“Si l’Union européenne veut survivre, elle devra être flexible”
Par Pieter Cleppe
Certains
l’ont craint, d’autres l’ont attendu avec impatience : le Brexit est là
et vient désormais, le temps de la réflexion sur l’avenir. Quelles
conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne décidée
par les électeurs britanniques le 23 juin ? Au niveau économique, peu
de choses devraient évoluer d’après Pieter Cleppe qui dirige le bureau
de Bruxelles du think tank Open Europe. Pour lui, “les enjeux sont tout
simplement trop importants pour que les choses dérapent”. Il lance
aussi à l’UE, une recommandation sans appel : “Bruxelles devrait
réellement mettre fin à l’aspect politique de la coopération européenne
et se concentrer sur sa fonction d’organisation dédiée à la levée des
barrières commerciales,” assure l’analyste.
Sophie Claudet, euronews :
“Votre
groupe de réflexion soutient que peu de choses vont changer après le
Brexit dans la mesure où le Royaume-Uni pourra encore accéder au marché
unique européen. Pouvez-vous nous en dire plus ?”
Pieter Cleppe, Open Europe :
“Les
enjeux sont tout simplement trop importants pour que les choses
dérapent. L’Allemagne exporte beaucoup vers le Royaume-Uni, la Belgique
peut-être même plus, les Pays-Bas, les ports d’Anvers et de Rotterdam,
il y a aussi les constructeurs automobiles allemands.
On peut bien sûr menacer la Grande-Bretagne d’imposer des restrictions
à son industrie financière, mais ensuite si la Grande-Bretagne instaure
des barrières douanières pour les pays du continent, cela détruira
beaucoup d’emplois sur place. Donc personne n’a vraiment intérêt à
lancer une guerre commerciale.
Et ceux qui disent que le continent a l’avantage, je crois qu’ils se
trompent. Ce n’est pas parce que 200.000 emplois risquent de
disparaître en Grande-Bretagne et que seulement 100.000 risquent d‘être
perdus en Allemagne, que tout d’un coup, Angela Merkel serait d’accord
pour mettre en péril ces 100.000 emplois.”.
“L’UE doit mettre fin à l’aspect politique de la coopération européenne”
Sophie Claudet :
“Pensez-vous que ce vote va ouvrir la voie à d’autres référendums dans
lesquels les électeurs d’autres pays diront s’ils veulent ou non
quitter l’Union ?”
Pieter Cleppe :
“Pas dans l’immédiat, mais tout dépend de la manière dont l’Union européenne réagit au Brexit.
Si elle essaye de continuer de faire ce qui marche, à savoir lever les
barrières commerciales, je dirais qu’elle gagnera en popularité, en
particulier si elle arrête de faire ce qui entraîne constamment des
oppositions.
Chaque fois que l’Union essaie de préserver l’activité d’entreprises
comme Ryanair ou Wizz Air sur le continent, il y a peu de gens pour la
critiquer. C’est toujours quand Bruxelles intervient dans les questions
budgétaires nationales, organise des transferts fiscaux entre Etats
membres ou tente de gérer dans les moindres détails, comme les
décisions en matière d’asile qu’un fort euroscepticisme s’exprime.
Donc Bruxelles devrait réellement mettre fin à l’aspect politique de la
coopération européenne et se concentrer sur sa fonction d’organisation
dédiée à la levée des barrières commerciales.”
“Une majorité de gens a beaucoup de problèmes avec la liberté de circulation”
Sophie Claudet :
“Vous semblez très en faveur du libre échange, mais des citoyens
européens vous diront que la liberté de circulation des personnes est
le sujet qui leur importe le plus et le Brexit pourrait l’abolir en
partie !”
Pieter Cleppe :
“La liberté de circulation fait effectivement partie de cette notion de
libre-échange et je pense que c’est un aspect très bénéfique de la
coopération en Europe. Mais malheureusement, il y a une majorité de
gens – pas seulement en Grande-Bretagne, mais aussi dans de nombreux
Etats membres – qui ont beaucoup de problèmes avec ça. Donc je crois
que pour sauvegarder le plus possible cette liberté de circulation, il
est peut-être nécessaire de faire des compromis. Par exemple, on a vu
l’an dernier comment a été sauvé l’accord sur la circulation sans
passeport au sein de l’espace Schengen. La Commission européenne a
effectivement fait du bon travail en étant flexible. Elle a autorisé
les pays à rétablir temporairement des contrôles à leurs frontières et
cela a certainement contribué à du moins stabiliser la crise des
réfugiés et le plus important, c’est que cela a probablement sauvé
l’espace Schengen. Donc si l’Union veut survivre, elle devra être
flexible.”
28 Juin 2016
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