L'Europe n'a pas le cœur à la fête, mais l'urgence de se mettre à la tâche
Par Laki Sola
En cette journée du 9 mai 2016, les peuples européens unis sous la bannière azur étoilée n'ont pas le cœur à fêter l'Europe.
Jamais
les crises auxquelles l'Union européenne a eu à faire face n'auront à
ce point mis en lumière les carences profondes de son fonctionnement.
En témoigne l'inquiétude grandissante des peuples face à la crise des
migrants, la menace terroriste ou encore les négociations sur le traité
transatlantique (TTIP / TAFTA). Des maux qui ne sauraient se substituer
à la crise économique qui impose depuis plusieurs années dans les états
membres des réformes structurelles de libéralisation des marchés, sur
les recommandations appuyées de la Commission européenne.
Cependant, si l'heure est à l'urgence, ces crises requièrent les mêmes remèdes: plus d'Europe pour mieux d'Europe.
En effet, comment imaginer une lutte efficace contre le terrorisme sans
la création d'une politique européenne de renseignement -au-delà même
de la coopération entre polices et les échanges d'informations dans le
cadre du PNR? S'ajoute à cela, la nécessaire et épineuse question de la
création d'un Parquet européen doté d'une mission clairement définie
lui donnant compétence pour mener des enquêtes et engager des
poursuites.
Il y a urgence, et comme le soulignait récemment l'eurodéputé et ancien
Premier ministre belge, Guy Verhofstadt: "L'obstination du Conseil
européen à refuser tout progrès tangible et concret en matière
d'intégration des services finit par relever de la "négligence grave"
pour la sécurité des Européens".
De même qu'il est impossible de concevoir décemment une résolution
pérenne de la crise des migrants sans envisager une politique
migratoire européenne efficace impliquant notamment la fixation de
quotas (validés par les parlements nationaux) et la création d'un corps
européen de garde-frontières et de garde-côtes. Là aussi, il y a
urgence: "On peut estimer qu'il y a entre 600.000 et 700.000 migrants
qui sont en attente, à la périphérie de l'Europe, du bon moment pour
entrer dans l'UE" rappelait, il y a 15 jours, le directeur de l'agence
Frontex, Fabrice Leggeri.
Ainsi, le récent accord signé avec la Turquie, négocié avec l'Allemagne
et approuvé par le Conseil européen le 18 mars 2016, ne doit pas être
considéré comme une fin, mais comme le point de départ d'une réflexion
en profondeur sur la politique européenne de l'asile.
"Mieux d'Europe", pour ne pas rester au rang de simple slogan, implique
également une vraie politique protectionniste des intérêts européens.
Le protectionnisme, considéré comme un gros mot -sauf lorsqu'il est
prononcé par un américain ou un chinois- relève pourtant du bon sens
politique dans une démocratie moderne: de la même manière qu'il est
évident que le libre-échangisme implique de la réciprocité, la
concurrence qui en découle ne peut être faussée. La réciprocité c'est,
par exemple, l'accès aux marchés publics américains ET européens dans
les mêmes conditions pour les entreprises des deux continents ou la
défense des appellations d'origine contrôlée. Faute de quoi, il ne peut
avoir de traité transatlantique équilibré.
Par ailleurs, face à la Chine qui subventionne allègrement son
industrie (production agricole, de panneaux solaires, etc...), et
réalise un dumping social, monétaire et environnementale, la
réciprocité devrait -a minima- imposer une taxation des produits
importés venant de cette région du monde.
Urgence, encore une fois, car: "Une Union européenne qui ne se protège
pas ne peut qu'inspirer le mépris aux peuples qui la composent", selon
le géopoliticien Renaud Girard.
Pour rester fidèle à Victor Hugo, l'Europe ne se fêtera que le jour où
"de l'union des libertés dans la fraternité des peuples naîtra la
sympathie des âmes, germe de cet immense avenir où commencera pour le
genre humain la vie universelle et que l'on appellera la paix de
l'Europe".
Plus d'un siècle plus tard, l'ambiance devrait être de nous mettre à la tâche...
9 Mai 2016
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