Selon l'UE, les Suisses n'ont pas suffisamment soupesé les conséquences du référendum
Par Georgi Gotev • Traduction française de Ludivine Odoni
Les
Suisses n'auraient pas songé aux conséquences du référendum instaurant
des quotas d'immigration pour les citoyens européens, c'est ce qu'a
annoncé un des représentants de l'Union européenne (UE), le
10 février dernier.
« Je
ne suis pas sûr que toutes les conséquences [d'un vote instaurant des
quotas d'immigration] aient été abordées avant le référendum », a
rapporté un représentant de l'UE aux journalistes.
Les votants suisses ont massivement soutenu les propositions visant à
réintroduire des quotas d'immigration appliqués aux ressortissants de
l'Union européenne. Ces résultats mettent à l'épreuve les relations
entre l'Union européenne et la Suisse puisque le principe de libre
circulation des personnes est un principe « sacré » de
l'Union européenne, qui ne peut être dissocié de la libre circulation
des biens et des services. Cette proposition en faveur de quotas
sur l'immigration a pourtant pu sembler ordinaire aux votants suisses.
Mais ils prennent désormais conscience des conséquences engendrées dans
certains domaines-clés tels que le transport ferroviaire et aérien.
Depuis le référendum, un climat d'anxiété règne sur le million de
citoyens européens résidant en Suisse et sur les
400 000 citoyens suisses expatriés dans d'autres pays de
l'UE, qui se retrouvent plongés « dans une impasse », ce qui
pourrait « avoir des conséquences plutôt déstabilisantes pour
certains », a ajouté le représentant de l'UE.
La clause guillotine
Il a ensuite insisté sur le fait que le vote, à lui seul,
n'entrainerait pas de conséquences immédiates. « Nous ne savons
pas quand ces conséquences se manifesteront et quelles mesures sont
envisagées par le gouvernement suisse pour y faire face » a-t-il
rapporté, en expliquant que le gouvernement suisse disposait de trois
années pour appliquer les résultats du référendum, en théorie du moins.
Il a ensuite précisé qu'« adopter cette réforme ne serait
clairement pas acceptable pour l'Union européenne » avant
d'ajouter qu'une telle mesure aurait des « conséquences sérieuses
sur la relation UE-Suisse à tous les niveaux.» Lorsque les autorités
suisses adopteront le résultat de ce référendum, si elles le font, et
qu'elles mettront effectivement en place des quotas appliqués aux
citoyens européens, les accords existants signés entre la Suisse et
l'Union européenne seront rompus. Cette situation déclencherait la
« clause guillotine ».
La clause guillotine, dans les accords entre l'Union européenne et la
Suisse, stipule qu'en mettant fin à un des accords, le traité est rendu
nul dans sa totalité. Concrètement, cela ne signifie pas que « les
trains vont arrêter de circuler et que les avions vont arrêter de
voler », mais que « la vie sera beaucoup moins simple ».
Toutefois, la clause guillotine ne peut être déclenchée que par vote à
l'unanimité des membres de l'UE. On peut se demander si le Royaume-Uni
approuverait le recours à la clause guillotine sur un sujet comme les
quotas d'immigration, alors que de tels quotas ont récemment été prônés
par le Premier ministre David Cameron lui-même. Sur cette question, le
représentant de l'UE ne préfère pas spéculer.
Le cas de la Croatie
Le représentant de l'UE a clairement affirmé que refuser d'étendre la
libre circulation des personnes à la Croatie aurait des conséquences à
court terme pour la Suisse. Il a expliqué que l'extension de la libre
circulation des personnes à la Croatie, ayant rejoint l'Union
européenne le 1er juillet 2013, était jusqu'à présent perçue
comme un simple détail et qu'elle devrait être mise en application dès
le 1er juillet 2014. Mais les représentants de l'UE craignent
désormais que cette mesure ne cause des problèmes à la Suisse et ils ne
peuvent se résoudre à passer à l'étape suivante et annoncer une
suspension.
Dans ce cas, l'UE devrait « évaluer les conséquences »
découlant des négociations en cours avec la Suisse, notamment dans le
domaine de la libre circulation liée aux programmes de recherche comme
Horizon 2020 et aux programmes éducatifs comme Erasmus+. L'UE devrait
donc suspendre la négociation de ces accords avec la Suisse.
Mandat de négociation
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, selon les discussions en
cours visant à instaurer un nouveau cadre institutionnel entre l'UE et
la Suisse, l'Union Européenne espère que la semaine prochaine, ses
ambassadeurs se mettront d'accord, sans aucune difficulté, sur un
mandat de négociation. La Suisse a déjà donné son accord pour un tel
mandat. « Ce vote met en évidence le besoin de créer un cadre
institutionnel global régissant nos relations et s'éloignant du
principe de relations bilatérales sectorielles » confiait le
représentant.
Les représentants de l'UE ont également indiqué que le référendum
suisse pourrait se répercuter directement sur les relations au sein du
cadre Schengen car, selon leurs propos, si des quotas d'immigration
sont introduits, des dispositifs de contrôle seront également
introduits du côté suisse. La Suisse est un membre à part entière de
l'espace Schengen, zone de libre circulation européenne. Gel de
l'accord sur l'électricité Selon les dires de la porte-parole du
Conseil européen, pendant ce temps, la Commission européenne a suspendu
ses négociations avec la Suisse pour un accord transfrontalier sur
l'électricité.
La Commission cherche à renforcer ses relations commerciales avec la
Suisse en matière d’électricité pour aboutir à un marché commun
européen de l'énergie, qui doit être terminé en 2014. « Il n'est
pour le moment aucunement question de négociations concernant un accord
sur l’électricité entre la Suisse et l'UE » a annoncé Sabine
Berger, porte-parole de la Commission. « La marche à suivre doit
être analysée compte tenu du contexte élargi des relations
bilatérales. »
POSITIONS :
Reuters a cité quelques-uns des ministres européens commentant les résultats du référendum suisse, à Bruxelles :
« La Suisse s'est affaiblie elle-même avec ce
résultat, »confiait Frank-Walter Steinmeier, ministre des Affaires
étrangères allemand, aux journalistes lors de son arrivée à Bruxelles
où se tenait une réunion avec ses homologues de l'Union européenne.
« La Suisse doit prendre conscience qu'avec l'UE, elle ne peut pas
uniquement sélectionner les éléments qui lui plaisent, ce n'est en
aucun cas une stratégie à long terme »
« Il y aura des conséquences, c'est certain » a ajouté Jean
Asselborn, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois.
« Bénéficier d'un accès privilégié au marché intérieur européen en
supprimant la liberté de circulation ne peut en aucun cas être une
solution envisageable. »
Le ministre des Affaires étrangères irlandais, Eamon Gilmore a qualifié le résultat de « très déstabilisant ».
ÉTAPES SUIVANTES :
Les autorités suisses doivent prendre des mesures suite au référendum.
Dernière minute (NDLR)
Bruxelles gèle les accords Erasmus et de recherche avec la Suisse
17 Février 2014
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