L’hydrogène, plan B de la voiture électrique
Par Jean-Michel Normand
Après
Hyundai, Toyota et Honda dévoilent, eux aussi, leur première voiture
dotée d’une pile à combustible. Une technologie pleine de promesses.
Une
voiture électrique, mais en mieux. Un véhicule « zéro
émission » offrant l’autonomie et la simplicité d’usage d’un
moteur traditionnel. Encore inconnue du grand public, l’automobile à
hydrogène avance des arguments plutôt efficaces et, désormais,
concrets. Les constructeurs japonais Toyota et Honda viennent tout
juste de dévoiler des modèles qui seront commercialisés alors que la
filière compte sur la proximité de la COP21, fin novembre, pour se
présenter à son avantage.

Le cœur de cette voiture, c’est sa pile à combustible. Au contact de
l’oxygène, elle transforme l’hydrogène, molécule à l’incomparable
densité énergétique, en électricité et rejette un peu d’eau. La Toyota
Mirai et la Honda Clarity mais aussi la Hyundai ix35, doyenne de la
catégorie, font le plein en à peine plus de trois minutes et parcourent
jusqu’à 600 kilomètres. Presque autant qu’un diesel et deux fois
plus qu’une voiture électrique — qui se recharge en au moins une
demi-heure.
Environ 50 € le plein
« Les véhicules qui utilisent une pile à combustible sont les plus
efficients. L’hydrogène est le chaînon manquant vers la transition
énergétique », veut croire Pierre-Etienne Franc, directeur des
marchés et technologies avancés d’Air Liquide, gros producteur
d’hydrogène. La pile à combustible rend inutile la présence de lourdes
batteries qu’il faudra recycler et s’approvisionne grâce à des
réservoirs parés à toute épreuve, assurent leurs concepteurs. Plus
largement, l’hydrogène se présente comme un excellent moyen de stocker
des énergies intermittentes renouvelables d’origine éolienne, solaire
ou hydraulique. Ces promesses, cependant, restent encore largement
virtuelles.

Pour l’instant, la voiture à hydrogène ressemble à un plan B.
Outre son tarif (59 700 euros, superbonus déduit, pour la
ix35 Fuel Cell de Hyundai, par exemple), elle doit faire avec un
carburant cher (50 euros environ pour un plein, dix fois plus
qu’une recharge de batteries) dont la production n’est pas encore un
modèle d’écologie. Plus de 95 % de l’hydrogène est obtenu à partir
de ressources fossiles comme le charbon ou le gaz naturel. On peut
produire « propre » à partir de biogaz, ou par électrolyse de
l’eau, mais à un coût très élevé à cause, entre autres, de la
consommation d’électricité qui y est liée.
Bref, l’hydrogène ne pourra devenir compétitif qu’à très grande
échelle, à condition de mobiliser d’énormes investissements publics
comme privés, notamment pour constituer un réseau de distribution
d’envergure, et de bénéficier d’un traitement fiscal de choc.
Une technologie adaptée aux longs trajets
La voiture électrique classique, elle, a pris de l’avance. En Europe,
des partenariats se sont déjà noués pour multiplier les solutions de
recharge alors que l’Asie voit plutôt son intérêt dans l’hydrogène.
Dans le futur, l’essor de la pile à combustible sera inversement
proportionnel aux performances des batteries, qui vont devoir fortement
gagner en autonomie et voir leur coût de fabrication baisser pour
atteindre une part de marché significative. Chez Renault, on annonce le
doublement d’ici à 2020 de l’autonomie offerte par les actuels
accumulateurs lithium-ion ; la prochaine Zoe pourra parcourir
300 kilomètres.
« La très forte concurrence à laquelle se livrent les
constructeurs permet de mobiliser les investissements et de stimuler la
recherche sur les batteries », fait valoir Eric Feunteun,
directeur du programme électrique de Renault. Celui-ci refuse pourtant
d’opposer radicalement les deux technologies. Chez Air Liquide,
Pierre-Etienne Franc verrait bien les véhicules électriques classiques
assurer les transports en milieu urbain ou sur courte distance, alors
que ceux dotés d’une pile à combustible seraient utilisés pour les
déplacements au long cours.
« Etant donné que l’on ignore ce que sera la réalité énergétique
dans vingt ans, le dogmatisme n’est pas de mise. D’où la nécessité
d’investir dans toutes les technologies disponibles, y compris les
modèles hybrides », insiste, de son côté, Lionel French Keogh,
directeur général de Hyundai France. L’heure de choisir entre une
voiture dont il faudra recharger la batterie ou celle dont il faudra
faire le plein d’hydrogène semble donc encore lointaine.
Sans compter que les moteurs à explosion restent largement
hégémoniques, et que le maintien d’un cours du pétrole bas ne risque
pas d’accélérer l’arrivée de la fée électricité sous le capot des
automobiles.
26 Novembre 2015
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