Les six pays triple A de la zone euro pourraient faire emprunt commun Avec Le Monde
BERLIN, BRUXELLES CORRESPONDANTS - Berlin,
jusqu'ici très opposé à tout projet d'euros-obligations – des
obligations émises pour l'ensemble des membres de la zone euro –,
envisagerait désormais de lancer des emprunts pour le compte des six
pays de la zone euro notés triple A. Outre l'Allemagne, seraient
concernés la France, la Finlande, les Pays-Bas, le Luxembourg et
l'Autriche. C'est ce qu'affirme, lundi 28 novembre, le site Internet du
quotidien Die Welt. Le Royaume-Uni, qui n'est pas membre de la zone
euro, pourrait y être associé. Surnommés "obligations d'élites", ces
titres pourraient être émis avec un taux compris entre 2 % et 2,25 %,
affirme le journal.
Le ministère des finances allemand a démenti dans la matinée cette
information. Néanmoins, depuis l'échec de l'émission d'obligations
allemandes, mercredi 23 novembre, et le sommet de Strasbourg, le
lendemain, entre Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et le premier ministre
italien Mario Monti, les réflexions semblent s'accélérer en Allemagne
pour présenter un plan de sortie de crise, avant même le prochain
Conseil européen des 8 et 9 décembre.
Dimanche 27 novembre, l'hebdomadaire dominical Die Welt am Sonntag
affirmait que la France et l'Allemagne envisageaient la mise en place
d'un pacte de stabilité limité à quelques pays de la zone euro. Ce
pacte, qui ne concernerait que les pays volontaires au sein de la zone
euro, serait juridiquement proche de l'accord de Schenghen sur la libre
circulation des personnes qui ne concerne que vingt-deux pays
européens. Angela Merkel constaterait en effet qu'elle n'arrive pas à
imposer la réforme des traités à Vingt-sept, qu'elle appelle de ses
voeux pour sanctuariser la discipline budgétaire.
Signe de l'évolution des esprits en Allemagne, l'économiste Peter
Bofinger, qui est l'un des cinq économistes à conseiller le
gouvernement, plaide désormais pour une intervention accrue de la
Banque centrale européenne (BCE) et pour l'émission
d'euros-obligations. "Si la BCE ne devait pas agir, s'il n'y a pas
d'euros-obligations, nous courons à la catastrophe", a-t-il déclaré
dimanche 27 novembre dans les médias irlandais.
"Nous ferions l'expérience d'un effondrement des marchés financiers.
Nous verrions une récession extrêmement forte dans toute l'Europe. Nous
aurions une longue période de très haut niveau de chômage dans toute
l'Europe. Les banques feraient faillite et les gens perdraient leur
argent", a poursuivi cet économiste, jugé le plus à gauche des cinq
experts du gouvernement.
Les "obligations d'élite" permettraient à ces pays de se financer mais
aussi de financer les pays en difficultés, comme l'Espagne ou l'Italie,
en échange d'un programme d'assainissement.
Le dispositif permettrait aussi de garantir les rachats de dette
effectués par la BCE, dont on attend qu'ils montent encore en puissance
dans les prochains jours pour apaiser la crise. Ce dispositif qui n'en
serait qu'au stade de la réflexion permettrait aussi de contourner les
difficultés que rencontre actuellement le Fonds européen de stabilité
financière (FESF) pour accroître sa force de frappe.
PISTE SÉRIEUSE
La création d'obligations communes, est considérée comme une piste
sérieuse. Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, en fait
l'un des principaux sujets de discussion dans la perspective du
prochain sommet européen. Il espère que les chefs d'Etat et de
gouvernement seront en mesure de fixer une "feuille de route" dont le
but ultime serait, sur plusieurs années, la mise en place des
euros-obligations.
Dans des documents préparatoires au sommet, M. Van Rompuy utilise le
terme de "mutualisation de la dette publique" des pays de la zone euro,
sans en préciser les modalités. Un concept qu'il préfère à celui
d'euros-obligations considéré à Bruxelles comme un chiffon rouge pour
l'Allemagne.
"Toutes les formes de mutualisation de la dette publique ne peuvent
être envisagées qu'à la fin d'un processus, avec différentes phases, et
différents critères, comme ce fût le cas pour le processus ayant
conduit à l'euro", estime M. Van Rompuy. Ce dernier fait d'une percée
en ce sens l'un des éléments clefs de la réforme des traités que la
chancelière allemande tente, désormais avec le soutien de M. Sarkozy et
M. Monti, d'arracher à ses partenaires, afin de bétonner la discipline
budgétaire au sein de la zone euro. Pour lui, la mutualisation des
dettes ne pourra pas se faire sans davantage de consolidation, et des
règles budgétaires plus strictes.
Les discussions devraient gagner encore en vigueur à partir de mardi 29
novembre. L'entourage de M. Van Rompuy entame ce jour-là une série de
consultations avec les représentants des chefs d'Etat et de
gouvernement, dont Xavier Musca, le secrétaire général de l'Elysée, et
Nikolaus Meyer-Landrut, le conseiller Europe d'Angela Merkel.
Novembre 2011
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