«Unitaid
n'est pas un gadget»
Par Christian LOSSON
Jean Dussourd, du ministère
des Affaires étrangères, défend la taxe
sur les billets d'avion qui permettra l'achat de médicaments
pour le Sud.
A partir d'aujourd'hui, chaque passager au départ d'un
aéroport français paiera entre 1 euro (pour
les vols intérieurs en classe éco) et 40 euros
(vols internationaux en classe affaires) supplémentaires.
Objectif : alimenter la centrale d'achat de médicaments,
Unitaid, destinée à la lutte contre le sida,
le paludisme et la tuberculose dans les pays du Sud. Entretien
avec Jean Dussourd, coordinateur de l'opération au
ministère des Affaires étrangères. Celle-ci
rassemble désormais 18 pays (1).
Vent debout il y a six mois, les compagnies aériennes
paraissent s'être calmées ?
D'abord il y a eu un large mouvement d'adhésion citoyen
autour de ce prélèvement symbolique pour une
cause humanitaire. Plus de 100 000 personnes ont envoyé
leur nom et prénom au 3 33 33 ou sur www.unitaid.eu,
et sont devenues des «citoyens Unitaid», dont
le sigle apparaît dans les échanges de ballons
avant les débuts de matchs au Mondial. Les gens ont
compris que Unitaid n'est pas un gadget, mais l'illustration
d'une grande solidarité Nord/Sud. Nous avons ensuite
dialogué avec le ministère des Transports et
du Tourisme, avec les Aéroports de Paris, avec les
agences de voyages. Tout le monde n'est pas béat d'admiration,
mais on est loin de l'opposition torride de décembre.
Nous allons d'ailleurs dès aujourd'hui distribuer 130
000 flyers, des notes d'information, afin d'expliquer à
quoi sert la taxe : 1 euro, c'est trois fois moins cher qu'un
espresso à l'aéroport...
Quelle vitesse de croisière comptez-vous atteindre
financièrement ?
La France va récupérer 200 millions d'euros
en année pleine. Nous espérons, avec les 18
pays qui vont dès cette année rejoindre Unitaid,
totaliser un milliard d'euros d'ici deux ans. Beaucoup de
pays bénéficiaires sont aussi contributeurs
: cela change la logique de la traditionnelle aide au développement.
On sent une dynamique se créer...
Avez-vous avancé sur la façon dont va fonctionner
Unitaid dès octobre ?
Dès mercredi, nous serons à Brasilia pour entériner
trois choix. D'abord, sur l'hébergement du secrétariat
d'Unitaid (10 personnes au maximum) et sur le fonds fiduciaire
(les ressources financières), au sein de l'Organisation
mondiale de la santé, à Genève. Puis
nous travaillerons avec le Fonds mondial contre les pandémies,
l'Unicef. Enfin, nous tenterons d'avoir des médicaments
à prix écrasés sur les premières
cibles : les formulations pédiatriques antisida pour
600 000 enfants qui en ont un besoin urgent, les produits
à plusieurs molécules contre le paludisme dont
on veut faire tomber le prix de 50 %, l'accélération
de la mise sur le marché de ces médicaments
pour éviter des ruptures d'approvisionnement...
Mais comment pousser les labos à baisser les
prix ?
Nous leur apportons de la prévisibilité et,
avec la Fondation Clinton, des garanties d'achat pour les
besoins de plus de 100 pays sur cinq ans. On ne veut pas travailler
contre les firmes pharmaceutiques, car nous avons besoin d'elles
pour la recherche et le développement. Mais nous maintiendrons
une saine émulation avec les fabricants de médicaments
génériques...
(1) France, Brésil, Chili, Chypre, Congo, Côte-d'Ivoire,
Jordanie, Luxembourg, Madagascar, Maurice, Nicaragua, Norvège,
Royaume-Uni, Cambodge, Corée du Sud, Qatar, Mali et
Bénin..
Juillet 2006
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