L'Afrique du Sud lance un plan ambitieux contre le sida
Par Paul Benkimoun
En
lançant, dimanche 25 avril, une campagne de masse de prévention et de
traitement de l'infection par le VIH, le président sud-africain Jacob
Zuma a tourné l'une des pages les plus sombres de la période
post-apartheid, celle du déni face au sida. PSon
prédécesseur, Thabo Mbeki, au pouvoir de 1999 à 2008, avait obstinément
refusé d'engager une politique de traitement par les médicaments
antirétroviraux, alors que l'Afrique du Sud, avec 5,7 millions de
séropositifs, est le pays le plus contaminé au monde. 33,4 millions de
personnes dans le monde vivaient avec le VIH en 2008, selon Onusida,
l'organisme des Nations unies spécialisé dans la lutte contre le sida,
dont 22,4 millions en Afrique subsaharienne.
La campagne vise,
d'ici à 2011, à effectuer des tests de dépistage volontaires chez 15
millions de personnes, contre 2,5 millions en 2009, et à fournir des
traitements anti-VIH à 1,5 million de personnes, contre environ 1
million en 2009.
Présent lors du lancement de cette initiative,
le directeur exécutif de l'Onusida, Michel Sidibé, a déclaré :
"L'Afrique du Sud peut briser la trajectoire de l'épidémie due au VIH."
Faisant référence à la commission qui avait permis une sortie pacifique
du régime d'apartheid, M. Sidibé a ajouté : "Cette campagne promet
d'être l'équivalent de "Vérité et réconciliation" pour la réponse du
pays au sida."
Le sida est l'un des grands défis de l'Afrique du
Sud, un pays qui compte moins de 1 % de la population mondiale mais
représente 17 % des cas d'infections par le VIH sur la planète. Le
système de santé hérité de l'apartheid portait la marque de l'iniquité
: d'un côté des infrastructures équivalentes à celles des pays
occidentaux, destinées à la population blanche et aux plus fortunés ;
de l'autre, pour la population noire, une prise en charge de
l'infection par le VIH laissée au gré des initiatives de certaines
grandes entreprises, soucieuses de protéger leur main-d'oeuvre, ou de
programmes associatifs, comme celui mené pour la prévention de la
transmission de la mère à l'enfant par Médecins sans frontières à
Khayelitsha, dans la banlieue du Cap.
En 2001, la victoire
historique du gouvernement contre les 39 laboratoires qui avaient tenté
de s'opposer à une loi facilitant l'entrée des médicaments génériques
dans le pays n'avait pas significativement changé l'accès aux
traitements pour les malades du sida.
Thabo Mbeki prêtait
complaisamment l'oreille aux tenants d'une théorie selon laquelle,
contre l'évidence scientifique, le VIH n'est pas la cause du sida.
Secondé par sa ministre de la santé, Manto Tshabalala-Msimang, il
affirmait que les antirétroviraux étaient plus dangereux que la maladie
elle-même. Les campagnes menées par les associations comme Treatment
Action Campaign ou les syndicats n'avaient pas réussi à le faire
changer d'avis.
L'arrivée au pouvoir de Jacob Zuma a offert la
possibilité de tourner le dos à une politique qui aura coûté, au fil
des dernières années, 350 000 vies supplémentaires, selon des
chercheurs de l'université américaine de Harvard.
L'Afrique
du Sud finance elle-même plus des deux tiers du coût de la réponse au
sida. En 2010, les autorités du pays ont porté à plus d'un milliard de
dollars (748 millions d'euros environ) le budget de la lutte contre le
VIH, soit une augmentation de 30 % par rapport à l'année précédente.
Dans
le cadre de la campagne qui vient d'être lancée, chaque individu testé
recevra 100 préservatifs. La pratique d'un test VIH sera aussi
l'occasion d'un bilan de santé plus large : prise de la tension
artérielle, tests pour la tuberculose, le diabète, ainsi que pour le
cancer du col de l'utérus, chez les femmes séropositives.
"Cette
approche d'une santé globale, avec une mobilisation communautaire est
une véritable révolution", commente Michel Sidibé. Le directeur
exécutif de l'Onusida souligne que la nouvelle campagne "ouvre
également un espace pour la discussion sur la politique de prix des
médicaments pratiquée en Afrique du Sud. Le coût moyen du traitement
contre le VIH pour une personne en Afrique du Sud est de 539 dollars
par an, alors que le prix négocié sur le marché international descend
jusqu'à 296 dollars par an. Supprimer la politique qui donne la
préférence à des entreprises pharmaceutiques sud-africaines permettrait
d'augmenter le nombre de personnes sous traitement". Plus
globalement, M. Sidibé voit dans le tournant que représente la nouvelle
orientation de l'Afrique du Sud "la création d'une force de changement
au niveau continental, qui amènera à discuter différemment de la
sexualité, des discriminations. Cela renforcera la coopération entre
Etats africains."
Au-delà, c'est bien le rôle des pays
émergents, comme l'Afrique du Sud, la Chine, l'Inde ou le Brésil, dans
la réponse sociale aux problèmes de santé, qui pourrait être transformé.
5, 7 millions
Nombre de personnes vivant avec le VIH sur un total de 48 millions
d'habitants. Cela représente 17 % des personnes atteintes dans le monde.
1 500 Nombre de personnes contaminées chaque jour par le VIH, en Afrique du Sud.
18,1 %
Taux d'infection par le VIH chez les adultes de 15 à 49 ans. Les femmes
sont les principales victimes. Le taux de prévalence chez celles
suivies dans des consultations prénatales atteint 29 % (en 2006).
350 000 Décès dus au sida en 2009, après 370 000 en 2008.
1,4 million Enfants de 0 à 17 ans orphelins du sida.
370 000 Nombre de personnes recevant un traitement dans le secteur de la santé publique en 2007, contre 120 000 dans le secteur privé.
2,5 millions Nombre de personnes ayant effectué un test de dépistage en 2009.
Avril 2010
Retour
aux Pandemies
Retour
au Sommaire |