Vous êtes sénégalais et président du Réseau des organisations paysannes de producteurs d'Afrique de l'Ouest (Roppa). Que pensez-vous des déclarations de Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU, qui a plaidé, mardi 3 juin au sommet de la FAO, en faveur d'un accord sur le cycle de Doha ?
C'est une véritable hérésie. La crise est provoquée par les politiques libérales et on nous dit de les poursuivre ? On ne respecte pas les petits producteurs. Nous, nous sommes demandeurs de protection. On entend toujours le même discours type, il faut voir avancer le cycle de Doha. Mais c'est ainsi qu'on peut aggraver la crise. |
|
Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU |
Une cinquantaine de chefs d'Etat et de gouvernement, dont des Africains, ont fait le déplacement à Rome pour trouver des solutions à la crise alimentaire mondiale. Quelles erreurs ont été commises, selon vous ?
L'erreur principale est d'ordre commercial, avec l'ouverture abusive de nos marchés qui s'est accompagnée d'une perte d'intérêt des petits producteurs pour l'agriculture. Elle est d'ordre politique aussi, parce que nos dirigeants africains ont accepté naïvement cette ouverture et se sont détournés de l'agriculture vivrière. Ils ont mis l'accent sur les cultures d'exportation et non sur la première mission de notre métier, nourrir la population. Ces dernières décennies, le peu de moyens accordés sous forme d'intrants, de crédits, de recherche ou de subventions ont été concentrés sur les cultures de rente comme le coton.
Bien
sûr les Occidentaux sont aussi responsables, puisqu'ils ont imposé cette libéralisation dans le cadre du FMI et de la Banque mondiale.
Comment les producteurs africains vivent-ils cette crise ?
Ces dernières années, nous l'avons vu venir. Dans les villages, des lots de petits agriculteurs tombaient dans la pauvreté. Leurs revenus baissaient : leurs produits approvisionnaient les marchés locaux, mais leurs prix dépassaient la capacité d'achat des ménages, et ils étaient en concurrence avec des produits subventionnés venus d'ailleurs. Aujourd'hui, nous sommes dans un cercle vicieux. Avec la hausse du prix de l'alimentation, les producteurs sont plus préoccupés par le besoin de se nourrir que par investir. Ils n'ont plus les moyens d'acheter semences et engrais pour l'année à venir.
Quelles solutions pour développer la production en Afrique ?
Le marché africain peut fonctionner, mais il doit comme ailleurs chercher l'intégration et la valorisation régionale, et non l'ouverture vers l'extérieur. Pour l'agriculture africaine, nos autorités doivent prendre toute la mesure de la situation.
Juin 2008
L'ONU réclame une nouvelle politique agricole mondiale
Abonnez-Vous au Monde
Retour à La Pauvreté
Retour au Sommaire