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Les temps forts du sommet de Salzbourg
CATHERINE CHATIGNOUX - GABRIEL GRESILLON Le 20/09 à 19:21Mis à jour à 20:30
Brexit,
migrants : si la réunion des dirigeants n'a pas permis de percées
notables sur les sujets du moment, elle a connu des moments de vérité,
des clarifications et quelques coups de gueule.
Tout
à leur propre agenda politique , les dirigeants européens ont tenté
jeudi à Salzbourg de progresser sur les deux sujets chauds du
moment : le Brexit et la politique migratoire. De timides progrès
sont à noter, même s'ils ont été réalisés à doses homéopathiques.
Brexit : nouvelles propositions à venir
Si elle a clamé devant toutes les caméras qu'elle ne changerait plus un
iota de son « Plan de Chequers » sur la relation future avec
l'Union européenne « à prendre ou à laisser », la Première
ministre britannique Theresa May a esquissé, en revanche, une ouverture
sur la question de la frontière irlandaise . Elle a promis,
« sous peu », une nouvelle proposition sur ce sujet, point de
cristallisation du constat de divorce entre le Royaume Uni et l'Union.
Les deux parties sont d'accord pour éviter le rétablissement d'une
frontière physique entre la province britannique d'Irlande du Nord et
la République d'Irlande, mais Londres conteste les termes du
« filet de sécurité » (« backstop ») réclamé par
l'UE pour garantir ce résultat. Bruxelles propose en effet que
l'alignement réglementaire entre Nord et Sud de l'île soit compensé par
une frontière en mer entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord. Ce
que Londres juge inacceptable au plan de sa souveraineté.
Theresa May, qui espérait régler le problème irlandais en préservant un
commerce de marchandises sans entrave avec l'Union à l'avenir, va
devoir revoir ses plans. Ses partenaires ont été très clairs sur le
fait qu'en l'état, le modèle économique que le Royaume-Uni a mis sur la
table, n'est pas recevable. « Le cadre des relations économiques
tel qu'il est proposé ne fonctionnera pas, ne serait-ce que parce qu'il
saperait les fondements du marché intérieur de l'Union », a
affirmé le président du Conseil européen, Donald Tusk. Le président
français Emmanuel Macron a été tout aussi clair : « Nous
avons réaffirmé notre volonté de ne rien céder, il s'agit d'un intérêt
vital, politique, économique pour l'Union européenne ».
Londres et Bruxelles espèrent s'entendre lors d'un prochain sommet en
octobre à Bruxelles qui doit sceller leur divorce. Le négociateur
européen du Brexit, Michel Barnier, va tenter de son côté de convaincre
Theresa May que la frontière entre l'Irlande et la Grande-Bretagne,
qu'elle refuse pour l'instant, pourrait fonctionner sans grande
friction. En cas de désaccord persistant, un sommet européen
extraordinaire serait convoqué les 17 et 18 novembre.
Pas de nouveau référendum
Secrètement pour la plupart et publiquement pour deux d'entre
eux, le Maltais Joseph Muscat et le Tchèque Andrej Babis, les
dirigeants européens aimeraient que les Britanniques puissent
organiser un nouveau référendum . Ils espèrent, ce qui reste à
prouver, que le vote serait cette fois négatif mais Theresa May a
réfuté catégoriquement un tel scénario : « Je sais que bon
nombre d'entre vous ne veulent pas le Brexit », a-t-elle lancé à
ses partenaires lors du dîner mercredi à Salzbourg. « Mais il est
important que ce soit clair : il n'y aura pas de second référendum
au Royaume-Uni. Le peuple a rendu son verdict et en tant que Première
ministre, je le mettrai en oeuvre. Le Royaume-Uni partira le
29 mars de l'année prochaine ».
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Rien ne bouge sur la politique migratoire
Si le sommet n'a débouché sur aucun progrès décisif dans le domaine
migratoire, il a été marqué par un certain consensus sur les
priorités du moment . Du triptyque « Responsabilité, solidarité,
protection des frontières », c'est surtout le troisième volet qui
séduit les dirigeants européens pressés par leurs opinions publiques de
limiter les flux de migrants. « La question migratoire ne se
résoudra pas par la répartition (des migrants au sein des pays de
l'UE), mais par la défense des frontières extérieures » a déclaré
l'hôte du sommet, l'Autrichien Sebastian Kurz qui gouverne avec le
parti d'extrême droite FPO. Un partenariat s'est engagé sous son
impulsion avec l'Egypte, citée en modèle dans sa lutte contre les
embarquements clandestins à destination de l'Europe. Le président Tusk
s'est vu donner mandat d'étendre ce type de partenariat à tous les
pays d'Afrique du Nord à la faveur d'un sommet avec la Ligue arabe
(basée au Caire) qui pourrait être organisé en février.
Le renforcement du rôle et des moyens de l'agence Frontex et
l'accélération des reconduites aux frontières proposées la semaine
dernière par la Commission européenne ont reçu un bon accueil même si
la Hongrie et l'Italie ont dénoncé les atteintes à sa souveraineté que
représente selon elle, la montée en puissance de l'appui de Frontex.
L'Espagne qui avait accueilli cette suggestion avec réticence a fait
savoir que son pays ne voyait « pas d'inconvénient » à
une telle mesure. « Mais nous le considérons comme un mécanisme
flexible et complémentaire », a précisé une source diplomatique
Crise existentielle
Autant dire que face à cette ligne dure, les propositions appelant à la
solidarité et au partage des migrants, une fois ces derniers débarqués
sur le sol européen, n'ont pas fait recette. Ce qui a provoqué une
tirade agacée du président français : « Ceux qui expliquent
qu'ils aiment l'Europe quand elle permet la prospérité à leur peuple
mais qui refuse le moindre réfugié et ne respecte aucune règle sont les
mêmes qui créent le trouble » a-t-il lancé. « A un
moment donné, le règlement se fera simplement [...], les pays qui ne
veulent pas davantage de solidarité, ils sortiront de Schengen. Les
pays qui ne veulent pas davantage d'Europe, ils ne toucheront plus les
fonds structurels et donc il faut qu'au printemps prochain nous ayons
cette discussion en vérité ».
Embrayant sur la campagne électorale des européennes qui s'annonce
antagoniste, le président, s'inscrivant dans un combat entre les
progressistes et les nationalistes a ajouté : « la crise que
l'Europe vit ces 10 dernières années, c'est une crise existentielle, la
capacité à savoir si le projet politique conduit par les pères
fondateurs, qui a consisté à savoir conjuguer les intérêts nationaux
pour définir quelque chose de plus grand, peut toujours
prévaloir ».
« C'est un combat historique, ce n'est pas une élection comme les
autres », a-t-il résumé à propos de la prochaine échéance
électorale européenne.
Le cas Orban
Le chef de l'Etat a été interrogé sur l'absence de débat au niveau
des dirigeants sur le cas Orban, après le vote historique la
semaine dernière du Parlement européen contre les atteintes à l'état de
droit en Hongrie. « Ce n'est pas moi qu'il faut persuader de
lancer ce type de débat politique » a-t-il répondu. « Je
souhaite que le conseil puisse en être saisi et que les
conclusions en soient tirées au niveau des ministres et au niveau du
Conseil européen. »
Catherine Chatignoux et Gabriel Gresillon
Envoyés spéciaux à Salzbourg
21 Septembre 2018
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