L’Europe à l’heure de l’urgence numérique
Par Les Echos
Dans
le numérique, l’Europe doit développer un écosystème favorable aussi
bien à l’épanouissement de start-up qu’à la croissance de champions
sectoriels.
Engagé
dans la mutation numérique depuis des années, je considère les mois à
venir comme décisifs pour le rêve d’une Europe que je fais aujourd’hui.
Le rêve d’une Europe connectée, résolument inscrite au cœur de la
mutation digitale. En 2020, la connectivité sera le premier facteur de
compétitivité et de croissance. On chiffre à 750 milliards de
croissance de PIB et 5,5 millions d’emplois les enjeux pour
l’Europe.
Le rêve d’une Europe de l’investissement : on estime à plus de
110 milliards d’ici à 2020 le manque d’investissements de l’Europe
dans son futur numérique via ses réseaux.
Le rêve d’une Europe de l’innovation enfin : notre ambition doit
être que l’Europe redevienne le creuset des modèles économiques et
industriels des 20 prochaines années au risque de subir la menace
de ne plus être qu’un Disneyland géant.
Pour réaliser ce rêve, il faut que, sous l’impulsion de la nouvelle
Commission européenne, l’Europe opère un renoncement et une double
révolution copernicienne.
Le renoncement, c’est à une forme d’obsession consumériste de la
concurrence. La concurrence est le principal levier de la
compétitivité, de l’innovation et de l’emploi si elle est mise au
service d’une vision – la vision d’un écosystème favorable aussi
bien à l’épanouissement de start-up qu’à la croissance de champions
sectoriels et européens. Aux dogmes mortifères actuels, il faut
urgemment substituer une politique et des outils publics tournés vers
le soutien aux entreprises européennes comme l’adoption de nouveaux
critères d’appréciation des marchés pertinents, qui permettent plutôt
que le développement européen des entreprises mondiales, le
développement mondial des entreprises européennes.
Mais cet aggiornamento concurrentiel ne suffira pas : il faut aussi
placer le numérique au centre des préoccupations et de l’action
européennes.
Or, dans le domaine du numérique, l’Europe a affirmé des ambitions
qu’elle n’a depuis cessées de contrarier, en s’obstinant à limiter la
capacité d’investissement de ses entreprises de télécommunications.
Elle dispose pourtant de deux instruments qui lui permettraient de
renverser la table numérique : la gestion du spectre de fréquences, qui
mérite, par son importance, une intégration et une valorisation
européennes ; et la neutralité du Net qui, sur la base d’une conviction
profonde et partagée sur les bénéfices d’un Internet ouvert, peut
permettre aux acteurs de créer des services nouveaux grâce à une
véritable optimisation et segmentation de l’usage des réseaux.
La seconde révolution copernicienne, nécessaire face à l’urgence
digitale, devra se faire autour de la compétitivité. Pour libérer le
potentiel de croissance des réseaux, il faudra que les entreprises
européennes bénéficient d’un cadre politique cohérent dédié à la
compétitivité.
Dans le domaine fiscal : comme la France avec le Crédit impôt
recherche, l’Europe doit orienter la fiscalité vers l’investissement et
l’innovation. En matière de formation : la compétitivité passe par une
politique de mobilité des diplômes et des hommes, et un investissement
dans la guerre des talents. Dans le domaine du soutien à l’export,
l’Union européenne et ses membres ont à coordonner leurs efforts pour
soutenir leurs entreprises, notamment en créant les conditions de la
réciprocité et de l’équilibre des règles du jeu international. Le
paradoxe est que les efforts des acteurs européens en matière
d’éthique, de responsabilité sociale ou d’éco-efficacité ne les
favorisent en rien dans la compétition mondiale…
La somme de ces évolutions permettra de faire éclore une Europe
intégrée du numérique, forte, confiante, jouant à jeu égal avec ses
rivaux mondiaux, tirée par son rêve digital. Le rêve que collectivement
nous pouvons faire pour elle.
11 Septembre 2014
Abonnez-Vous aux Echos
Retour à l'Europe
Retour au sommaire
|