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Macron décrète la modernisation générale
Par Gabriel Siméon
Le
ministre de l'Economie doit annoncer des mesures pour aider l'industrie
française à se mettre à l'heure des robots et du numérique.
Emmanuel
Macron a rendez-vous ce lundi avec l’industrie du futur. Dans l’usine
de l’équipementier Daher à Saint-Aignan-Grandlieu (Loire-Atlantique),
le ministre de l’Economie doit détailler la stratégie du gouvernement
pour inciter les industriels français à moderniser leur outil de
production. Au programme: numérisation et robotisation des chaînes de
production. Les nouveaux temps modernes ? Décryptage.
L’industrie française est-elle vraiment en retard en matière d’automatisation ?
Elle se fait vieillissante. L’an dernier, 217 usines ont fermé en
France quand 163 ouvraient. L’écart a beau s’être réduit comparé à
2013, le constat est sévère au ministère de l’Economie, où l’on parle
d’un tissu industriel «dégradé». «Sur les dix dernières années, il y a
un déficit d’investissement de 40 milliards d’euros dans la
modernisation de l’outil industriel. Les dirigeants font preuve d’une
certaine timidité, et cela se traduit par une compétitivité réduite»,
observe un conseiller du ministre. L’industrie française aurait, selon
lui, «pris énormément de retard sur l’automatisation». Le virage de la
robotique industrielle a par exemple été mal négocié : en 2014,
les sites de production tricolores comptaient 31 600 robots,
contre 58 400 en Italie et plus de 175 000 en Allemagne. Pour
ne rien arranger, les grands fabricants de robots industriels (Fanuc,
Kuka…) sont étrangers. «En Allemagne et aux Etats-Unis, les liens entre
la recherche et l’industrie sont beaucoup plus solides, tout le monde
se comprend mieux. Tandis qu’en France, le discours est assez
élitiste», déplore Philippe Bidaud, ancien président du GDR robotique,
l’association regroupant les principaux laboratoires français.
Le tableau n’est guère plus reluisant sur le numérique. Un rapport
publié en septembre par le cabinet McKinsey situe les entreprises
françaises dans la moyenne européenne sur l’adoption d’outils
informatiques sophistiqués (du management au web-marketing) mais les
place en dessous concernant l’usage des réseaux sociaux et du
e-commerce. Ainsi, en 2013, seules 14% d’entre elles ont reçu des
commandes issues de réseaux numériques (Internet ou autres), contre 17%
en moyenne dans l’Union européenne et 26% en Allemagne.
Comment le gouvernement compte-t-il relancer l’investissement ?
En «renforçant» le plan «usine du futur» lancé en septembre 2013
par Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif. Bercy
veut ainsi «labelliser 200 à 300 experts» sur tout le territoire
en vue de «sensibiliser» 15 000 entreprises et «accompagner»
2 000 PME. Celles qui réalisent un investissement industriel
d’ici avril 2016 pourront bénéficier d’un «suramortissement»
équivalent à une réduction fiscale de 13% de la valeur du matériel
acquis. Une mesure prévue dans la loi Macron dont le coût pour l’Etat
est estimé à 2,5 milliards d’euros. Deux milliards d’euros
supplémentaires d’argent public viendront également renforcer d’ici
2017 les programmes Investissements d’avenir de la Banque publique
d’investissement (BPI). Au prêt «vert», proposé depuis 2010 à ceux
dont l’investissement permet de réduire l’impact de l’entreprise sur
l’environnement, sont venus s’ajouter sous Hollande des prêts
«robotique» et «numérique». Tous dotés d’une enveloppe de 300 millions.
Le prêt numérique «a bénéficié depuis décembre 2013 à 360 PME
et ETI pour un total d’environ 290 millions d’euros», précise-t-on à la
BPI, pour un crédit moyen de 4,5 millions d’euros. Près d’un
bénéficiaire sur deux est une entreprise industrielle.
A Bercy on souhaiterait que, tant qu’à faire, les entreprises
intéressées investissent dans des technologies made in France. Un appel
à projet devrait ainsi être lancé en septembre pour sélectionner de
potentiels futurs champions en robotique, impression 3D ou réalité
virtuelle et leur faire profiter de «subventions et d’avances
remboursables». 300 millions d’euros seront aussi consacrés au
financement de «projets vitrines» censés inspirer les industriels.
Enfin, sur le modèle de la grande foire allemande de Hanovre, le
ministère voudrait organiser chaque année un «événement majeur lié à
l’industrie du futur en Franc». Une association créée par les
fédérations des principaux secteurs industriels liés au numérique ou à
la robotique sera chargée de mener cette stratégie à bien.
Ces mesures seront-elles suffisantes ?
Plusieurs acteurs de la filière robotique y croient. «C’est un plan
intéressant car il envisage l’outil industriel dans son ensemble.
L’amortissement et les prêts de la BPI sont plutôt des bonnes mesures»,
estime André Montaud, directeur général du réseau technologique
Thésame, basé à Annecy. «Tout le monde soutient cette initiative»,
renchérit Bruno Bonnell, président du principal syndicat français de la
robotique (Syrobo). «Ça ne changera pas grand-chose aux moyens, c’est
plus une question de communication.»
A Bercy, on juge «suffisantes» les sommes mobilisées : «Si besoin,
on arrivera toujours à trouver plus.» Un sondage de l’Insee publié
début mai redonnait confiance au gouvernement : les chefs
d’entreprise de l’industrie manufacturière y anticipent une hausse de
7% de leur investissement en 2015.
31 Mai 2015
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