Internet
est devenu un enjeu majeur pour les publicitaires
Pour séduire un public jeune,
adepte de nouvelles technologies, les agences de communication et
les marques investissent dans des campagnes diffusées exclusivement
sur la Toile.
Pas question de rater le virage Internet, les publicitaires sont
unanimes. Même si le poids des recettes dans ce secteur en
France, estimées à 840 millions en 2004, reste encore
limité, leur progression (+ 78 %) est un bon indicateur d'un
véritable décollage.
"Aujourd'hui, les chiffres courent après la réalité"
, estime Gilles Masson, président de l'agence Leo Burnett
Paris, avant d'ajouter : "Même si nous rattrapons un
peu notre retard, les consommateurs sont allés plus vite
que les agences et les annonceurs." Pour Xavier Romatet, directeur
général de DDB France : "Internet e n temps que
média devrait capter de 4 à 5 fois plus de dépenses
publicitaires. Mais il y a une convention professionnelle ou sociale
qui consiste à privilégier les médias traditionnels
."
La réalité d'Internet en France a été
dévoilée par Médiamétrie, jeudi 24 mars.
Selon l'institut d'études, le nombre d'internautes aurait
atteint les 24 millions fin 2004. Mieux : plus de la moitié
des foyers français sont devenus adeptes du haut débit.
Or, lorsqu'ils possèdent un accès rapide, les internautes
restent beaucoup plus longtemps connectés que les autres.
La durée varie du simple au double, voire plus. Les plus
férus restent connectés 16 heures et 9 minutes par
mois en moyenne. Ces statistiques prouvent que le retard français,
longtemps évoqué, n'est plus qu'un lointain souvenir.
"Internet est même devenu le premier média des
jeunes ,devant la télévision" , affirme Arthur
Sadoun, PDG de TBWA Paris.
Les publicitaires et les marques n'ont pas suivi au même rythme.
L'éclatement de la bulle Internet en 2000 a causé,
il est vrai, quelques traumatismes. Il s'en est suivi une période
de glaciation. Peu à peu, toutefois, le sujet est revenu
sur le devant de la scène. La campagne BMW, en 2002, a joué
le rôle de révélateur.
Pour le lancement de la série 7, le constructeur automobile
allemand avait demandé à des réalisateurs de
renom de tourner des mini-métrages dont la voiture était
la vedette. Ces films, diffusés exclusivement sur Internet,
et bénéficiant d'un bouche-à-oreille favorable
- le fameux "marketing viral" - ont été
plébiscités par les internautes.
Plus récemment, la chaîne de restauration rapide Burger
King, aux Etats-Unis, a créé un site Internet (www.subservientchicken.com)
où un acteur déguisé en poulet répond
aux ordres qu'on lui envoie sur le Réseau : il peut à
la demande s'asseoir, dormir, danser. Ce site, chargé de
promouvoir le lancement d'un nouveau sandwich au poulet, a totalisé
14 millions de visites. Une campagne publicitaire, à la télévision
et dans la presse, a accompagné la mise en ligne du site.
De même, la marque automobile Volvo a créé le
suspense en évoquant dans des encarts publicitaires publiés
dans les journaux une mystérieuse affaire de criminalité
dans un village suédois. Pour découvrir l'énigme,
il fallait se connecter sur un site Internet.
Cette façon de jouer à "saute-média"
, pour toucher le consommateur, le surprendre et l'amener à
un jeu de piste avec la marque, est de plus en plus prisée
par les équipes créatives des agences. "Aujourd'hui
la publicité ne se consomme plus de la même manière.
Le 30 secondes à la télévision perd des parts
de marché. Il faut trouver d'autres moyens pour les marques
de toucher le consommateur ,que se soit avec Internet, le téléphone
mobile, dans la rue, par le biais des boutiques" , souligne
Pascal Grégoire, PDG de l'agence CLM/BBDO.
Nicolas Riou, fondateur du cabinet Brain Value, parle de principe
de "circularité" . "L'idée est
d'encercler le consommateur, de lui proposer un divertissement par
le biais de plusieurs canaux de communication ", précise-t-il.
Il cite l'exemple de la bière canadienne Molson, partie du
principe que les garçons avaient du mal à nouer une
relation avec les filles dans les bars. Le brasseur a décidé
d'inscrire des questions sur les étiquettes des bouteilles.
Des situations de dialogue, par bouteilles de bière interposées,
ont été mises en scène dans des spots télévisés
et un concours organisé sur un site Internet.
"Dans tous les appels d'offres, les marques demandent une déclinaison
de leur campagne publicitaire sur Internet. Mais on devrait aller
un cran plus loin. Dans certains cas, en particulier quand on veut
toucher les jeunes, on peut se dire que la réponse sur Internet
devient centrale" , suggère M. Romatet.
Cetelem vient de lancer, par exemple, le 30 mars, à destination
des jeunes, un site Internet baptisé Superradin, avec quatre
spots dont un téléchargeable sur les téléphones
mobiles. Un personnage peu disposé à la dépense
y est caricaturé. Cetelem invite par ce biais l'internaute
à découvrir ses offres de crédit à la
consommation.
Reste à lever encore quelques réticences. " Il
manque un véritable modèle économique de la
publicité sur Internet. Les mesures d'audience et d'efficacité
doivent encore être améliorées ", affirme
M. Sadoun. Le second enjeu concerne les agences elles-mêmes.
" Internet était entre les mains des techniciens. Il
faut créer une interface entre les publicitaires et les techniciens
pour créer de véritables vitrines de marques. D'autant
que le niveau d'exigence créative des internautes est très
élevé ", explique M. Masson.
Laurence Girard
Avril 2005
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