Pour encore plus d'Europe
Par Gabriel Richard-Molard
Tout
n'est pas pourri en politique. Il y aussi des idées qui continuent
inlassablement à motiver et à émouvoir. L'Europe, à coté de l'idée
d'égalité et de paix reste un processus d'unification politique qui
nous dépasse tous largement et dont aucun d'entre nous ne verra
vraisemblablement la fin.
Ce
projet va dans le sens de l'histoire de l'humanité et donc du grand
village global, c'est celui d'un continent unifié politiquement,
prenant dans son espace politique et géographique des décisions
communes et cela cependant en continuant de valoriser et maintenir les
cultures et identités nationales. C'est une belle idée pour laquelle
chacun peut et doit se battre.
L'Europe que l'on nous sert cependant, en louches grasses et épaisses
depuis maintenant une vingtaine d'années, n'est plus que le reflet
lointain de ce qu'elle aspirait à devenir. La construction politique
que nous avons aujourd'hui est d'abord et malheureusement un grand
marché dans lequel les libertés économiques sont un fait. Tout circule
bien aujourd'hui! Les capitaux, les entreprises, les services et les
entreprises n'ont de cesse de transiter entre les pays membres de
l'Union. Tout sauf... tout le reste, c'est-à-dire les droits des hommes
et des femmes qui font vivre l'économie européenne. Aujourd'hui, c'est
malheureux mais l'emploi d'un ouvrier de chantier naval qu'il soit à
Saint-Nazaire ou à Turku (Finlande) est moins protégé que la norme
européenne encadrant le culot des ampoules basse-consommation.
Est-ce normal que les droits sociaux et les droits humains ne soient
pas considérés par la Cour de Justice de l'Union européenne comme
équivalent en importance, comparés à l'Europe économique de la libre
circulation? La très grande majorité des réflexions allant vers
l'harmonisation par le haut, des droits des citoyens de l'Union, de
leurs droits sociaux et familiaux, sont restés à l'état de
propositions, gentiment conservées dans les archives souterraines des
institutions européennes.
Cette Europe que l'on a décoré avec un vernis politique pour faire
accepter sa capacité de régulation économique est le produit d'un
projet politique sorti de ses rails. Aujourd'hui, l'Europe est
brocardée, certainement avec raison, pour être une machine
ultralibérale. Le diagnostic est partiellement juste, cependant les
remèdes proposés par les partis extrémistes en mal de reconnaissance
sont mille fois pires que le mal en lui-même.
Tenter simplement de retourner au Franc? Vous verrez exploser les
droits de douane et donc le prix de tous les produits venant de
l'étranger.
Tenter de supprimer le tarif extérieur commun de l'Union européenne?
Laissez donc la France seule négocier avec les pays émergents quand il
s'agira de sauver l'industrie textile française et attendez-vous à ce
que plus aucun vêtement ne soit produit sur le sol national. Tenter
pour finir de fermer les vannes de l'immigration? A cause du recul
constant de la natalité en Europe (et même en France, passée depuis
quelques mois à moins de deux enfants par femme), les citoyens ne
pourront partir à la retraite à plus de 70 ans.
À l'évidence, la solution n'est pas donc moins d'Europe. La solution
est au contraire celle qui consiste à dire, plus d'Europe, plus de
politique, plus de décisions au niveau local et donc de
décentralisation. Elle revient non pas à faire disparaître ce qui se
veut initialement comme un beau projet humain et égalitaire, mais bien
à redresser la barre de vingt ans de construction européenne noyautée
par le seul désir de finaliser une zone de libre échange économique.
Le Parti Socialiste Européen (PSE) a en ce sens une approche
intéressante et novatrice de l'action politique en Europe. Ce parti qui
existe de manière embryonnaire (et surtout comme une alliance des
partis présents dans les différents États-membres de l'Union
européenne) a décidé pour cette campagne européenne de prendre le
taureau par les cornes et de faire une vraie campagne à l'échelle du
continent. Depuis novembre 2013, il a réuni les équipes militantes de
tous les partis membres du PSE et les a faits plancher sur une campagne
commune à tous les partis. Autour de la candidature de Martin Schulz,
ces équipes intégrées vont lancer, après le congrès de Rome (1er mars)
et la publication du programme socialiste européen en dix points, une
campagne unique sur tout le territoire européen.
Cette campagne intitulée #Knock-the-vote va avoir pour but de
sensibiliser les citoyens européens à ce que l'Europe fait concrètement
pour tous et comment elle pourrait, avec une majorité de gauche au
Parlement européen après l'élection du 25 mai prochain, mieux protéger,
mieux légiférer, créer très concrètement des emplois et à long-terme
nous amener collectivement vers une Europe sociale ou l'égalité est une
réalité.
Le discours de Schulz est en cela, à mon sens juste et séduisant. Il
est le seul homme politique qui croit sincèrement à un projet européen
de long-terme et qui surtout a pour absolue et première priorité de
sortir nos compatriotes européens du chômage. Car c'est bien là le
carburant des extrêmes. La première tache qui incombera au parti
vainqueur de l'élection sera très concrètement de trouver des jobs pour
tous les citoyens européens trainés dans la boue par la crise
économique.
Si je vous écris cela dans cet article ce n'est pas par simple réflexe
partisan. C'est avant tout, car je suis profondément animé par la
conviction que notre avenir est européen. Je vois l'engagement européen
comme le véritable combat politique du siècle qui débute. Les
générations précédentes ont dû construire le monde de l'après-guerre,
nous allons devoir construire une Europe qui n'est pas simplement un
marché mais d'abord et avant tout une communauté sociale et solidaire.
Je porte avec moi une intime conviction qui me porte à être absolument
convaincu que l'Europe doit tendre vers la construction d'un ensemble
politique unifié et construit autour de l'égalité et de la paix
sociale. Cela ne va pas être facile, je vous rassure.
Pour arriver à cela, il faudra se bouger, se réveiller et aller voter
avec ses pieds comme disait Willy Brandt. Allez voter, faites voter, ne
cédez pas à ce qui semble facile et évident. L'évidence est bien
souvent le prétexte aux grosses bêtises et ce n'est pas en crachant sur
la construction européenne et en vomissant sur une Europe bouc
émissaire que l'on améliore la situation. La situation on l'améliore en
votant pour ceux qui peuvent créer une majorité le 25 mai prochain et
ceux qui ont comme priorité absolue de créer des emplois et de sortir
de l'ornière les 30 millions de compatriotes européens. La situation on
l'améliore, j'en suis convaincu, en se réveillant en mai prochain !
20 Février 2014
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