Le «pire jour» dans l'histoire de la BBC
Par Armelle THORAVAL



2050 nouvelles suppressions de postes à la radio-télévision britannique en plein chambardement social.

«Peut-être une grève ?» suggère timidement un membre londonien des équipes de la BBC, sur le site du Bectu, l'un des syndicats qui se bagarre contre les coupes annoncées par Mark Thompson, le directeur général du mastodonte public de la radio et télévision britannique. Le programme de redressement de la «Beeb», concocté par Thompson est un traitement de cheval. Avant Noël, il avait annoncé une redistribution des troupes et de certains programmes, afin notamment de sortir du «Londoncentrisme» . Il y a quinze jours, un plan de réduction des effectifs des services administratifs (ressources humaines et finances) a été annoncé : 1 780 postes seront supprimés d'ici à 2008.

«Douloureux»

Lundi, dernière salve, la direction générale de la BBC dévoilait 2 050 nouvelles suppressions de postes, qui touchent cette fois les programmes d'information et concernent notamment 420 postes au sein de BBC News et 735 emplois dans les régions. Dans le système audiovisuel français, une annonce similaire aurait entraîné des débrayages fulgurants. Hier, les trois principaux syndicats concernés, le NUJ pour les journalistes, le Bectu pour la production et les unités de programmes, et Amicus pour la partie administrative tentaient d'élaborer une stratégie pour faire face à ces coupes. Luke Crawley, l'un des syndicalistes de Bectu, estime qu'avec ces dernières annonces, il s'agit « du pire jour dans l'histoire de la BBC ». Il met aussi en doute la capacité de la BBC de remplir tous les objectifs assignés par Thompson sur la fourniture « de nouveaux services après avoir viré autant de personnel ». Mark Thompson n'a pas emballé son plan de mots doux. « Nous allons traverser la période la plus dure dont on puisse se souvenir », a-t-il expliqué, en avouant que ce serait un processus « difficile et douloureux ». L'objectif des coupes est de parvenir à des économies de l'ordre de 355 millions de livres (un peu plus de 500 millions d'euros) d'ici à 2008. Et d'investir davantage dans de nouveaux programmes. Ce grand chambardement social - il faut ajouter la cession au privé de deux unités qui emploient environ 1 000 personnes chacune - s'insère dans un mouvement plus large.

Redevance


Le gouvernement a publié, début mars, un livre vert sur le futur de la Beeb, et a tracé les grandes lignes des dix années à venir. La Charte royale pour l'audiovisuel public - garantie d'indépendance - doit être reconduite pour dix ans, de la fin 2006 à 2016. Et le principe du financement par la redevance (121 livres, soit 175 euros) par an payée par le téléspectateur est maintenu, alors que la BBC avait dû faire face ces derniers mois à la mise en cause de son financement. Mais ce livre vert propose aussi de chambouler le système de management de la Beeb et de supprimer l'historique conseil des douze gouverneurs, nommés par la reine et de le remplacer par une double structure, un conseil exécutif chargé de gérer au quotidien les chaînes et radios, et un BBC Trust qui serait davantage comptable de ses missions face aux téléspectateurs payeurs de la redevance. Une réorganisation qu'il faut lire à l'aune des tumultueuses batailles entre gouvernement et BBC sur la couverture de la guerre en Irak.

Numérique


«Quelle sorte de BBC les Britanniques souhaitent-ils, quand il y a tant de contenus disponibles provenant d'autres sources ?» s'interrogeait la ministre de la Culture, Tessa Jowell, début mars. L'offre de chaînes considérable devrait en effet encore s'étendre, via le satellite, la ligne téléphonique et l'Internet. La BBC doit aussi se préparer au basculement complet du réseau télévisuel de l'analogique vers le numérique qui devrait avoir lieu en 2012. Les coupes dans les effectifs et la restructuration en cours s'inscrivent dans ce contexte : la Beeb a gagné le renouvellement de la charte et le maintien de la redevance, mais elle doit donner des gages.

mercredi 23 mars 2005

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