Reportage exclusif Un Long Chemin vers la Liberté...
Par Farid Affejee
Nous
publions ici un reportage exclusif réalisé dans des conditions
extrêmement périlleuses, par l'un de nos correspondants en Afrique,
Farid Affejee, qui a décidé de relater de l'intérieur, le périple à
travers l'Afrique de la grande migration que vivent tant de réfugiés,
en se mêlant à eux. Parti d'Abidjan, il est passé par Bamako et se
trouvait hier à Gao... Il raconte ses observations, les impressions
ressenties sur son chemin... Le thé Azawad, les accoutrements
rencontrés. Il nous raconte son voyage... Voici son troisième récit.
Le
profil sociologique des ghettos et le rôle déterminant des "mobile by
money" dans la structuration des mobilités transnationales
Dimanche 30 Octobre 2016
Le profil
sociologique des ghettos et le rôle déterminant des "mobile by money"
dans la structuration des mobilités transnationales
Le groupe armé malien sécessionniste MNLA a décrété trois jours de
grève (du vendredi 28 au dimanche 30 octobre 2015) contre Bamako dont
la revendication sociale était portée sur le rétablissement de la route
reliant Gao à Bamako qui est en très mauvais état. Durant cette
période, le secteur du transport externe a connu un léger
ralentissement dans son fonctionnement dans la mesure où les compagnies
de transport étaient interdits de pénétrer l'espace de Gao. Pour se
faire, les autocars de ses compagnies déchargeaient leurs passagers en
majorité migrante en provenance de Bamako au corridor de Gao situé à
10km de la ville, avant le pont de wabaria. Ces revendications
socio-politiques ont eu une forte influence sur le mode habituel de
fonctionnement de l'ensemble du secteur du transport. Même les passeurs
ont eu du mal à rentrer en possession de moyen de locomotion afin
d'honorer leur part de contrat qui les lient aux migrants qu'ils ont
parqués dans les ghettos différenciés.
Répartition des migrants et profil sociologique des ghettos
Les nouveaux migrants étaient accueillis en dehors de la ville par les
passeurs qui les transportent ensuite à moto dans les différents
ghettos. Les destinations futures des migrants sont fonction de leur
répartition dans les différents ghettos. Concernant notre passeur
soumis à notre sujet d'étude, il détient deux ghettos. Le caractère
commun du voyage des migrants est que ces derniers se rendent tous en
Algérie mais la différence se situe au niveau du trajet et la
destination finale. Le ghetto nord accueille les migrants allant en
Alger et ses environs. Le ghetto sud, quand à lui, accueille les
migrants qui vont en Libye directement via Tamaraceq (Ville du sud
algérienne).
Les maisons sont construites en terre battue de deux étages. Les
conditions climatiques caractérisées en permanence par la production de
chaleur poussent les habitants de Gao à dormir, soit devant leur
habitation, soit sur les dalles de leur maison. La totalité des
migrants dorment sur les dalles vu leur nombre pléthorique
disproportionné à l'espace du ghetto réservé à leur logement..
Gestion familiale du bizness du trafic humain
Le ghetto est lieu où sont parqués les migrants par les passeurs, en
attendant le jour de leur départ vers d'autres destinations. Les
ghettos fonctionnent comme des entreprises privées familiales. Dans
notre cas présent, toute une organisation familiale se repartissent les
rôles en fonction des catégories d'âges pour mener à bien l'entreprise.
Les ainés s'occupent des affaires administratives et financières c'est
à dire, la répartition des migrants dans les différents ghettos, la
réception des droits de mobilités et l'établissement des dossiers de
passage des corridors de la rébellion du MNLA mis en place sur le
trajet Gao aux frontières algériennes. Les plus jeunes se contentent de
faire le thé, de la surveillance des ghettos et d'apprendre les rouages
du métier par observation participante afin de pérenniser cette
tradition. A y voir de plus près, la plupart des familles qui
s'adonnent à cette entreprise sont d'origine songhai, groupe
ethnoculturel ayant fondé l'empire songhai dont l'héritage spatial est
la ville de Gao.
Dans la répartition territoriale, chaque groupe social possède sa zone
d'expression. Les migrants ne se mélangent jamais au passeurs. Les
passeurs s'assemblent sur un espace spécifique sur lequel ils opèrent
d'autres marchés en dehors du trafic humain. La famille des passeurs
exerce l'activité d'achat des objets recyclables comme activité
officielle. Quand aux migrants, ils échangent leur vécu personnel sur
leur espace qui leur ait réservé, situé à quelque mètre de celui des
passeurs. Dans leur échanges, les anciens véhiculent le sentiment de
résistance et de bravoures face à l'adversité éventuelle. Les
expériences négatives sont tacitement proscrites.
Mode de payement des droits de mobilités transnationales
Il existe deux modes de paiement. Le paiement indirect qui s'effectue à
travers les outils de transfèrement d'argent et le payement direct qui
s'effectue de "main en main". Concernant la première option, le passeur
reçoit, selon nos données d'enquêtes, les droits de mobilité des
migrants à travers les mobile by money effectué par un contact
extérieur du migrant. Le contact extérieur du migrant pilote à distance
toute la structure du parcours de ce dernier. Il peut se présenter
comme le contact finale du migrant se trouvant sur le territoire de
conquête, ou comme une personne restée au pays ayant les ressources
économiques d'accompagnement. Cette modalité d'action est beaucoup
utilisée par les nouveaux migrants piloté de l'extérieur. Ce mode de
payement s'est beaucoup développée à la suite des actions de
dépouillement brutale orchestré souvent par les soldats maliens postés
dans les corridors ou par les pseudo-passeurs qui errent le plus
souvent autour de ses corridors. Et , dans notre cas précis, leurs
cibles privilégié sont les guinéens.
Quand à la deuxième figure d'action, elle est beaucoup pratiquée par
les anciens migrants. Les vétérans migrants qui sont la plupart du
temps de nationalité malienne, se déplacent avec de l'argent liquide
sur eux compte tenu de leur expérience de l'aventure. Ils détiennent le
secret de l'art du camouflage des ressources économiques sur soi. Selon
leur slogan; ""il est mieux d'avoir des ressources sur soi pour avoir
une partie de son destin en main"". Mais vu leur profil, ils ont en
majorité des activités informelles fonctionnelles dans leur lieux
d'origine leur permettant de renforcer leur parcours en cas de pépin à
travers les mêmes transfèrement d'argent via mobile by money.
En résumé, les mobiles by money constituent des outils essentiels dans
le système de mobilités transfrontalières. Leur rôle apparait comme le
cœur du système de la migration subsaharienne et l'instrument
d'orientation des néo-migrants (ayant des âges de plus en plus
précoces) dans leur marche vers des pays présentant plus d'opportunité
économique. Le droit de passage aux frontières algériennes additionnée
au cout du logement dans le ghetto est facturé dans l'intervalle de
30.000f à 50.000F CFA. Par ailleurs, les contingences socio-politiques
de Gao impactent fortement sur les trajectoires économiques des
affaires clandestines.
Vendredi 28 Octobre 2016
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