L’Union européenne n’est-elle qu’une utopie ?
Par Thibault Chenevière, président de la commission des Affaires étrangères du Parti radical, adjoint au maire de Pau
La
crise des migrants a permis de mettre en relief les importantes lacunes
de l’Europe politique. Est-il trop tard pour inverser la tendance ?
Nous avons tous ces images en tête. Des enfants apeurés, des parents
tentant de débarquer sur les plages de Grèce, des milliers de migrants
attendant l’ouverture des frontières européennes, le petit Aylan
inanimé sur une plage grecque…
À cette question nous n’avons pas de réponse et c’est bien là le
problème. L’Europe a été incapable, nous avons été incapables, de
définir une politique commune face à l’immense défi humanitaire,
sécuritaire et militaire que représente la guerre en Syrie et
l’émigration qu’elle provoque. Cette crise est devenue celle de
l’Europe politique. Elle illustre une fois de plus la prééminence des
égoïsmes nationaux et le manque d’unité européenne. La question des
migrants a un seul mérite, celui de mettre en lumière le manque
d’Europe.
L’Europe au conditionnel
Dans une Europe puissance, la gestion de cette crise aurait été bien
différente. Les questions de la sécurité du continent et de l’humanité
envers les migrants iraient de pair. L’Union européenne se serait
appuyée sur une véritable force européenne de gestion de frontière
équipée de matériels et de garde-côtes en nombre.
Grâce à l’Europe de la défense opérationnelle, une force militaire
coordonnée aurait pu intervenir rapidement en Syrie, en lieu et place
de la Russie. La diplomatie européenne, forte de cette capacité
d’action militaire, aurait pu organiser une conférence internationale
sur la question des migrants pour négocier la mise en place de points
de contrôle hors d’Europe et ainsi faire la différence entre les exilés
politiques et les migrants économiques.
En somme, l’Europe aurait tenu son rang de puissance mondiale. Elle
aurait manié soft et hard power. Elle aurait défendu à la fois ses
valeurs humanistes, sa sécurité, et elle aurait participé à la
stabilisation du monde…
Un ensemble d’Etats désorganisé
À l’opposé, les Européens ont d’abord choisi la politique de l’autruche
en refusant de reconnaître que la crise syrienne allait devenir un
problème européen. Ensuite, les pays membres ont opté pour la stratégie
du pansement sur une jambe de bois. La question de l’accueil des
migrants a pris le pas sur la gestion des frontières européennes.
D’un côté, l’Allemagne décidait d’accueillir huit cent mille migrants,
de l’autre, les pays d’Europe de l’Est et du Nord passaient de
l’ouverture à la fermeture de leurs frontières , mettant entre
parenthèses l’espace Schengen. Enfin, côté militaire, seule la France
décidait d’intervenir militairement sur le théâtre syrien après les
attentats de novembre 2015.
Faire l’Histoire
Les Européens doivent se réveiller. La situation géopolitique de notre
continent n’est plus celle des années quatre-vingt. Le bassin
méditerranéen, zone d’influence de l’Europe, est devenu l’une des
régions les plus instables du monde.
Il est urgent que les principales puissances européennes décident
d’effectuer un bon significatif vers une Europe plus intégrée. Cette
politique doit passer par la relance de l’Europe de la défense , la
création de garde-côtes et garde-frontières européens, et le
renforcement significatif des moyens alloués à la politique extérieure
et la sécurité de l’Union européenne.
"L’inévitable avenir de l’Europe, c’est la fédération". Cette phrase de
Victor Hugo reste au cœur des enjeux de l’Europe, mais ne tardons pas
trop… l’Histoire pourrait finir par se faire sans nous.
4 Mars 2016
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