Interdiction universelle
des mutilations génitales féminines: un objectif à portée de main
Par Niccolo’ Figa-Talamanca, Khady Koïta et Demba
Traoré
A
l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, une
tribune de trois militants qui luttent contre les mutilations génitales
féminines.
En
ce jour du 8 mars, le monde entier célèbre la Journée internationale
des droits des femmes, se réjouissant des succès remportés dans
l’amélioration de la condition féminine tout au long de l'histoire et
aux quatre coins de la planète. Cette date est également une occasion
propice pour rappeler que de trop grandes lacunes entravent encore
—parfois de manière brutale et cruelle— le processus vers la
reconnaissance et la protection pleines et entières des droits des
femmes en tant que droits humains universels. Dans le monde entier, des
millions de femmes et de filles continuent de vivre avec les séquelles
ou la crainte de subir des pratiques traditionnelles douloureuses qui
violent leur droit fondamental à l'intégrité personnelle. Les
mutilations génitales féminines (MGF) font partie des violations les
plus répandues et répétées, qui demeurent trop souvent incontestées
sous le prétexte d'un respect des normes culturelles en vigueur. Selon
l’OMS, il est estimé que plus de 3 millions de filles et de femmes sont
soumises à cette pratique chaque année et qu’entre 100 à 140 millions
en auraient été victimes.
Durant la dernière décennie, grâce au dévouement assidu de militants
des droits des femmes et à l'engagement politique croissant des états
affectés, il est vrai que des progrès significatifs et encourageants
ont été réalisés. A ce jour, vingt pays africains ont adopté une
législation nationale prohibant et pénalisant les MGF; l'Union
africaine a pris une position ferme en condamnant cette pratique à
travers son Protocole sur le droit de la femme en Afrique, qui interdit
les MGF comme une violation des droits humains; de nombreux
gouvernements ont mis en œuvre des plans d'action nationaux qui
informent et sensibilisent leur population sur les lois existantes, en
particulier dans les zones rurales et reculées où ces pratiques sont
les plus répandues.
Un
leadership politique mondial
En dépit de ces avancées, de nombreux défis continuent à entraver un
effort concerté pour débarrasser le monde de cette violation à grande
échelle et flagrante des droits humains, qui requiert un leadership
politique mondial si nous voulons la reléguer une fois pour toutes dans
les livres d'histoire. Pour répondre à ce défi, une coalition sans
cesse croissante, composée de No Peace Without Justice (NPWJ), du
Comité Inter-Africain sur les pratiques traditionnelles affectant la
santé des femmes et des enfants (CIAF), d’Euronet-FGM et des ONG La
Palabre et Manifeste 99, ont dirigé les efforts d'une campagne
internationale visant à promouvoir l'adoption par l'Assemblée générale
des Nations unies (AGNU) d'une résolution qui interdirait
universellement et explicitement les MGF.
Une résolution de l'AGNU constituerait un instrument essentiel pour
stimuler une mobilisation politique majeure et plus cohérente des
militants, des parlementaires et des gouvernements à travers le monde.
De manière substantielle, une résolution de l’AGNU exprimerait une
volonté politique, émanant au plus haut niveau, de reconnaître et de
veiller à l'adoption de toutes mesures pour mettre fin aux MGF comme
une violation des droits humains. Tout en renforçant l'importance des
textes déjà adoptés par l'ONU visant à protéger les droits des femmes,
en particulier les résolutions de la Commission sur la condition de la
femme, la condamnation universelle de cette pratique néfaste par la
communauté internationale aurait pour effet de renforcer les lois
anti-MGF existantes et d’encourager les États qui en sont actuellement
dépourvus à adopter des mesures similaires.
En juillet 2011, lors du Sommet de l'Union africaine tenu à Malabo, en
Guinée équatoriale, les chefs d'Etat africains ont adopté une décision
en faveur de l’adoption d’une résolution interdisant les MGF à la 66e
session de l'Assemblée générale des Nations unies. Ce moment historique
a donné une impulsion significative et concrète à la Campagne
internationale, qui n’a cessé de croître depuis la Conférence de haut
niveau de Ouagadougou, organisée en décembre 2009 sous le haut
patronage de Mme Chantal Compaoré, Première dame du Burkina Faso et
coordonnatrice de la campagne.
De plus
en plus d'efforts
Depuis la décision de Malabo, les discussions au sein de l'Union
africaine n’ont cessé de s’intensifier, stimulant des débats
similaires à l'ONU, où le Groupe africain a assumé un rôle de plus en
plus central dans la promotion de la résolution. Le Burkina Faso, qui
s’est profilé comme chef de file dans la lutte contre les MGF, et qui a
dirigé le processus menant à la décision de l'Union africaine, a
redoublé d'efforts dans ce sens.
Le 27 Février, un événement de haut niveau convoqué à New York par la
Coalition Ban FGM, à l’occasion de l’ouverture de la 56e session de la
Commission des Nations Unies sur la condition de la femme, a
ultérieurement confirmé la détermination des États africains à soutenir
le processus en cours.
Lors de cette réunion, inaugurée par Michelle Bachelet, Directrice
exécutive d'ONU Femmes, et marquée par les interventions de sept
ministres (Cameroun, Côte d'Ivoire, Guinée, Italie, Niger, Togo,
Tunisie), un message très clair fut délivré: l'Organisation des Nations
Unies et ses Etats membres doivent enfin prendre leurs responsabilités
et se faire l’écho des innombrables associations et militants
individuels qui mènent un combat quotidien pour défier cette pratique
néfaste et œuvrer à son élimination.
La chanteuse Angélique Kidjo, ambassadrice itinérante de l'Unicef et
lauréate des prestigieux Grammy Awards, se fit la porte-voix enflammée
de ce message, lors de son concert donné le lendemain à New York, en
soutien à la lutte contre les MGF. Le temps est venu pour tous les
États de démontrer leur engagement en faveur des droits humains et, en
particulier, des droits des femmes, en prenant une position sans
équivoque et commune en faveur de l'adoption cette année par
l'Assemblée générale des Nations Unies d'une résolution interdisant les
MGF dans le monde entier.
Niccolo’ Figa-Talamanca, Secrétaire Général de No Peace Without Justice
Khady Koïta, Présidente de l’association «La Palabre»
Demba Traoré, ex-député malien et Secrétaire Général du Parti Radical
Nonviolent, Transnational et Transparti
Mars 2012
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