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L’emploi bénéficie enfin de la reprise économique en France Par Audrey Tonnelier
Elle
tient bon. Alors que les Français commencent l’été entre morosité et
angoisse, sur fond de tensions sociales exacerbées et de menace
terroriste renouvelée, l’embellie économique se poursuit. La croissance
hexagonale devrait atteindre 1,6 % en 2016, a indiqué l’Insee dans sa
note de conjoncture, jeudi 16 juin.
Jusqu’à
présent, l’institut laissait entendre que l’objectif du gouvernement,
une hausse de 1,5 % après + 1,2 % en 2015, était à portée de main. Mais
le bon chiffre de progression du PIB au premier trimestre (+ 0,6 %) et
les perspectives relativement solides pour la suite de l’année l’ont
incité à relever ses prévisions.
SEUL POINT NOIR : LE COMMERCE EXTÉRIEUR, QUI RISQUE DE PESER DUREMENT SUR L’ACTIVITÉ
Après l’envolée des trois premiers mois de 2016, un contrecoup est
toutefois à attendre dans l’immédiat : le PIB français augmenterait de
seulement 0,3 % au deuxième trimestre et poursuivrait ensuite sur un
« rythme modéré » (+ 0,3 % au troisième trimestre, + 0,4 % au
quatrième). Mais « la croissance a gagné du tonus au premier trimestre.
Elle se diffuse [désormais] à l’emploi et, de ce fait, commence à
s’autoentretenir », analyse Vladimir Passeron, chef du département de
la conjoncture à l’Insee.
Le taux de chômage devrait reculer, grâce à la création de 210 000
emplois de plus cette année, un chiffre bien « supérieur » à la hausse
de la population active.
La politique économique du gouvernement (crédit d’impôt pour la
compétitivité et l’emploi, pacte de responsabilité, prime à l’embauche
dans les PME…) devrait notamment permettre de créer 95 000 emplois en
2016, après 80 000 un an plus tôt. L’inversion de la courbe,
imprudemment pronostiquée par François Hollande pour la fin 2013 et à
laquelle le président a conditionné une éventuelle candidature à sa
succession en 2017, aura donc bien lieu mais sera modérée. Le taux de
chômage passerait de 10,2 % (9,9 % en métropole), fin mars, à 9,8 %
(9,5 % en métropole), en fin d’année.
C’est une véritable bouffée d’oxygène pour le gouvernement, qui se
débat depuis des semaines avec la grogne sociale persistante autour de
la loi travail. Au risque de quelques couacs. Le secrétaire d’Etat
chargé du budget, Christian Eckert, a laissé entendre, dès mercredi,
lors de son audition par la commission des finances du Sénat, que la
croissance pourrait atteindre 1,6 % en 2016.
Bercy s’est défendu d’avoir grillé la politesse à l’Insee, dont les annonces étaient prévues jeudi à 18 heures.
« M. Eckert a cité ce chiffre à un moment où la note de l’Insee
n’était pas sortie, mais parce qu’il coïncide avec les prévisions de
nos services », a expliqué l’entourage de Michel Sapin.
L’incident a toutefois incité l’Insee à avancer de quelques heures la
publication. Le ministre des finances, fidèle du chef de l’Etat, s’est
aussitôt employé à mettre en lumière les raisons d’espérer une
amélioration durable.
« Dans un contexte international pourtant peu porteur, l’économie
française progresse grâce à des moteurs internes solides », s’est
félicité M. Sapin, insistant notamment sur le fait que « le taux de
chômage baisserait continûment en 2016 pour retrouver, en fin d’année,
son niveau de fin 2012 ».
Dynamique de l’investissement
La raison de l’accélération de la croissance cette année ? La dynamique
de l’investissement. Celui des entreprises d’abord, qui devrait
augmenter de 4,7 % en 2016, un niveau inédit depuis 2007. En la
matière, « quasiment tous les déterminants sont au vert », s’est réjoui
M. Passeron. Parmi ceux-ci, le taux de marge des entreprises retrouve
presque son niveau d’avant-crise : 32,3 % sur l’année, un niveau qu’il
n’avait plus atteint depuis 2008.
La politique de taux bas menée par la Banque centrale européenne
continue de soutenir les conditions de financement. Enfin, le moral des
patrons, requinqué, se situe au-dessus de sa moyenne de longue période
dans l’industrie et s’est nettement amélioré dans le bâtiment. Même si
un ralentissement est prévu au deuxième trimestre, par contrecoup.
L’investissement des ménages, c’est-à-dire le logement, devrait se
stabiliser sur l’année, une première depuis la crise.De quoi permettre
un « dégel » du secteur de la construction : l’activité y croîtrait de
0,3 % en 2016, après deux années de fort recul (–2,2 %).
Autre point positif : la consommation des ménages. Après avoir été le
premier moteur du début de la reprise mi-2015, puis avoir brutalement
flanché en fin d’année dernière, elle a nettement rebondi au premier
trimestre (+ 1 %), affichant sa plus forte croissance depuis dix ans.
Elle a été tirée par les dépenses en chauffage, le rebond du tourisme
qui avait payé un lourd tribu aux attentats du 13 novembre 2015, mais
aussi les achats de billets pour l’Euro 2016 de football, et
l’équipement en nouvelles télévisions avant le changement de standard
de diffusion survenu en avril. Elle augmenterait de 1,6 % au total sur
l’année, après + 1,5 % en 2015.
Le pouvoir d’achat devrait aussi continuer à progresser à « un rythme
soutenu » (+ 1,7 %, après + 1,6 % en 2015), malgré la légère reprise de
l’inflation, attendue à + 0,7 %, fin décembre, en raison de la remontée
des prix du pétrole, autour de 50 dollars le baril (environ 44 euros).
Seul point noir : le commerce extérieur, qui risque de peser durement
sur l’activité, contribuant négativement à la croissance à hauteur de
0,7 point de PIB cette année.
« Depuis trois trimestres, les exportations marquent le pas, avec la
dissipation progressive des effets de la baisse de l’euro et la
faiblesse persistante de la demande en provenance des pays émergents
», note l’Insee.C’est là le « principal handicap de la reprise
française ».
Mais l’Hexagone n’est pas une exception : les autres pays européens
subissent aussi les effets du ralentissement des émergents. Et, si la
croissance de la zone euro résiste vaillamment (+ 1,7 % attendu cette
année), l’environnement international maussade pèse sur le commerce
mondial. Celui-ci s’est déjà contracté de 1,7 % au premier trimestre,
alors qu’il croissait de 1,5 % par trimestre entre 2000 et 2007…
« En Allemagne, le commerce extérieur devrait grever la croissance de 0,5 point de PIB en 2016 », prévient M. Passeron.
Ces éléments ne prennent toutefois pas en compte l’hypothèse d’un «
Brexit ». Si les Britanniques devaient se prononcer majoritairement, le
23 juin, en faveur d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne,
cela engendrerait « un surcroît d’incertitudes » que l’Insee n’a pas
voulu chiffrer..
19 Juin 2016
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