Tirer profit du soleil
Par Franck Kuwonu
Le solaire au secours des besoins énergétiques de l’Afrique.
Diffa,
région orientale du Niger au sud du désert du Ténéré — une vaste plaine
de sable s’étendant au Niger et au Tchad dans le désert du Sahara —
abrite les ruines d’un fort colonial centenaire. La zone qui l’entoure,
une oasis du nom d’Agadem, est l’un des endroits les plus ensoleillés
de la planète, juste après un secteur situé au milieu de l’océan
Pacifique autour d’Hawaï et de l’île de Kiribati, selon la National
Aeronautics and Space Administration (NASA).
Les données relevées entre 1983 et 2005 par la NASA ont révélé
qu’Agadem connaît un ensoleillement moyen torride de 6,78
kilowattheures par mètre carré et par jour, soit une énergie suffisante
pour fournir à un foyer américain moyen son eau chaude quotidienne. Le
Niger, et par extension le désert du Sahara, s’apparente à un panneau
solaire géant. Les experts voient en cette découverte une manne
énergétique pour la région. Exploiter l’énergie solaire à grande
échelle, notamment à l’aide d’installations de panneaux
photovoltaïques, pourrait contribuer à alimenter une grande partie de
l’Afrique.
Toutefois, à l’exception de la centrale solaire Noor dans la province
de Ouarzazate au Maroc, aucun autre projet de grande envergure n’a été
lancé pour exploiter l’énorme potentiel énergétique du Sahara. Dans une
certaine mesure, le cas nigérien illustre bien le paradoxe d’un
continent où le soleil est relativement peu exploité alors que ses
rayons abondent.
L’Afrique compte 7 des 10 pays les plus ensoleillés au monde : le
Tchad, l’Égypte, le Kenya, Madagascar, le Niger, l’Afrique du Sud et le
Soudan. Quelques projets d’énergie solaire ont vu le jour ces dernières
années ailleurs sur le continent, et l’intérêt pour la conception de
nouveaux projets n’a cessé de croître. Le développement de l’énergie
solaire en Afrique reste toutefois modeste.
Désespérément à court d’électricité
Selon IHS Technology, une société américaine d’études de marché dans le
secteur économique et énergétique, la capacité de production totale
d’énergie solaire de l’Afrique, estimée à 312 mégawatts en 2013, est
passée à 1 315 mégawatts en 2015, et devrait atteindre 3 380 mégawatts
d’ici à 2017.  Elle décuplera donc sur une période de quatre
ans.
« Le grand saut a eu lieu en 2014 », a confié à Afrique Renouveau
Josefin Berg, analyste principale en matière d’énergie solaire pour IHS
Technology. « Une capacité supplémentaire de 900 mégawatts a été
ajoutée au cours de cette seule année. »
Les pénuries d’électricité restent monnaie courante partout en Afrique,
surtout dans les principaux centres urbains, tandis que de vastes zones
rurales en sont tout simplement dépourvues.
« L’Afrique subsaharienne souffre d’une grave pénurie d’électricité »,
a signalé en juin 2015 le Rapport 2015 sur les progrès en Afrique, une
publication annuelle de l’Africa Progress Panel, présidé par l’ancien
Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan. Et d’ajouter : « La
capacité de production énergétique des réseaux électriques de la région
se limite à 90 gigawatts (GW), dont la moitié est concentrée dans la
seule Afrique du Sud », soit une capacité inférieure à celle de la
Corée du Sud, dont la population représente seulement 5 % de celle de
l’Afrique subsaharienne.
En Afrique subsaharienne, seuls quelques pays, comme le Togo,
fournissent de l’électricité sans interruption tout au long de l’année.
En conséquence, la région perd 2 à 4 % de son produit intérieur brut
annuel. Et si l’Afrique du Sud bénéficie de la moitié de l’électricité
subsaharienne, ses habitants n’ont pas échappé aux délestages. Les
pannes de courant nuisent à la productivité économique. Cette situation
devrait durer jusqu’en 2017, et la Banque centrale de l’Afrique du Sud
prévoit une baisse de 0,6 % de la croissance économique en 2015 et 2016.
Les sécheresses qui affectent  les barrages hydroélectriques,
la hausse du prix du carburant qui se traduit par une 
augmentation du coût d’exploitation des générateurs thermiques,
l’entretien insuffisant des infrastructures existantes et le manque
d’investissements figurent parmi les  causes du mauvais état du
secteur énergétique africain.
Exploitation du potentiel
Plus que les autres pays, l’Afrique du Sud se tourne vers l’énergie
solaire pour répondre à sa crise énergétique. La puissance installée
devrait atteindre 8 400 mégawatts d’énergie solaire d’ici à 2030, plus
8 400 mégawatts d’énergie éolienne. Plusieurs installations
photovoltaïques solaires ont été commandées, notamment le projet de
centrale solaire de Jasper de 96 mégawatts, l’une des plus grandes
centrales électriques photovoltaïques d’Afrique, qui vise à alimenter
30 000 foyers en énergie solaire. Le pays a accru ses capacités de
production ces deux dernières années pour représenter environ 90 % de
la croissance de la capacité solaire continentale, de 312 mégawatts en
2013 à 1 315 mégawatts en 2015.
Le Maroc met actuellement en œuvre l’un des plus grands projets
d’énergie solaire au monde, dont la première phase a été lancée en
février 2016. Parallèlement, le pays a entrepris la deuxième phase du
projet qui, une fois terminé en 2018, devrait fournir de l’électricité
à 1,1 million de personnes et couvrir 14 % des besoins énergétiques du
pays d’ici à 2020.
