Brexit : les Britanniques pris à leur propre piège
Par Sonia Delesalle-Stolper, correspondante à Londres — 31 mai 2017 à 19:56
Le
Royaume-Uni n’avait pas prévu qu’il ne pourrait pas compter
sur son allié américain et que l’axe Paris-Berlin sortirait renforcé de
la présidentielle française.
Le
merveilleux scénario rêvé par les plus enthousiastes des eurosceptiques
britanniques au lendemain du référendum sur le Brexit a du plomb dans
l’aile. En principe, la Première ministre, Theresa May, envoyée illico
serrer la pince de Donald Trump, aurait dû renforcer la fameuse
«relation spéciale» entre les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Pendant que
l’Union européenne se dépêcherait de s’autodétruire, aidée en cela par
l’élection en France de Marine Le Pen.
Les Britanniques, une fois de plus, auraient été les précurseurs d’un
nouvel ordre mondial. Sauf que, patatras, rien ne fonctionne comme
prévu. Le président américain se révèle un allié on ne peut plus
imprévisible, voire gênant, notamment lorsqu’il ne peut contrôler les
fuites de ses services de sécurité sur l’attentat de Manchester.
Macron, farouche pro-européen, est désormais le président
français. Et voilà que l’Europe bouge. Pas vers un effondrement mais,
semble-t-il, un renforcement de ses alliances sous l’impulsion du
tandem Macron-Merkel. Lequel se paye, de plus, le luxe de contrer
Trump. Rien ne va plus et, outre-Manche, on ne cache plus un certain
malaise.
Lors du récent sommet de l’Otan puis du G7, May est ainsi apparue
singulièrement effacée. Elle est certes en pleine campagne (éléctions
législatives le 8 juin) et devait gérer les suites de l’attentat
de Manchester, mais cela ne suffit pas à expliquer son isolement. A
moins que les tentatives britanniques de modifier des propositions de
l’UE sur la lutte contre le dérèglement climatique, pour ménager Trump,
n’y soient pour quelque chose. The Independent a révélé ces
informations en citant des documents obtenus par Greenpeace EnergyDesk.
Qui plus est, les menaces de May, qui veut être une «femme fichûment
difficile» dans les négociations sur le Brexit (19 juin), sont peu
appréciées. «Elle nous a transformés en ogres auprès de l’Europe. Nous
sommes la risée de tous», s’est désolée la députée travailliste Angela
Rayner. Encore dans l’UE, mais sur sa tranche, désarçonné par un allié
américain difficile, le Royaume-Uni ne sait plus sur quel pied danser.
Le Brexit devait lui permettre de devenir un phare géopolitique. Mais
les signes de ralentissement économique se font jour et le pays
commence à réaliser que faire cavalier seul dans un monde troublé ne
sera pas forcément évident.
8 Juin 2017
Abonnez-Vous à Libération
Retour à l'Europe
Retour au sommaire
|