Bruxelles activera sa loi de blocage pour protéger les entreprises européennes en Iran
LE MONDE | 06.08.2018 à 21h43 • Mis à jour le 07.08.2018 à 10h30 | - Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)
Les
mesures annoncées ouvrent notamment des droits à l’indemnisation – à
fixer par un juge – pour les dommages qui seraient causés par ces
sanctions.
Alors
que l’administration américaine a déclenché sa première vague de
sanctions contre l’Iran, mardi 7 août, la Commission européenne
avait annoncé, la veille, qu’elle activerait, en guise de riposte, sa
loi dite « de blocage ». Elle vise à protéger les entreprises
européennes qui voudraient rester actives en Iran, malgré les menaces
brandies par Donald Trump.
Les mesures américaines frappant Téhéran ciblent les transactions
financières et les importations de matières premières, ainsi que les
secteurs des métaux précieux, de l’automobile et de l’aviation
commerciale. Le gouvernement américain entend ensuite mettre en place,
le 5 novembre, des mesures touchant les secteurs du pétrole et du
gaz, ainsi que la Banque centrale iranienne.
Les Vingt-Huit répliquent pour défendre leurs intérêts économiques mais
ils lancent, en fait, un signal politique, qu’ils espèrent fort, au
régime iranien, qui exigeait des signes de l’engagement européen en vue
de défendre l’accord global sur le nucléaire iranien, approuvé
en 2015 par les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France, la
Grande-Bretagne et l’Allemagne. Le chef de la diplomatie iranienne,
Mohammad Javad Zarif, a souligné, lundi, que, selon lui, le
rétablissement des sanctions américaines allait isoler les Etats-Unis
et leurs alliés saoudiens et israéliens.
Les Européens veulent aussi s’adresser au président Trump, qui a
dénoncé l’accord en mai. Lundi, les ministres des affaires étrangères
français, allemand et britannique ont signé, avec la Haute
Représentante, Federica Mogherini, un communiqué commun évoquant leur
« profond regret » de la réimposition de mesures
restrictives. « La levée des sanctions est une partie essentielle
de l’accord : elle vise à avoir une incidence positive non
seulement sur les relations commerciales et économiques avec l’Iran
mais également et surtout sur la vie du peuple iranien », précise
le texte.
Bruxelles persiste à croire que l’accord global entériné en 2015
par les Nations unies est le seul moyen d’empêcher une escalade
nucléaire. M. Trump défend l’idée qu’il n’entrave pas le
développement de l’arsenal balistique de Téhéran et n’endigue pas ses
activités déstabilisatrices au Proche-Orient ou dans les pays du Golfe.
L’initiative des Vingt-Huit détaillée lundi consiste en fait en une
réactivation de dispositions élaborées en 1996, lors de la menace
de sanctions américaines contre Cuba, la Libye et, déjà, l’Iran. Elles
visaient à contrer les effets extraterritoriaux pour les entreprises
européennes voulant investir et développer leurs activités dans les
pays concernés.
Les nouvelles dispositions interdisent en fait aux entreprises
européennes de se conformer aux sanctions américaines, jugées illégales
en droit international : elles aboutiraient à dicter leur ligne de
conduite à des opérateurs économiques qui n’ont pas à être soumis à des
lois américaines. Si des entreprises s’y soumettaient quand même –
certaines l’ont déjà fait – elles devraient être frappées de pénalités,
fixées par chaque Etat membre et censées être à la fois
« dissuasives et proportionnées ».
Les mesures annoncées ouvrent, par ailleurs, des droits à
l’indemnisation – à fixer par un juge – pour les dommages qui seraient
causés par ces sanctions. Enfin, le texte annule les éventuels effets,
dans l’Union, de toute décision de justice étrangère qui serait fondée
sur ces sanctions.
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