionnel courts qui ont aboutis à des aberrations et à des pertes humaines tout à fait exagérées. Les français sont en colère ou ils sont déçus. Ils l’expriment, car ils ne reconnaissent plus l’art de vivre à la française qui a fait les beaux jours d’une classe moyenne capable de se hisser au niveau d’une ébauche de luxe, et de classes populaires qui ont été ignorées et se sont paupérisées, voyant leur vie rendu plus compliquée et les petits plus qui font le sel de la vie et comme une soupape de respiration réduits à la portion congrue. Le politique ne répond plus à la demande des citoyens. Il est éloigné des problématiques réelles. Et ce n’est pas les idées rances et bas de gamme que propose le rassemblement national qui peuvent créer une offre susceptible d’y apporter une réponse satisfaisante. Il faut arrêter de se passionner pour la bêtise des réponses simplistes qui émanent de ce parti issu de ce que l’Europe a produit de pire, le monstrueux fruit de ses vieux démons. Il faut au contraire se résoudre à le reléguer dans les soubressauts issus de l’Histoire et à l’y laisser définitivement.
C’est ailleurs que doit s’établir un vrai projet pour le pays et autrement. Nous sommes certes ce vieux peuple dont la culture est millénaire mais notre population est jeune et elle est dynamique, inventive, créative, maligne, informée, bien formée et pleine de ressources intellectuelles. La défiance actuelle se double d’un fossé générationel, artificiellement creusé par un pouvoir qui a opposé les jeunes et les personnes plus âgées, en créant pour tous des conditions épouvantables. Aux deux extrémités de la pyramide des âges, on a assisté à un raidissement des conditions de vie, le troisième et le quatrième âge voyant leurs libertés purement et simplement supprimées. Emprisonnés dans des EHPAD ou coincés par les conditions faites dans l’éducation, l’enseignement à distance, finalement inhumain. Les jeunes enfants ou les adolescents, les jeunes adultes se sont retrouvés exclus des enjeux ambiants par une gestion calamiteuse de leur prise en compte réelle. Il n’y a pas de vainqueur, pas de sortie idéale de crise pour un parti ou pour un homme.
Il y a seulement un message.
Cette période a été épouvantable et la traduction politique qui s’en dégage ne pouvait qu’être désastreuse. Le vote souligne le besoin d’un changement profond, pas de quelques améliorations cosmétiques. Bref, il faut se préparer à muter, à totalement changer de logiciel. A revoir de fond en comble les manière d’agir qui oublient de prendre en compte tant de citoyens, qui, forcément désabusés et désobligés, se détournent lors du vote par bravade et y trouvent comme une forme de réponse du berger à la bergère. La mule du pape a gardé son coup de pied longtemps, mais voici que s’exprime un ras le bol général. La droite, elle, est prise en tenaille entre les deux principales sources de bruit médiatiques, LREM et le RN et ne survit que quand elle est fidèle à des valeurs ancestrales. Sauf qu’hélas pour elle ces valeurs ont abouti au mur dans lequel nous buttons actuellement. Une doxa qui prive la grande majorité des gens de leurs droits et leur impose des conditions de vie toujours plus difficiles tout en détruisant la planète. Nous ne voyons, face à la crise sociale qui se profile, que des nécessités nouvelles, une attitude politique différente pour assainir le corps social et le guérir des peines qu’il connait désormais.
Il faudra que naisse un nouvel espoir dans ce pays. Une nouvelle philosophie de vie et une autre capacité à se projeter dans l’avenir pour donner une réelle profondeur historique aux projets qui seront définis pour le futur. Les nécessités nous les connaissons. Nous n’allons pas vers la fin du monde. Cette notion est une vieillerie, aussi ancienne que la fin de vie des hommes. Elle a connu des sorts favorables vers l’an mil et elle nous touche à nouveau jusqu’à ce que nous sachions extirper les fossiles mentaux qui nous encombrent l’esprit depuis si longtemps. Ne nous laissons pas abuser ou démobiliser. Il nous faut agir avec plus d’enthousiasme, de foi et de confiance en l’avenir. Nous n’allons pas disparaître. Allez le dire à tous les adolescents ! Nous avons à nous retrousser les manches pour agir et parer les dangers de notre temps, mais nous sommes une force collective qui peut venir à bout de toutes les difficultés. Comme de désamorcer une bombe écologique, de guérir une planète qui souffre véritablement pour mieux assurer l’avenir. Nous devons unifier les peuples du monde, trouver ce qui fait leurs points communs. Dégager l’intérêt réel d’une génération pour mieux la servir. Si nous savons y parer, nous ressentirons de nouvelles forces nous habiter. Celles de la véritable coopération internationale qui ne peut se faire qu’en fonction de la vraie prise en compte d’une réalité humaine fondamentale et de concepts qui seront en mesure d’avoir une préhension effective sur le réel.
