Ebola: un petit garçon nous donne de l'espoir au Liberia
Par Jolene Mullins
Pour
citer Charles Dickens, mon expérience au Liberia au cours des six
derniers mois a été "le meilleur et le pire des temps". J'habite dans
ce pays que j'adore depuis deux ans maintenant. Avant cela, j'y étais
bénévole au sein du Corps des volontaires de la paix pendant cinq ans.
La détermination et la beauté des gens m'ont toujours inspirée.
L'épidémie du virus Ebola l'a de nouveau démontré.
La propagation a commencé à monter crescendo et l'aide de la communauté
internationale donne déjà de nouveaux espoirs. Il nous reste cependant
un long chemin à parcourir.
Nous allons vaincre ce virus en nous assurant que les gens connaissent
les faits. Il est essentiel de les sensibiliser à ce sujet et de
dissiper les nombreux mythes qui se sont répandus sur celui-ci. Chaque
jour, je constate les résultats de la désinformation et,
malheureusement, cela se mesure en pertes de vies humaines. En plus,
trop de Libériens n'ont pas accès aux soins de santé tandis que les
hôpitaux et les cliniques du pays sont dépassés par cette crise.
Il y a environ deux semaines, je me suis rendue sur l'un de nos sites à
la campagne. Sur le bord de la route, plus de 100 personnes entouraient
une femme couchée dans l'herbe à 45 mètres d'une clinique. Ils
chuchotaient en la regardant fixement et en la pointant du doigt. La
Libérienne était fiévreuse et très faible. Elle n'avait pas la force de
tenir debout. Un cordon avait été accroché autour d'elle pour empêcher
les gens de trop s'en approcher avec des pancartes écrites à la main:
"Le virus Ebola est bien réel, le virus Ebola tue".
Les employés du centre de santé de la ville ont refusé l'entrée à
cette femme, car ils ne disposaient pas d'équipement de protection. Ils
étaient tout naturellement inquiets pour eux et les autres patients.
Ils ont appelé une ambulance du département pour l'emmener dans une
unité d'isolement, mais elle n'est jamais venue.
Alors qu'elle était mourante, une autre femme s'est assise à côté
d'elle et lui tenait tendrement la tête, sans se soucier du risque
qu'elle encourait en s'exposant à la maladie. J'ai profité de
l'occasion pour prendre un porte-voix dans notre voiture et commencer à
expliquer aux gens ce qu'était le virus Ebola, comment ils pouvaient
l'attraper et s'en protéger.
J'ai appris plus tard que la femme avait passé une autre nuit par
terre, sous la pluie, devant les curieux qui la regardaient bouche bée,
jusqu'à ce que son combat s'achève et qu'elle meure.
Il existe néanmoins de nouvelles histoires, des histoires pleines d'espoir qui commencent à émerger.
La semaine dernière, une collègue a rencontré Elijah, un garçon de 14
ans. Il vivait avec sa tante lorsqu'elle et d'autres membres de la
famille sont tombés malades avant de mourir d'un virus que l'on
supposait être l'Ebola. À leur mort, Elijah est retourné vivre chez son
père au sein de la même communauté où la femme dans le champ était
morte.
Son père lui a interdit de rentrer à la maison et lui a demandé de
dormir à l'école. Le directeur de l'établissement n'a pas voulu le
laisser rentrer. Il a donc été forcé de se coucher au bord de la route,
près d'une clinique. Ma collègue a rencontré Elijah un lundi soir. Nous
avons essayé de contacter le commissaire à la santé de la région pour
lui demander une ambulance afin d'emmener le garçon dans une unité de
traitement de l'Ebola récemment ouverte. Personne n'était disponible.
Nous avons décidé qu'Elijah devait s'abriter dans un kiosque de cartes
téléphoniques, car il présentait des symptômes. Nous lui avons donné
une lampe de poche, des couvertures et de la nourriture pour la nuit.
Heureusement, il n'a pas plu.
Le lendemain matin, nous avons réussi à parler au commissaire régional
et il a envoyé une ambulance d'une ville située à une heure de route
pour récupérer Elijah.
Le garçon a été chanceux. Il a été admis dans la nouvelle unité de
traitement de l'Ebola. Les employés n'étant pas surchargés, ils ont pu
lui apporter des soins médicaux et psychologiques personnalisés. Elijah
a survécu.
L'histoire ne s'arrête pas là, car le garçon fait désormais
l'expérience du retour à la maison, dans sa famille et sa communauté,
en tant que survivant du virus Ebola. Les gens ont peur, se méfient et
s'énervent contre les rescapés. C'était le cas du père d'Elijah. Il n'a
pas cru que son fils était guéri et ne voulait pas qu'il rentre à la
maison.
C'est là où notre équipe est intervenue. Nous sommes allés dans la
ville d'Elijah où nous avons organisé des réunions et des discussions
sérieuses avec les membres de sa famille et la communauté en général
pour leur expliquer ce que survivre au virus Ebola signifiait. Nous les
avons aidés à comprendre que le cas d'Elijah n'était pas isolé et que
beaucoup de gens survivaient lorsqu'ils se faisaient soigner.
J'ai rencontré le père d'Elijah et je lui ai parlé de parent à parent
ce que j'ai refait plusieurs fois depuis. À cause de sa peur, il a
chassé son fils de la maison. En faisant cela, il se peut qu'il ait
sauvé Elijah et le reste de la famille. Il faut faire sortir les
patients de chez eux, leur apporter les soins nécessaires aussi vite
que possible et protéger les autres membres du foyer.
Voilà l'importance des soins communautaires et de notre action sur le
terrain au Liberia. Nous nous assurons que les gens connaissent les
faits et que les soins et les traitements sont disponibles. Ainsi, le
prochain Elijah recevra tous les soins et l'amour dont il a besoin pour
survivre.
Jolene Mullins est la représentante nationale au Liberia du PCI (Project Concern International).
23 Octobre 2014
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