Le dialogue social européen peut nous sauver ! Par Patrick Martin-Genier
La crise, alimentée par la rigueur
imposée par Bruxelles, a entraîné une montée des populismes
anti-européens dans les pays de la zone euro. Pour Patrick
Martin-Genier, spécialiste en droit européen, la Commission européenne
doit remettre le dialogue social au coeur de l'Europe, un moyen pour
sortir de cette double crise idéologique et économique.
L'Europe,
c'est le moins que l'on puisse dire, n'est plus très populaire parmi
les citoyens. Présentant, pas plus tard que lundi dernier, l'historique
de l'eurobaromètre qui montre l'indice de confiance dans la
construction européenne depuis une vingtaine d'année, les représentants
de la commission mettaient en évidence une érosion constante de la foi
dans la construction européenne, celle-ci n'étant pas en capacité de
répondre aux attentes des citoyens. La crise économique et financière,
l'explosion du chômage, notamment celui des jeunes, ne sont évidemment
pas étrangers à cette crise de confiance.
Perte de crédibilité de l'Europe
À cela, il convient d'ajouter le fait que l'essence même et la
philosophie économique de l'Europe sont libérales, c'est-à-dire qu'elle
trouve sa source dans la volonté de libérer le marché en abaissant les
frontières, les contraintes administratives et bureaucratiques.Le
marché unique, qui a été et reste très bénéfique à l'Europe, s'est
développé sur ce précepte.
À tort ou à raison, la polémique récente et violente entre la France et
la commission européenne a contribué à accroître cette impression de la
perte crédibilité de l'Europe. Les insultes ont fusé entre l'exécutif
européen et le gouvernement français, toutes aussi exagérées et
infondées les unes que les autres. M.Barroso, qui arrive au terme de
son mandat, ne laissera pas vraiment sa trace dans l'histoire de la
construction européenne alors que Jacques Delors, pendant le même pas
de temps, soit dix années à la tête de cette institution, restera comme
une des pièces maîtresses de l'histoire de la construction européenne.
La commission européenne souffre de son image
M.Barroso, obnubilé à l'idée de conserver son poste, n'aura pas su
préserver le rôle de son institution somme toute marginalisée par
l'essor d'un conseil européen permanent des chefs d'Etat et de
gouvernement. En s'accrochant à une vision purement libérale dont la
lisibilité n'apparaît plus évidente, en qualifiant la France de «
réactionnaire » » à propos de sa volonté de mettre la culture en dehors
du champ du libéralisme à tous crins, M. Barroso a achevé de se mettre
à dos de nombreux Etats. Qu'importe, il arrive à la fin de son
mandat....En contrepartie, M. Montebourg, ministre dit du «
redressement productif » a eu tort de désigné le président de la
Commission comme le « meilleur carburant du Front national ».
Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est de savoir ce que doit devenir
l'Europe dans les vingt ans qui viennent. Il est vrai que la commission
européenne souffre incontestablement d'un problème d'image. Les
anti-européens le savent bien en n'hésitant pas à enfoncer cette
institution et à la pousser dans ses retranchements. François Hollande
l'a bien compris, lequel est certainement conscient que les élections
européennes de l'année prochaine pourraient enfoncer encore plus
l'Europe dans la crise si, d'aventure, les partis populistes
anti-européens devaient emporter si ce n'est une majorité, ce qui est
improbable fort heureusement, mais au moins une minorité de blocage qui
pourrait empêcher le vote de textes importants pour l'avenir de
l'Europe et, par suite tout avancée dans la construction européenne.
La réconciliation des peuples ne va pas à l'encontre de la croissance
Les problèmes économiques, le chômage des jeunes, l'endettement des
Etats, la nécessité de limiter puis de réduire les déficits publics
passent en effet par des choix douloureux qui mettent à mal la cohésion
sociale. Doit-on pour autant en imputer la responsabilité à la seule
commission ? Certainement pas même si, à l'occasion d'un récent
colloque organisé par l'association « Réalité du dialogue social », le
nouveau président du conseil économique et social européen, Henry
Malosse, a déclaré : « je ne félicite pas la commission européenne »,
estimant en effet qu'il ne fallait pas rechercher « la mondialisation à
n'importe quel prix », appelant l'Europe à un dialogue social plus
riche en recherchant les voies et moyens de développer l'éducation des
jeunes ainsi que la formation tout au long de la vie pour toutes les
catégories socioprofessionnelles.
En effet, si l'Europe porte en elle une essence libérale, il importe
alors aux chefs d'état et de gouvernement d'envisager les voies et
moyens d'envisager une réconciliation avec les peuples en renforçant le
dialogue social lequel, est loin d'être antinomique avec le progrès
économique comme le rappelait ainsi lors de ce colloque Jean Kaspar,
ancien secrétaire général de la CFDT.
Un pas contre le chômage insuffisant
Les six à huit milliards dégagés lors du conseil européen des 26 et 27
juin dernier afin de lutter contre le chômage des jeunes constitue un
premier pas, mais insuffisant. Il reste en effet à donner aux
entreprises européennes les moyens d'affronter la concurrence
internationale, ce qui passera à la fois par une institutionnalisation
du dialogue social, mais aussi une fiscalité harmonisée touchant les
entreprises, et enfin le renforcement des politiques de compétitivité
et de recherche fondamentale.
Il convient à cet égard de noter que la résolution adoptée le 27 juin
dernier par le conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement,
intitulé « recommandation » à la France, constitue un véritable
réquisitoire contre notre pays, dont il est exigé qu'il accélère les
réformes indispensables afin de respecter les engagements qu'il a pris
depuis deux ans de réduire son déficit public. La France est mise au
pied du mur puisqu'elle a adopté elle-même cette résolution. Il est
clair cependant, qu'une telle politique est vouée à l'échec si la
dimension sociale ne devient pas à part entière une préoccupation
permanente de l'Union européenne. Telle est l'équation que doivent
aujourd'hui résoudre les dirigeants européens.
*Patrick Martin-Genier est maître de conférence à l'Institut d'études
politiques de Paris en droit public et en droit européen, spécialisé
dans l'administration territoriale et des affaires européennes
4 Juillet 2013
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