Sept économistes
dont Piketty et Stiglitz se déclarent en faveur de la Grèce
Par
Maria MALAGARDIS
C’est
clair et cash : dans une tribune publiée ce vendredi dans le
quotidien britannique Financial Times, sept économistes parmi les plus
renommés au monde se positionnent sans détour en faveur de Syriza, le
parti anti-austérité au pouvoir en Grèce, en butte depuis six mois à la
rigidité de Bruxelles et du FMI.
«C’est
l’avenir de l’Europe qui est en jeu», soulignent pour commencer les
signataires du texte, parmi lesquels figurent Thomas Piketty, Joseph
Stiglitz, Marcus Miller ou Massimo d’Alema. Avant d’expliquer qu’il
faut distinguer «les réformes» (le mot préféré mais elliptique des
créanciers) de «l’austérité».
Après avoir rappelé les méfaits de l’austérité endurée par la Grèce
depuis cinq ans (qui n’a pas réussi à réduire l’endettement du pays,
bien au contraire), ils enchaînent : «C’est un tort de demander à
la Grèce de souscrire à un vieux programme [les accords passés
entre les créanciers et les précédents gouvernements grecs, ndlr] qui a
manifestement échoué, a été rejeté par les électeurs grecs (lesquels
pour la première fois en janvier ont plébiscité un part de gauche dite
«radicale») et qu’un grand nombre d’économistes (y compris nous-mêmes)
jugent qu’il était mal conçu dès le départ.»
Tout en rappelant les risques qu’un défaut de la Grèce feraient courir
à toute l’eurozone (contrairement à ce que veulent faire croire
certains comme Wolfgang Schäuble, le Ministre allemand des Finances,
tête de file du camp des «intransigeants» face à Athènes), nos
spécialistes pointent aussi les dangers d’un échec du gouvernement
d’Alexis Tsípras pour la Grèce : «Sans la conclusion d’un accord,
c’est la démocratie qui sera minée et conduira à l’émergence de forces
bien plus radicales et hostiles à l’Europe», expliquent-ils en
substance, faisant allusion au parti néonazi Aube Dorée, qui a
multiplié ses voix par sept depuis le début de la crise et est entré
pour la première fois au parlement gec en 2012.
Enfin, tout en plaidant pour un programme plus orienté vers la
croissance et l’emploi, nos économistes concluent en considérant que
«la manière dont la Grèce sera traitée sera un message pour tous les
partenaires de l’Eurozone». Et qu’il doit être un message
« d’espoir et non de désespoir».
Ce n’est pas la première fois que la plupart de ces économistes réputés
signent une tribune en ce sens dans le Financial Times : ils
l’avaient déjà fait en janvier, juste après l’arrivée de Syriza au
pouvoir. Mais depuis, le climat s’est sacrément tendu entre la Grèce et
ses créanciers et les finances du pays sont au plus mal, alors que la
Grèce n’a reçu aucune aide extérieure depuis l’été dernier (sans accès
aux marchés) tout en continuant à rembourser toutes les échéances de la
dette. Contrairement à ce que pensaient certainement Bruxelles et le
FMI, la Grèce n’a pas cédé. Et ses représentants ont même semblé
scandalisés à l’issue de la dernière réunion à Bruxelles, en constatant
qu’après six mois de négociations leurs interlocuteurs persistent à
vouloir leur imposer ce «vieux programme» d’austérité que dénoncent les
économistes dans le Financial Times.
En reportant à la fin du mois le paiement de 300 millions d’euros
dus au FMI ce vendredi, Athènes n’a pas flanché mais a montré au
contraire une habileté inattendue, en s’appuyant sur un règlement
interne au FMI et appliqué une seule fois, en Zambie dans les années
80, qui permet de regrouper en fin de mois plusieurs tranches d’un même
remboursement. Même Christine Lagarde, l’intransigeante présidente du
FMI, semble avoir été prise de court.
Reste à savoir quel économiste ou spécialiste a déniché cet obscur
règlement qui a permis au gouvernement Syriza de court-circuiter des
partenaires qui se comportent comme des adversaires… Dans la guerre en
cours, les économistes du Financial Times ont en tout cas choisi leur
camp.
5 Juin 2015
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