"L'Afrique
est notre avenir" : le
rapport du Sénat français qui dynamite les idées reçues
Par Joan Tilouine
Le sénateur du Haut-Rhin et ancien secrétaire
d'État à la Coopération, Jean-Marie Bockel, a présenté avec des
collègues, mercredi, un rapport ambitieux sur les relations entre la
France et l'Afrique. Qui préconise, entre autres, la création d'un
ministère autonome de la Coopération.
L'ancien
secrétaire d'État à la coopération, Jean-Marie Bockel, préconise la
création d'un ministère de la Coopération autonome. C'est l'une des 10
mesures prioritaires du rapport de la commission des affaires
étrangères du Sénat présenté mercredi 30 octobre à Paris. "L'Afrique
est notre avenir" : tel est le titre de ce rapport aux accents
afro-optimistes dont les principaux contributeurs sont les sénateurs
Jean-Marie Bockel et Jeanny Lorgeoux.
Face au recul de la France dans une "Afrique convoitée", cette étude
dresse un état des lieux en matière de coopération économique,
culturelle, sécuritaire, et de développement. Un électrochoc voulu par
les sénateurs, à la veille d'un sommet de l'Élysée consacré à
l'Afrique, pour pointer le "manque de stratégie à long-terme" de la
France et mettre sur la table des propositions pour y remédier et
tenter de contrer l'influence de Pékin et de Washington sur le
continent.
Au fil des dix mois de recherches et d'entretiens à Paris, Addis-Abeba,
Pretoria et Johannesburg notamment, les sénateurs ont acquis la
certitude que "la politique africaine de la France a évolué moins vite
que l'Afrique elle-même".
Une
autre discours sur l'Afrique
Le ministère de plein exercice dédié à la coopération, que les
sénateurs appellent de leurs vœux, concentrerait les budgets et les
compétences actuellement écartelés entre le ministre des Affaires
étrangères et le ministère de l'Économie et des Finances. "On ne va pas
ressusciter la cellule Afrique de la rue Monsieur", soulignent les deux
principaux auteurs qui mettent l'accent sur la nécessité de tenir un
autre discours sur l'Afrique.
Il
faut se départir des préventions postcoloniales et voir l'Afrique comme
un élément clé de notre avenir.
"Il faut se départir des préventions postcoloniales et voir l'Afrique
comme un élément clé de notre avenir", répètent-ils en cœur. Tout en
nuançant : "C'est une bonne chose qu'il n'y ait plus de cellule
africaine mais désormais chacun suit sa propre direction..." Cette
mesure qui s'inscrit dans une démarche de réorganisation de la
structure de la "Coopération" française s'accompagne d'un renforcement
des attributions et des fonds propres de l'Agence française de
développement (AFD).
La
Chine est aux avants-postes…
Sur le terrain, le rapport préconise l'adoption d'une stratégie
régionale en matière de diplomatie pour harmoniser les stratégies mises
en œuvre, avec un ambassadeur chef de fil régional. "Ainsi, sur le
Sahel, par exemple, on définit une ambassade chargée de concentrer les
informations et les stratégies comme intermédiaire privilégié avec
Paris et les autorités locales de la région".
D'un point de vue sécuritaire, les deux sénateurs insistent sur la
nécessité de conserver les huit points d'appui militaire en Afrique
(Abidjan, Dakar, la zone - à savoir Mali, Niger et Burkina Faso -,
Libreville, Ndjamena, Bangui, Djibouti et La Réunion). Le groupe de
travail appelle à une réflexion donnant lieu à l'écriture d'un livre
blanc pour redéfinir la position stratégique de la France en Afrique.
Le volet économique est l'autre priorité majeure de ce rapport alors
que la France est à la traine de la Chine, devenu le premier partenaire
commercial de l'Afrique. "Les Chinois chassent en meute et nous devons
nous réorganiser pour mieux défendre nos intérêts", explique Jeanny
Lorgeoux. Le groupe de travail du Sénat insiste sur la nécessité
d'associer les petites et moyennes entreprises (PME) aux démarches des
grands groupes présents en Afrique, tout en appelant à plus de
transparence. "Il est naturel que des grands groupes comme Areva aient
toute leur place en Afrique, mais nous avons tout à gagner à plus de
transparence", insistent les sénateurs.
Autre dossier sensible : l'immigration. Sur ce plan, le groupe de
travail est sans équivoque. "Notre politique d'accueil a été
inacceptable et irrespectueuse", ont déclaré les deux sénateurs qui
appellent à un assouplissement de la politique menée jusque là. Quitte
à octroyer un visa à durée illimitée à des docteurs d'université
françaises et à instaurer des visas pluriannuels prenant en compte des
variables telles que la durée des études, l'expérience professionnelle
pour les jeunes diplômés, etc...
Une solution à long terme, soulignent les auteurs du rapport, réside
dans le développement harmonieux de l'Afrique. Sur le plan de
l'éducation, ils préconisent la valorisation de la francophonie et la
création d'une grande université francophone pilote, à l'image de
l'université Paris Sorbonne-Abou Dhabi. Dakar est évoqué pour
accueillir ce campus.
Mais le rapport d'information ambitionne de servir d'élément de
réflexion et d'orientation à long terme pour combler un vide patent de
la direction de la politique française en Afrique. Il a été remis
mercredi au ministère des Affaires étrangères, qui a suivi de près sa
rédaction. Jean-Marie Bockel lui espère qu'il sera lu et entendu à la
présidence de la République.
30
Octobre 2013
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