Lorsque Cohn-Bendit nous fait aimer l’Europe Par LAURENT-DAVID SAMAMA
Depuis son départ d’Europe-Écologie
Les Verts, on pensait Dany Cohn-Bendit en retrait de la vie
politico-médiatique, moins enclin à défendre ses idées avec la vigueur
d’antan.
Il
y eut, par le passé, des coups d’éclats dont on écrit désormais la
légende dans les livres comme pour mieux l’imprimer dans l’inconscient
collectif. S’il est évidemment difficile d’être toute sa vie un symbole
doublé d’une figure de la révolution des mentalités initiée en 68,
force est de constater que Daniel Cohn-Bendit s’en est bien tiré !
De Dany le Rouge à Dany le Vert en passant par Dany l’européen, le
tribun a finalement suivi un itinéraire peu commun lui permettant
d’être toujours fidèle à l’esprit de ses engagements d’hier. A
contre-courant d’une décennie 80 qui céda tout à l’argent, c’est en
Allemagne, aux cotés de Joschka Fischer, que notre homme a longtemps
prêché sa bonne parole écolo. Tout le monde connaît la suite : le
recentrage des valeurs avec le temps, la Mairie de Francfort, les
responsabilités politiques, l’engagement fédéraliste européen.
« François, je t’ai compris. Le changement c’est maintenant
! Alors allons-y tout droit : Chiche ! Banco ! Ne nous racontons
pas d’histoires entre nous, même si il y a ici beaucoup de spectateurs.
Tu as parlé des valeurs européennes. Il faut
avoir l’intelligence de dire que l’Europe, lorsqu’elle pactisait avec
les dictateurs au sud de la Méditerranée, ne défendait pas ces
valeurs de l’UE et lorsque ces peuples se sont révoltés pour défendre
ces valeurs universelles, l’Europe alors les a soutenues. L’équilibre
politique est difficile à trouver entre les valeurs partagées et nos
intérêts, et cela peut générer des contradictions.
Concernant l’Europe de l’avenir, parlons du budget et du
problème fondamental entre le Conseil et le Parlement européen ;
soit la compréhension de la valeur ajoutée du budget européen. La
bêtise serait de croire que puisqu’il faut faire des économies au
niveau national, il faut en faire à l’échelle européenne. Mais c’est
exactement le contraire qui est vrai. Le b.a.-ba de l’histoire c’est
que, parce qu’il y a récession dans les États membres, il faut un
budget capable de relancer. Où sont passés les 120
milliards? Les citoyens européens ne voient pas de relance.
Face à la crise actuelle, les États nations croient s’en sortir seuls. C’est faux ! Prenons
le cas de l’industrie automobile ou de la sidérurgie européenne, ce
n’est pas pays par pays que l’on va s’en sortir. C’est à l’ensemble des
États membres de venir avec des solutions. Il faut lancer le défi de la
mobilité du redéploiement industriel en Europe, par exemple un EADS du
tramway. Tu dis qu’il faut de la lucidité, de la détermination
mais moi je dis aussi qu’il faut de l’imagination !
On ne construit pas
le monde de demain avec les idées d’hier. Pour éviter de tourner en
rond, il faut des idées neuves pour demain.
Tu as parlé de la Politique agricole commune. La PAC doit être au
service de tous les agriculteurs européens. Elle ne doit pas seulement
être au service d’une minorité de l’industrie agro-alimentaire. Lorsque
80% des aides de la PAC sont distribuées à 20% des agriculteurs, je
n’appelle pas cela de la solidarité. Il faut plafonner et redistribuer
les aides à 100 000 euros.
Sur le Mali, tu as raison, mais il faut dire la vérité et aller
jusqu’au bout des choses. Il faut favoriser la réconciliation avec les
Touaregs et entre maliens. Certains pays, pas tout à fait
démocratiques, comme l’Algérie, n’ont pas joué leur rôle jusqu’au bout
dans la lutte contre le terrorisme, au contraire, ils jouent avec le
feu en s’attaquant au terrorisme et en les soutenant d’un autre côté.
Il faut dire la vérité au niveau international. Ce n’est pas la France
qui peut agir seule, c’est l’Europe, mais là c’est un autre conte
de fées, pour nous épauler, il nous faudrait une représentante aux
Affaires étrangères de l’UE digne de nom… ce qui n’est pas le cas
pour l’instant. ».
13 Décembre 2012
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