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A l’ONU, Emmanuel Macron défend une vision du monde aux antipodes de celle de Donald Trump LE MONDE | 19.09.2017 à 20h06 • Mis à jour le 19.09.2017 à 23h08 | Par Marc Semo (New York, envoyé spécial)
Le
président français a notamment rappelé son opposition à l’option
militaire en Corée du Nord et a prévenu que dénoncer l’accord sur le
nucléaire iranien serait une « lourde erreur ».
Ce discours, Emmanuel Macron,
plus encore qu’à son habitude, l’a travaillé et retravaillé, jusqu’au
dernier moment. C’était sa première intervention à une Assemblée
générale de l’Organisation des nations unies, et donc un moment
fondateur de sa présidence. A Athènes, face à l’Acropole, il avait
exposé, au début de septembre, sa vision de la démocratie et de
l’Europe. Là, face aux représentants de cent quatre-vingt-treize pays,
dont cent trente chefs d’Etat, réunis mardi 19 septembre, le président
français a exposé, sur un ton lyrique et passionné, une vision du monde
opposée en tout point à celle avancée deux heures plus tôt par Donald
Trump.
Elle se fonde avant tout sur le
multilatéralisme, la concertation entre les nations, le respect des
accords — celui de Paris sur le climat ou celui de Vienne sur le
nucléaire iranien —, sur la primauté de l’action diplomatique pour
résoudre les crises, y compris les plus préoccupantes, comme celle
créée par la course à l’arme atomique de la Corée du Nord. Emmanuel
Macron se pose aussi comme la voix des sans voix, qu’il a énumérés dans
une anaphore : Bana, la petite Syrienne d’Alep ; Ousman, le jeune
Malien ; Kouamé, le migrant arrivé en Europe au péril de sa vie. Et
tant d’autres.
« Partout où le
multilatéralisme se dote des armes de son efficacité il est utile », a
argué le président français, regrettant que trop souvent « nous
laissons s’installer l’idée que le multilatéralisme est une activité
confortable pour diplomate assis et que nous sommes plus crédibles et
plus forts en agissant de manière unilatérale ». L’allusion aux
rodomontades du président américain, menaçant le « méchant régime » de
la Corée du Nord d’une totale destruction ou contre l’Iran, est
explicite ; même s’il ne nomme jamais le locataire de la Maison
Blanche, avec qui il entretient des relations plutôt chaleureuses, sans
pour autant cacher ses désaccords.
Vieux monde contre nouveau monde
C’est le vieux monde — centré
sur les Etats, les rapports de puissance, la défense prioritaire des
intérêts nationaux — contre le nouveau monde — interconnecté,
mondialisé, conscient que les grands défis communs, la lutte contre le
réchauffement climatique ou les développements, ne peuvent s’affronter
qu’ensemble.
« Le monde multipolaire qui est
aujourd’hui le nôtre nous oblige à réapprendre la complexité du
dialogue mais aussi sa fécondité », a notamment souligné le chef de
l’Etat, qui a appelé à la fin de ses trente-cinq minutes d’intervention
— dix de moins que Donald Trump — « à réconcilier notre intérêt et nos
valeurs, notre sécurité et le bien commun de la planète ». Ces derniers
sont les fondamentaux qui inspirèrent la naissance de l’Organisation
des nations unies au sortir de la seconde guerre mondiale. Les droits
humains, la liberté et notamment celle de la presse. Il a appelé « à la
désignation d’un représentant spécial des Nations unies pour la
protection des journalistes dans le monde, car rien, ni le durcissement
du monde, ne saurait justifier la réduction de cette liberté ».
Redonner du sens au projet
onusien, c’est aussi œuvrer pour son adaptation aux nouvelles réalités.
Tout en rappelant son soutien au projet ébauché par le secrétaire
général de l’ONU, Antonio Guterres, M. Macron a aussi insisté sur la
nécessité d’une réforme du droit de veto au Conseil de sécurité « afin
qu’il ne soit plus paralysé face aux massacres ».
L’anti-Trump
Point par point, sur la plupart
des dossiers les plus chauds, le président français défend des
positions aux antipodes de celles Donald Trump. Quand celui-ci insiste
sur « l’Amérique d’abord », celui-là rappelle que « l’indépendance
réside aujourd’hui dans l’interdépendance ».
A propos de la Corée du Nord,
tout en soulignant l’urgence de bloquer le programme nucléaire d’un
régime qui refuse de négocier, M.Macron insiste sur la pression des
sanctions et le nécessaire engagement de Moscou et de Pekin, principaux
partenaires économiques du régime, pour forcer Pyongyang à s’asseoir à
la table des négociations. A la tribune, il a rappelé son opposition à
l’escalade militaire, « parce que la carte montre toute la complexité
d’une intervention militaire ».
DÉNONCER L’ACCORD SUR LE NUCLÉAIRE IRANIEN SERAIT « UNE LOURDE ERREUR »
Même pragmatisme s’agissant de
l’Iran. Dénoncer l’accord sur le nucléaire iranien, comme menacent de
le faire les Etats-Unis, serait « une lourde erreur », a lancé M.
Macron, tout en laissant la porte ouverte à des discussions pour
prolonger la portée du texte au-delà de 2025. « Notre engagement sur la
non-prolifération a permis d’obtenir un accord solide, robuste, qui
permet de vérifier que l’Iran ne se dotera pas de l’arme nucléaire. Le
dénoncer aujourd’hui sans rien proposer d’autre serait une lourde
erreur, ne pas le respecter serait irresponsable, parce que c’est un
accord utile, essentiel à la paix », a-t-il dit.
Même opposition frontale à
propos de l’accord de Paris sur le climat. « Cet accord ne sera pas
renégocié, il nous lie […], nous ne reculerons pas », a déclaré le
président français, ajoutant qu’il « respect[ait] profondément la
décision des Etats-Unis ». Et de souligner les effets déjà bien
perceptibles et dévastateurs du réchauffement climatique. « Les plus
fragiles sont les premières victimes, mais nous sommes tous frappés par
l’emballement du climat », a-t-il déclaré, soulignant que « détricoter
l’accord serait détruire un pacte entre les Etats et les générations ».
L’« échec collectif » en Syrie
Tragédie qui se poursuit depuis
plus de six ans, la guerre de Syrie a été l’un des premiers sujets
évoqués par Emmanuel Macron, qui a appelé la communauté internationale
« à prendre acte de son échec collectif et à s’interroger sur ses
méthodes ». Paris veut reprendre l’initiative dans ce dossier clé, y
compris pour la sécurité nationale, car « agir pour la paix en Syrie
c’est agir pour le peuple syrien mais aussi contre le terrorisme
islamique ».
L’idée est de relancer la
recherche d’une solution politique, sur la base de la résolution 2254
des Nations unies de décembre 2015, en prenant l’initiative de mettre
sur pied un « groupe de contact » entre les cinq membres permanents du
Conseil de sécurité, qui doivent se réunir jeudi à l’ONU au niveau
ministériel. « La solution sera politique et non militaire », a insisté
le président français qui, tout en revendiquant de ne plus faire du
départ du président Bachar Al-Assad le préalable à de vraies
négociations, a rappelé que celui qu’il a épinglé comme « un criminel »
devrait rendre des comptes à la justice internationale. Sur ce dossier
comme sur les autres, l’important est d’agir ensemble..
21 Septembre 2017
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