Le mythe du centre éclairé et de l’ « en même temps » a vécu.
Il faut développer de la douceur dans l’appréhension des situations individuelles, de la subtilité dans l’analyse des problématiques ambiantes et une simplicité sous-tendue par de la complexité dans les réponses politiques. Ce qui est aujourd’hui nécessaire, c’est une prise en compte des différentes personnes sur le versant de la justice sociale, la création d’un RSA jeunes de 500 euros par mois garantis et l’augmentation à 1000 euros du RSA, une retraite décente et un minimum vieillesse pour les agriculteurs équivalent. Une redistribution équitable et solidaire.
Il est ensuite indispensable que nous changions de logiciel sur le versant écologique qui doit devenir un élément fondamental, facteur de transformation des modes de production, des transports, des logements et de leurs types de chauffage ou de climatisation.
Troisième notion fondamentale, l’efficacité économique doit elle aussi être l’alpha et l’oméga de la décision politique. Nous devons entraîner la création d’une forme de prospérité accrue, susceptible d’enrichir toutes les couches de la population, en commençant par les couches populaires et la classe moyenne. Qui doivent retrouver et dépasser leurs niveaux de prospérité antérieurs. Aucune difficulté d’entreprendre, aucun frein à la création de richesses, ne doit venir grever l’économie générale du pays qui doit sous tendre les capacités de réformes visant à moderniser, et refondre l’activité en s’appuyant sur les technologies innovantes, le numérique, le quatrième secteur économique, celui des biens immatériels.
Quatrième pilier fondamental, la création et la culture qui doivent enfin permettre l’essor d’une génération d’artistes et d’industries culturelles nouvelles destinées à irriguer le monde de propositions inédites qui concourront au rayonnement de la langue française et de notre culture sur place et à l’étranger. Un grand nombre d’innovations sociales et politiques doivent émailler cette nouvelle page à écrire de la vie du pays. La lutte contre le racisme ou le sexisme pour en défendre les victimes et empêcher les dégâts qu’ils peuvent créer. Inscrire nos destins individuels et collectifs dans l’histoire récente et à plus long terme. Nous pouvons réaliser le rêve d’un Renouveau civilisationel, d’une évolution décisive de notre ordre symbolique et aller vers des Lumières nouvelles à plus longue échéance. Un nouvel âge d’or pour le pays, solidement ancré en Europe, pour laquelle il doit devenir une inspiration positive et fournir un support indéfectible.
Bref, une vie meilleure est possible. Et il nous faut nous donner les moyens de pleinement y accéder. C’est le projet de plusieurs génération simultanées. Une capacité à unifier et à pacifier le pays. Beaucoup de divisions émaillent la vie politique du pays. Si elles sont saines entre les partis, elles sont en revanche délétères à l’échelle de la population. Faire la paix avec notre histoire coloniale et permettre un vivre ensemble plus harmonieux devraient être des priorités de l’action politique, mais tous les partis « dominants » ne font que morceler le pays. Diviser pour régner n’est pas un principe viable à long terme. Nous devons faire une place à tous. N’exclure personne. Permettre des conditions de vie améliorées pour chacun. Une laïcité d’ordre spirituel ou pas, c’est tout le génie du texte de 1905, souvent mal connu. Il y a eu nombre de lois laïques bien avant : l’institution du mariage civil en 1792, les lois scolaires de la IIIe République, la loi de 1881 « sur la liberté des funérailles ». C’est là aussi une manière de lutter contre le communautarisme et de réduire la part de la violence islamiste qui sera absolument inadmissible dans un pays libre qui a développé une longue tradition culturelle de tolérance.
Nous devons faire naître et advenir cette société renouvelée, réconciliée, modernisée et créative qui pourra véritablement permettre de se projeter vers l’avenir. C’est notre chance et c’est notre désir. Nous avons plus que jamais besoin de ce monde meilleur que nous devons très largement mettre en œuvre.
21 Juin 2021
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