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Dominique de Villepin: «“Je suis Charlie”, ça ne peut pas être le seul message de la France»
Par Vincent Tremolet de Villers
L'ancien
premier ministre appelle de ses vœux un traitement ciblé et impitoyable
de la menace terroriste mais refuse le terme de guerre et les visions
«globalisantes».
«La France est en guerre», a dit Manuel Valls…
Nous sommes face à un choix. Soit la logique de guerre, en considérant
qu'il n'y a qu'un front continu, de l'extérieur jusqu'à l'intérieur.
Nous choisissons alors la surenchère militaire, l'exclusion de ceux qui
ne pensent pas comme nous sans pour autant penser comme nos ennemis.
Cela signifiera, ici comme là-bas, toujours plus de guerre. Soit nous
choisissons la fidélité à nous-mêmes. Nous gardons à l'intérieur le cap
de nos repères républicains en rassemblant et en unifiant, et nous
gardons à l'extérieur nos repères gaullistes, qui sont une politique de
sécurité nationale mais dans le souci du monde, la recherche de
solutions et l'esprit de dialogue. Face au drame qui l'a frappée, la
France a montré une grande dignité. La mobilisation nationale et
populaire a été un sursaut impressionnant. Le peuple a choisi
d'instinct la fidélité à la France. Ce dernier choix me paraît être à
la fois le plus juste et le plus protecteur.
Pourquoi?
Le terrorisme nous tend un piège. Il veut nous pousser à la faute, et
la faute, c'est la guerre. Il vise à créer des amalgames et à fédérer
des sensibilités différentes, en s'appuyant sur des sympathies, un
sentiment d'humiliation, de rejet. Ainsi il peut élargir sa base
au-delà des plus radicaux. Notre intérêt est donc d'éviter l'engrenage
de la force. L'idée d'un unique front extérieur signifierait que la
situation serait la même en Libye, en Syrie, en Irak, au Mali. Or ce
sont des théâtres d'opérations différents qui exigent une approche
fine. Chaque guerre appelle une nouvelle guerre. À l'agenda se dessine
une nouvelle intervention militaire en Libye ou encore au Nigeria.
Chaque guerre augmente l'image d'une guerre globale, celle d'un conflit
de civilisation entre Occident et Islam, et donc le pouvoir
d'attraction de l'ennemi djihadiste. La violence exerce un phénomène
d'aimantation. Notamment chez des jeunes en mal identitaire, en
contestation, cela crée le sentiment d'une mission, d'un statut, d'une
reconnaissance. L'enjeu de la lutte contre Daech, c'est d'empêcher la
constitution de territoires du djihad offrant un refuge à tous les
apprentis terroristes. C'est le vide des États faillis qui la rend
possible. Il faut une mobilisation de tous les États de la région pour
réduire les fractures identitaires entre chiites et sunnites, entre
Iran et Arabie saoudite.
Retrouvez la suite de l'entretien ici ou dans Le Figaro du 20 janvier.
20 Janvier 2015
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