Avec son projet Nzema, le Ghana était censé être le fer de lance de la
révolution solaire dans la région. Un parc solaire ambitieux à environ
270 km de la capitale Accra, qui devait être mis en service en 2015 et
produire 155 mégawatts — de quoi alimenter 100 000 foyers. Il a été
conçu pour être connecté au réseau national et pour renforcer les
exportations d’énergie du Ghana vers les pays limitrophes. Ses
promoteurs affirmaient qu’il allait changer la donne en Afrique.
Toutefois, quatre ans après l’annonce du projet, Nzema ne s’est
toujours pas concrétisé. Selon certains rapports, la construction du
parc débutera bientôt, avec pour date éventuelle d’achèvement 
2017. La plupart des projets d’énergie solaire du continent continuent
à souffrir de retards. En Afrique de l’Ouest, il faut compter cinq à
six ans en moyenne pour terminer un projet d’énergie solaire, a confié
à Afrique Renouveau Doug Coleman, le directeur du projet de parc
solaire Nzema. En revanche, en Afrique du Sud, le délai moyen est de 9
à 24 mois. Selon Mme Berg d’IHS Technology et M. Coleman, cette
différence s’explique par le degré de développement et de maturité du
marché sud-africain. « Ailleurs, les politiques et réglementations sont
encore en cours d’élaboration », a déclaré M. Coleman.
Selon la Banque mondiale, la fragmentation du marché, les coûts de
transaction élevés, les risques perçus et le coût du capital figurent
parmi les  obstacles qui dissuadent  les investisseurs
privés.
Au début de l’année  dernière, la Banque mondiale a lancé
l’initiative Scaling Solar, afin de diminuer « le temps de
développement et les incertitudes que doivent affronter les
soumissionnaires et les investisseurs, tout en réduisant les tarifs des
services publics ». Ce programme, géré par la Société financière
internationale, une filiale  de la Banque, offrira une
expertise en matière d’appels d’offres et de financement et aidera à
rendre opérationnels en moins de deux ans des projets à financement
privé. À mesure que le prix des panneaux photovoltaïques continuera de
baisser sur le marché international et que les projets d’énergie
solaire commenceront à générer des bénéfices, les nouveaux marchés
d’énergies renouvelables attireront davantage les investisseurs privés,
indique la Banque.
En août, le Conseil sud-africain de la recherche scientifique et
industrielle (CSIR) estimait que le pays a économisé l’équivalent de
584 millions de dollars — soit dix fois plus que l’an dernier — grâce à
l’énergie solaire et éolienne produite  au cours du premier
semestre 2015. Le CSIR s’attend à réaliser davantage d’économies lors
de la mise en service d’autres projets.
Heureusement, alors que les perspectives solaires de l’Afrique
continuent de s’améliorer, plusieurs sociétés ont manifesté leur
intérêt pour  le développement de solutions. En août dernier,
SkyPower, une société d’énergie solaire américaine, a conclu un accord
avec le Kenya pour construire une usine d’un gigawatt au cours des cinq
prochaines années.
« Ces grandes annonces sont très fréquentes », indique Mme Berg d’IHS
Technology, cependant, elles tardent à se concrétiser, si jamais
elles  se concrétisent.
Alors que d’autres pays d’Afrique subsaharienne se lancent sur la voie
de l’énergie solaire, l’initiative de la Banque mondiale et
l’expérience sud-africaine montrent que les énergies renouvelables,
malgré les difficultés actuelles, pourraient avoir un bel avenir sur le
continent.
La percée de l’énergie solaire en Afrique
Par Ernest Harsch
On trouve de tout dans les échoppes le long de la route principale
entre Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, et le nord-ouest du
pays : maroquinerie, meubles en bois, seaux en plastique coloré, poulet
grillé, pièces détachées pour motocyclettes et même, depuis peu, des
panneaux solaires.
Comme en témoignent les chantiers de logements sociaux alentour,
Bassinko, région en plein essor, attire une part croissante de la
population. Mais l’approvisionnement en électricité reste aléatoire et
les fréquentes pannes expliquent la hausse de la demande en sources
d’énergie alternatives. Pour les fournisseurs de panneaux solaires, les
affaires sont bonnes tandis que de nombreuses entreprises
d’installation et de maintenance domestique et commerciale ont
récemment vu le jour.
Dans toute l’Afrique, les experts en développement soulignent depuis
longtemps les avantages que l’on pourrait tirer de l’énergie
solaire.
Au Burkina Faso, le Premier ministre Paul Kaba Thiéba explique que le
gouvernement a décidé de concentrer plus spécifiquement ses efforts sur
l’énergie solaire, dans le cadre d’un plan de transition « vers des
énergies propres et renouvelables ».
En plus des  centrales solaires dont il favorise la
construction et des coups de pouce qu’il offre aux entreprises qui
installent des panneaux solaires, le gouvernement travaille avec les
banques et les institutions financières pour développer de nouvelles
lignes de crédit qui permettront l’achat d’installations solaires.
Makhtar Diop, le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique,
dont les institutions offrent une aide au financement des efforts du
Burkina Faso dans ce domaine, est lui-même convaincu d’une chose : le
pays aura un jour les capacités de produire des « dizaines de
mégawatts» d’électricité solaire.
15 Mai 2016
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