Sommet de Bruxelles: "L'Europe vient d'effectuer un pas de géant" Par Sébastien Julian
L'Europe a pris des mesures de court
et de long terme pour sortir de la crise. Même s'il manque des détails,
le sommet de Bruxelles est une réussite, comparé aux précédents.
L'analyse de Sylvain Broyer, économiste chez Natixis.
Malgré
leurs divergences, les pays européens ont réussi à s'entendre sur une
série de mesures. Selon vous, ce sommet est-il une réussite ?
Oui. Même si tout n'est pas parfait, il y a incontestablement du
positif dans ce sommet, surtout si on le compare aux précédents. Avant
le sommet, l'opinion des marchés était plutôt négative. Le discours
d'Angela Merkel sur les eurobonds avait aussi pas mal refroidi.
Cependant, la Chancelière était dans son rôle. De manière stratégique,
elle voulait entrer dans les négociations sur une position dure. Son
discours a masqué, à tort dans l'esprit des observateurs, tout le
travail de négociation en amont du sommet. En fait, les dirigeants
européens voulaient vraiment marquer les esprits et faire quelque chose
d'important.
Quels sont les points positifs les plus importants à retenir ?
La zone euro veut mettre en place d'ici fin 2012 un mécanisme qui
permettra de recapitaliser les banques directement via ses fonds de
secours et d'assouplir les conditions pour qu'ils achètent de la dette
souveraine sur les marchés. Cette décision va enlever de la pression
sur les marchés, notamment en Espagne et en Italie. C'est donc une
bonne nouvelle, puisque l'Europe répond à l'urgence de la situation
économique. Malheureusement, ces recapitalisations risquent de n'être
qu'un feu de paille. Par exemple, elles ne résoudront pas, à elle
seules, la crise espagnole.
A mon avis, la décision positive la plus importante concerne la
supervision bancaire, qui pourrait être mise en place fin 2012. Grâce à
des "reportings", la BCE va pouvoir en savoir davantage sur les
pratiques des banques dans les pays européens. Ces informations
permettront sans doute de diminuer les risques de crise. Par ailleurs,
la supervision bancaire est la première étape menant à l'union
bancaire. Cela veut dire qu'on va avoir, à terme, des règles communes
pour les banques. A l'heure actuelle, les marchés du crédit sont
fractionnés dans la zone euro. Vous ne pouvez pas par exemple
construire un logement dans un pays avec l'épargne basée dans un autre
pays. Les conditions d'emprunt sont différentes d'un pays à l'autre.
Dans le futur, tout cela sera harmonisé. En résumé, c'est un pas de
géant que l'Europe vient d'effectuer.
Y -a-t-il des points sur lesquels vous êtes déçu ?
Oui. Le sommet de Bruxelles n'est pas parfait. Non n'avons pas, par
exemple, de feuille de route précise sur les prochaines étapes de la
zone euro. Et puis surtout, il n'y a pas d'avancée sur la mutualisation
des dettes. C'est important parce que les eurobonds ou les eurobills
peuvent vraiment être des "crisis killer", c'est-à-dire des mesures
capables de lutter efficacement contre la crise. Par principe, les
Allemands s'y opposent car ils veulent au préalable une garantie
budgétaire suffisante. Or celle-ci pose la question des transferts de
souveraineté, sur laquelle la France freine. Cela dit, tout n'est pas
encore perdu. Il existe d'autres versions d'euro-bills qui pourraient
être efficaces. Par exemple, on pourrait imaginer donner une garantie
européenne à des émissions nationales de titres de dette. Ce qu'il faut
garde en tête c'est que l'Europe ne manque pas d'outils économiques
pour résoudre la crise.
29 Juin 2012
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