Vive la Constitution !



Jean-Noël Jeanneney replace la constitution dans le contexte politique actuel et la rapproche de son engagement en faveur de la création d'une Bibliothèque Virtuelle européenne, par laquelle il souhaite commencer son exposé et pour laquelle l'adoption du texte s'avère essentielle (voir les détails de cette intervention dans la rubrique Résistance Culturelle).

Elisabeth Guigou, commence son intervention en insistant sur la nécessité de ne pas laisser le Non se cristalliser.

Sinon, une catastrophe européenne et mondiale arrivera. Sur quoi devons nous faire campagne ? Le Oui doit se déployer face à l'avance du non. Le simple et le grossier passe le mieux, surtout lorsque l'on est à côté du sujet.

Plus nous solliciterons l'intelligence et le bon sens des électeurs et plus le Oui aura de chances. Nous avons 9 semaines, mais il faut agir dès à présent et faire preuve de réactivité vis-à-vis du ras le bol général.
Le mélange des opinions au sein du PS a contribué a brouiller son message. Malgré le référendum. Nous avons peut être cru un peu vite que la partie était gagnée mais ce n'est pas le cas.

Il faut utiliser tous nos moyens en termes de lieux, tribunes et supports disponibles. Les arguments politiciens aboutissent à un rejet.

Trois nécessités pour gagner

1 - Démystifier les arguments et les thèmes qui sont déconnectés de la question qui est posée :

La Turquie n'a rien à voir. Ce n'est pas le sujet.

La remise en cause de l'élargissement est très clairement là aussi un refus de la grande Europe, mais elle est désormais devenue une réalité. C'était un droit et un devoir.

La directive Bolkenstein est enterrée depuis le 22 mars 2005. Elle n'était pas liée au projet.

La liberté sur les Biens, les Services, les capitaux, et les personnes n'est ni plus ni moins ce qui était déjà prévu dans le cadre du Marché Unique. C'est pourquoi une directive sur les services serait bel et bien nécessaire, mais sur le modèle des directives Delors de 1986 (qui a vu la promulgation de 272 directives qui créaient d'ailleurs des normes communes en plus des indications qu'elles contenaient en matière de solidarité entre les pays européens). Ce serait une directive qui serait stimulante et ne ferait pas reculer la solidarité finacière, au contraire). La directive Bolkenstein était dangereuse.

C'est la directive de 96 sur les salaires et les normes qui s'applique en principe sauf que Bolkenstein supprimait la déclaration individuelle de chaque travailleur, ce qui faisait que plus aucun contrôle n'était possible. Elle s'appliquait aussi dans de trop nombreux domaines en prétendant éviter un dumping social qu'elle créait de fait.

Le traité n'est pas responsable de cette directive, et il nous donnerait des armes pour lutter contre, car le parlement vérifierait l'application des normes.

2 - Expliquer le traité, ses forces et ses faiblesses, très clairement.

Le traité comporte une disposition très importante : La Clause Sociale Transversale qui assure que les politiques édictées par l'Europe ne puissent pas créer de dispositions moins favorables en matière sociale où elles ne peuvent qu'aller vers le haut.




D'autre part, le traité comporte un droit d'initiative citoyenne qui permet indirectement de contrer les dispositions qui seraient jugées insuffisantes.

3 - Contrer le Non, point par point.

Par rapport aux nouveaux entrants, nous ne pouvons pas priver des nations comme la Pologne ou la république Tchèque de la solidarité financière de l'Europe alors que nous en avons fait profiter à des pays comme l'Espagne, le Portugal ou l'Irlande où on voit les bénéfices extraordinaires dont elle a été capable. Les fonds structurels avaient été multipliés par 6 à l'époque, ce qui avait abouti à multiplier le PIB de ces pays d'un coefficient 3. Et on voudrait cantonner le PIB européen à 1% : c'est ridicule !

Une fois les peurs et les angoisses dissipées, la solidarité européenne avait produit des retours en termes d'emplois et d'excédents commerciaux qui avaient largement dépassés les investissements initiaux.
Exemple d'une relocalisation avec le retour des activités taiwanaises et coréennes de Philips dans les pays d'Europe de l'Est.

Face au chômage et à l'inquiétude, l'Union européenne n'a jamais défini elle même les politiques nationales des pays européens.

Le traité est un cadre et cela ne peut donner lieu à des polémiques importantes même en ce qui concerne la troisième partie. Pour ce qui est bon, c'est une constitution (Titres I et II), pour ce qui est mauvais, c'est un traité (Titre III, malgré certaines bonnes choses ou des insuffisances corrigées pour ce qui concerne le titre I et II) : François Hollande (BN du 23 mars 2005).


