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Michel Rocard, un testament politique Par Pauline Chateau
Le
23 juin dernier, Michel Rocard se confiait aux journalistes du Point.
Une dernière intervention médiatique qui sonne comme un testament
politique, ce dimanche, au lendemain de sa mort.
L'ancien
premier ministre de François Mitterrand est décédé samedi, à l'âge de
85 ans. Le théoricien de "la deuxième gauche" avait confié sa dernière
interview à l'hebdomadaire Le Point, le 23 juin dernier. Politique
étrangère, sociale, état de la vie politique en France: cet entretien
de douze pages peut se voir comme un testament politique.
Sur la politique actuelle
Michel Rocard, qui se revendiquait comme étant un "social-démocrate de
dialogue" dresse un tableau bien sombre de la politique française. "La
vérité française, c'est que l'on ne sait plus ce qu'est la droite et la
gauche", estime-t-il. "On sent venir l'élection sans projet de société
d'un côté comme de l'autre".
La droite, comme la gauche, ne manquent pas d'être écornées par
l'ancien premier ministre. "Dans toute l'Europe, la gauche française a
été la plus marquée par le marxisme (...) On peut admettre que la
pensée politique marxiste ou ce qu'il en reste, est rétrograde",
explique-t-il. "[Quant à] la droite française, au lieu de profiter de
ce temps libre pour mieux étudier, comprendre et préparer le traitement
de ces crises convergentes, a superbement tiré parti de la situation
pour intensifier les conflits qui la traversent. Je crains qu'elle
n'ait guère augmenté son patrimoine intellectuel pendant ce mandat"
Pour l'homme politique de gauche, cette situation résulte aussi du
manque de temps dont bénéficient les élus. "Ni soirée ni weekend
tranquille, pas un moment pour lire, or la lecture est la clé de la
réflexion. Ils n'inventent donc plus rien", affirme-t-il.
Sur François Hollande
"Le problème de François Hollande, c'est d'être un enfant des médias",
assène-t-il. Dans cette interview, Michel Rocard préconise même au
président de la République de "Changer!". Sur la possibilité qu'il
puisse se présenter à l'élection présidentielle de 2017, il
s'interroge. "Je me demande pourquoi il ferait ça", se demande-t-il.
"Il doit commencer à ne plus croire lui-même qu'il fera baisser le
chômage (...) Mais, vous savez, l'attitude de François Hollande n'a pas
beaucoup d'importance. Ce qui compte, c'est l'attitude des médias".
Sur la présidentielle de 2017
Sur ce point, ce proche de Jacques Chirac, qu'il a côtoyé sur les bancs
de Science Po, ne se prononce pas véritablement. A la question "Alain
Juppé ferait-il un bon président ?", Michel Rocard se contente de
répondre: "C'est un homme sage, responsable et compétent, tout cela est
déjà beaucoup".
Sur son héritage, dont Valls et Macron se revendiquent
"Ils le font tout le temps, c'est gentil à eux et je les en remercie...
Mais ils n'ont pas eu la chance de connaître le socialisme des
origines, qui avait une dimension internationale et portait un modèle
de société", regrette Michel Rocard.
Ce dernier estime que Manuel Valls, comme Emmanuel Macron, ont été
formés "dans un parti amputé" de son Histoire, qu'il juge primordiale.
Sur la politique étrangère
Ukraine, Iran, COP 21... Michel Rocard revient aussi largement sur la
guerre en Syrie, qui dure maintenant depuis plus de cinq ans. Il juge
que la France a "sous-estimé" Bachar el-Assad, actuel président du
pays. "La France a pris l'initiative de créer et de soutenir une
coalition nationale syrienne dont la moitié des membres sortaient de
prison pour raisons politiques", tacle-t-il. "Pas vraiment une culture
de haute influence (...) On s'est plantés à la limite du ridicule".
Dans ce numéro de l'hebdomadaire, paru le jour du référendum
britannique, Michel Rocard prédisait la victoire du "Leave". "La
Grande-Bretagne ne conçoit pas l'Europe comme une entité politique...
Elle ne souhaite pas qu'elle soit un pouvoir de régulation mondiale
(...) Or l'Europe est en train de disparaître", affirme-t-il. "Le vide
que laissera éventuellement le Brexit va générer des mouvements
sociaux(...) Si bien que la pression des peuples européens peut
conduire l'Europe à se reconstituer".
Sur sa relation avec François Mitterrand
De 1988 à 1991, Michel Rocard a été le premier ministre de François
Mitterrand. Leurs relations exécrables sont connues. Les deux hommes ne
s'entendaient pas, aussi bien sur le plan amical, que sur le plan
politique."Notre dernière conversation remonte au jour où il a demandé
ma démission", indique-t-il.
"Mitterrand était un homme de droite", assène-t-il. "N'oubliez pas
qu'il est devenu premier secrétaire du Parti socialiste moins de trois
mois après avoir pris sa carte (...) c'est un peu bref".
Sur la mort
A l'issue de cet entretien, les journalistes du Point posent cette
dernière question : "Le jour où vous rencontrerez Dieu,
qu'aimeriez-vous l'entendre dire?". "(Silence)... Oh, j'aimerais
l'entendre me dire: 'Petit, tu n'as pas trop mal travaillé",
indique-t-il. Tu as essayé de ne pas oublier les principes immuables de
la société des humains'".
3 Juillet 2016
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