Discussion sur le Net... Attention, vous êtes surveillés !
Par Florence Amalou
Vous
vous apprêtez à mettre en ligne sur Facebook les photos de votre
dernière fiesta ? Réfléchissez-y à deux fois si vous allez
prochainement passer un entretien d'embauche ! Un nombre croissant de
recruteurs profitent d'Internet pour récupérer toutes sortes de données
personnelles (maladies, sexualité, socialisation...) afin de cerner
votre personnalité. Certains sont passés maîtres dans l'art de
farfouiller sur les forums de discussion, les profils perso de Meetic
et Facebook ou sur Pilp.com. Le Bureau européen des unions de
consommateurs (BEUC) fait de la protection des données personnelles
l'un de ses chevaux de bataille et estime que, sur le Net, la
législation existante n'est pas appliquée. Le Parlement européen
envisage un accès plus facile aux données personnelles (adresses IP) au
motif de mieux défendre, en cas de litige, les droits d'auteur des
entreprises commerciales. Un vote en séance plénière est attendu le 22
septembre. "Ces technologies touchent aux libertés fondamentales, or
l'idée majoritaire est de baisser le niveau de protection car les
données personnelles ont une valeur économique", affirme le BEUC. En
France, le dossier est sur la table. La Commission nationale de
l'informatique et des libertés (CNIL) organise des auditions sur
l'utilisation des informations personnelles diffusées sur les réseaux
sociaux. Ses conclusions sont attendues "avant la fin de l'année".
Enquête Edvige, Cristina, Ardoise : la difficile mobilisation contre les fichiers de police
Par Isabelle Mandraud
Quand
Edvige masque Cristina... Trois cent vingt-huit associations, syndicats
et partis politiques ont signé l'appel pour obtenir l'abandon du
fichier de police baptisé Edvige (acronyme pour Exploitation
documentaire et valorisation de l'information générale), et 46 110
personnes avaient paraphé, jeudi 24 juillet, la pétition. Parmi les
dernières organisations à rejoindre le collectif Non à Edvige, figurent
la branche française d'Amnesty International et, depuis le 22 juillet,
la CFDT. La centrale syndicale, tout comme FO, a rejoint le mouvement
pour déposer un recours devant le Conseil d'Etat.
Pendant ce
temps, le fichier Cristina (Centralisation du renseignement intérieur
pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux) prend forme
sans opposant. Classé "secret défense", c'est comme s'il n'existait
pas. Il contient aussi des données personnelles sur les personnes
fichées mais son spectre est plus large puisqu'il englobe leurs proches
et leurs relations.
Les deux fichiers ont un point commun ; ils
sont tous deux issus de la réforme du renseignement qui a abouti au
démantèlement des Renseignements généraux (RG). Une partie des
fonctionnaires rejoint la sécurité publique au sein d'une nouvelle
sous-direction de l'information générale (SDIG) ; une autre fusionne
avec la DST pour former la direction centrale du renseignement
intérieur. Logiquement, le fichier des "RG" a suivi le même parcours
donnant naissance, le 1er juillet, d'un côté à Edvige, de l'autre à
Cristina, qui conserve le caractère secret de l'ancien fichier DST.
Mais l'un est soumis au contrôle de la Commission nationale de
l'informatique et des libertés (CNIL), l'autre pas.
"DONNÉES SENSIBLES"
La
mobilisation des anti-Edvige n'a cessé de s'amplifier depuis la
publication du décret instituant le fichier pour lequel la CNIL a donné
un avis favorable avec des "réserves" - notamment sur la traçabilité
des consultations, jugée insuffisante. Le collectif proteste ainsi
contre l'extension, dès l'âge 13 ans, des personnes qui peuvent y
figurer dès lors qu'elles portent atteinte à "l'ordre public". Une
disposition qui n'était pas précisée dans la version RG du fichier régi
par un décret de 1991.
En réalité, le fichage des adolescents,
déjà autorisé dans le cadre de fichiers de police judiciaire comme
celui des empreintes génétiques, se faisait même dans le domaine du
renseignement. "C'est une logique de clarté qui a prévalu", affirme
l'entourage de la ministre de l'intérieur, Michèle Alliot-Marie, en
présentant Edvige comme un fichier "un peu toiletté". "La folie des
fichiers n'a pas épargné les mineurs", relevait, dès avril 2007, le
Syndicat de la magistrature (SM, gauche) dans son bulletin Justice, en
dénonçant le manque de "disposition protectrice" dans l'ordonnance de
1945.
Autre source de mécontentement : comme dans l'ancien
fichier des RG, Edvige peut collecter des données sur toute personne
jouant "un rôle politique, économique, social ou religieux
significatif". Mais il sera possible, en plus, d'y faire figurer des
paramètres personnels comme l'orientation sexuelle ou la santé. Le
gouvernement s'appuie pour cela sur la loi du 6 août 2004, dont les
décrets n'étaient jamais parus...
"Initialement, les
comportements et déplacements des personnalités devaient y figurer,
déclare le secrétaire général de la CNIL, Yann Padova. Quant aux
données sensibles sur la santé ou l'orientation sexuelle, nous avons
obtenu qu'elles soient mentionnées de manière exceptionnelle et non
sans limite comme cela était prévu." La CNIL a craint aussi que le
décret Edvige ne soit pas publié. Le ministère dément : "Il n'y a
jamais eu d'hésitation à ce sujet."
La bataille sur les fichiers
de police est loin d'être finie. Récemment, la CNIL a été sollicitée,
par courrier, par les services de Mme Alliot-Marie pour se prononcer
dès septembre sur Ardoise. En avril, la ministre avait pris la décision
de suspendre ce logiciel censé alimenter la future base de données
commune à la police et à la gendarmerie, et qui devait comporter des
éléments sur l'orientation sexuelle, l'appartenance syndicale ou
religieuse, ou, le cas échéant, la mention "SDF" des personnes fichées.
A la CNIL, qui n'a pas le pouvoir d'empêcher la création d'un fichier,
on "s'interroge" aujourd'hui sur cette saisine.
LES PRINCIPAUX FICHIERS DE POLICE ET DE GENDARMERIE
STIC
: Système de traitement des infractions constatées. Créé en 2001, il
constitue le plus gros fichier de police. Il contient des
renseignements issus des procès-verbaux sur les auteurs d'infraction,
les personnes mises en cause et les victimes. Soit plus de 5 millions
de noms, mineurs compris, et 35 millions de procédures. La CNIL
contrôle en ce moment le fichier et devrait rendre ses conclusions en
septembre.
JUDEX
: créé en 1986 et étendu en 1993, il contient des données sur les
personnes recueillies dans toutes les procédures établies par les
gendarmes. Consulté à 12 millions de reprises en 2007, il devrait, à
terme, fusionner avec le STIC, ce qui aboutira à la création du plus
gros fichier jamais vu jusqu'ici en France.
FNAEG
: Fichier national automatisé des empreintes génétiques. Créé en 1998,
commun à la police et à la gendarmerie, il a été étendu en 2003. Il
contient près de 500 000 empreintes.
FAED
: Fichier automatisé des empreintes digitales. Créé en 1987, il a été
consulté à 21 000 reprises en 2007 par la police et la gendarmerie.
FPR
: Fichier des personnes recherchées. Créé en 1996, étendu en 2005,
c'est le fichier le plus consulté par la police et la gendarmerie : 54
millions de fois en 2007.
SALVAC
: Système d'analyse et de liens de la violence associée au crime. Créé
en 2003, il contient des données sur les tueurs en série.
Juillet 2008
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