Il faut marteler qu'il n'y a dans ce texte que des avancées et aucun recul


Au nom de quoi se priver d'engranger ces avancées ?

Certes, il n'est pas encore idéal, mais il est meilleur que l'existant.

Cette constitution est un miracle qui arrive après trois échecs (à cause, notamment, du couple Aznar et Pologne).

Elargissement de la codécision, extension du rôle du parlement et création d'un poste de président du conseil de l'Union. Le budget va désormais dépendre des décisions du parlement.

Le droit de pétition est une avancée plus importante qu'il n'y parait.

La définition des compétences de l'Union que permet ce texte est une énorme clarification...

La reconnaissance d'une personnalité juridique à l'Union est une avancée fondamentale qui va lui permettre de disposer de délégations, et d'un corps de diplomates.

Ce traité est le plus social et le plus écologique de tous les traités européens.

Sur le plan du social :
La loi cadre sur les services publics qui peuvent désormais être aidés par les états est un progrès décisif, lui aussi.

Sur le plan environnemental :
Il n'y a pas de plus hauts standards que ceux de l'Union européenne dans le monde, et ce malgré des tentatives du à l'ancienne mouture sur les Biens publics mondiaux (comme pour l'eau).

La division qui s'était créée lors de la guerre en Irak ne se reproduira plus. Il y aura un haut représentant pour la politique extérieure.

Le rôle que Javier Solana a joué à ce titre en Ukraine par anticipation des dispositions de la constitution, a été déterminant pour éviter un bain de sang et une guerre civile. En 1992, lors de la présidence Luxembourgeoise du conseil, ce petit pays ne disposait pas d'une diplomatie suffisante pour s'interposer efficacement dans le conflit yougoslave qui s'enclenchait inexorablement. Cette situation ne se reproduirait pas aujourd'hui, si le traité était adopté (NDLR).

Les valeurs et l'identité européennes sont reconnues pour la première fois.

La peine de mort est interdite.

Le clonage humain est banni.

L'égalité homme-femme est proclamée (Art I-2). C'est un apport de la CIG, par rapport à la convention et c'est la principale amélioration qu'on lui doit.

Elément capital : pour la première fois, l'Europe devient autre chose qu'un marché, et progresse de manière décisive dans la voie d'une intégration politique.

La partie III sera nécessairement revue à terme.

Il faut contrer le Non durement.



Démonter le raisonnement du Non

Les plus sincères des partisans d'une Europe sociale. Leur réponse est uniquement de juger le Oui par rapport au Non, et ils disent Non au rêve européen. En disant Non, ils disent par conséquent Oui à ce qu'ils pensent combattre.

Pendant la mandature de Chirac et de Raffarin, nous avons reculé en Europe et nous avons, dans l'ensemble, gardé ce qui posait problème.

Un Non français reviendrait à enterrer une constitution qui ne pourrait pas être renégociée, et si elle se produisait, elle aboutirait fatalement à un résultat moindre. Ce serait un poison violent pour l'Europe, or c'est bien parce que la France avait accepté d'abandonner son esprit de revanche après 1945 que l'Union européenne s'est constituée. Il ne faudra pas que ce rejet vienne d'un pays fondateur.

Mais seule l'Europe peut répondre aux peurs d'aujourd'hui. Elle a répondu aux peurs d'hier, notamment en ce qui concerne les guerres. Or, beaucoup de choses connaissent des dysfonctionnements dans un monde qui va mal. L'Union européenne, même si elle n'en a pas encore les moyens pour agir sans la constitution, a vocation à lutter contre des problèmes qui ne trouveraient pas de solution sans elle.
Ce n'est simple, mais en nous démultipliant, nous y arriverons.


Questions de la salle :

On dit beaucoup de mal de l'Europe trop libérale. Nous devons être plus offensifs pour balayer cette exagération, au regard des dispositions à venir qui sont déjà présentes dans le texte.
Nous avons une chance dont nous avons la plus stricte nécessité, et les partisans du Non parlent de la gâcher... Nous allons dans une voie positive, mais nous nous fourvoierions si passions à côté du miracle que nous avons réussi.

Bush, c'est le règne du capitalisme américain, un capitalisme qui devient meurtrier à large échelle et ce sans nécessité, ce qui rend sa vocation absurde. Nos valeurs ne pourront être défendues que par l'Europe (exemple de Google), une Europe vigoureuse et constituée, faisant pièce pour lutter contre.

Jacques Généreux est très convaincant, même s'il se trompe profondément. L'Europe n'est pas mauvaise et elle a des possibilités de résilience internationale énormes. Grâce à la Clause Sociale Transversale, l'Europe ne sera pas livrée au néocapitalisme...

Entretiens d'Europartenaires
Mars 2005
ENA


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