Afrique: La fin du nucléaire, vive l'énergie du Sahara Par Maike Winters d'All Africa
Les
militants environnementaux ne sont pas les seuls à avoir le vent en
poupe après les récentes décisions prises par l'Allemagne, la Suisse et
l'Italie d'abandonner l'énergie nucléaire. Le secteur de l'énergie
durable voit ses chances augmenter. Comme l'énorme projet Desertec,
dans lequel l'énergie est puisée dans le Sahara et doit pourvoir de
courant les ménages européens. A moins que le printemps arabe ne fausse
les cartes...
Les chiffres et les ambitions ne manquent
pas. 400 milliards d'euros sont nécessaires au financement de la
construction de panneaux solaires, de miroirs solaires et d'éoliennes
dans le Sahara. Desertec, une initiative d'origine allemande, y voit
son intérêt, certainement après les décisions politiques qui ont été
prises au sujet de l'énergie nucléaire.
Le
responsable néerlandais Paul van Son témoigne : "Ces décisions sont
naturellement une aubaine pour nous, car il existe de grands besoins en
énergie durable. A long terme, nous ne pourrons plus recevoir que de
l'énergie durable. L'énergie nucléaire sera abandonnée et les
combustibles fossiles seront épuisés. Tout indique très clairement que
nous allons en direction de l'énergie durable."
Facture d'électricité élevée
Wim Turkenburg est un spécialiste en matière d'énergie à l'Université
d'Utrecht et est d'accord avec Van Son. "Je trouve cela une idée
intéressante, c'est un projet gigantesque. Techniquement parlant, c'est
certainement possible. Mais avant d'aller si loin, il reste du travail
à faire. C'est un investissement énorme. Outre l'investissement dans le
désert, des réseaux à haute tension spécifiques doivent être installés.
Le prix de l'énergie qui pourra être livrée est encore élevé."
Le printemps arabe
Les coûts de ce projet ne sont pas les seuls obstacles. La situation
politique dans les pays arabes, dont la collaboration est nécessaire à
la réalisation du projet énergétique, est loin d'être stable. Van Son :
"En effet, nous ne pouvons pas faire des affaires avec la Lybie, car le
pays ne fonctionne pas correctement actuellement. Quand tout cela sera
terminé, nous serons les premiers devant la porte. Nous ne sommes pas
particulièrement préoccupés par des pays comme le Maroc et la Tunisie.
Le ministre de l'Energie en Tunisie est toujours la même personne, donc
nous ne remarquons pas de grands changements."
Turkenburg est d'avis que la solution n'est pas si simple que cela :
"Il existe un risque intrinsèque aux projets impliquant ces pays. Leur
politique n'est pas stable. Un sujet sensible comme l'approvisionnement
en énergie peut certainement être utilisé contre vous. Si l'Otan par
exemple faisait irruption dans un pays, les décideurs pourraient
facilement fermer le robinet d'électricité."
Les gouvernements du monde arabe doivent également intervenir, dit Van
Son : "Les premières années, les installations solaires sont
relativement chères. Elles doivent alors être financées et il faut pour
cela négocier avec les autorités. Et pour cela, vous avez besoin
d'aide."
Répartition des risques
Afin de diminuer la dépendance de Desertec par rapport aux
circonstances politiques, il faut répartir les risques, pense Wim
Turkenburg. "La meilleure chose à faire serait une combinaison de
différents projets. Songez par exemple à l'exploitation d'énergie en
provenance de la mer du Nord, afin que vous ne soyez pas dépendants
uniquement de l'Afrique du Nord. Mieux encore, mettez en route un
projet dans lequel tous les pays collaborent", propose l'expert en
énergie. Pour ensuite ajouter, l'air rêveur : "La musique du futur".
Juin 2011
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