Une Pauvreté et des inégalités sociales créées par le pétrole
Par Isabelle Kauffmann, Caroline Aimé
Dans les pays producteurs de pétrole, si la pollution par le pétrole
appauvrit les habitants, les inégalités sociales crées par le pétrole
jouent un rôle encore plus important dans cet appauvrissement. L’argent
du pétrole ne profite pas à la population, qui ne peut donc remédier
aux problèmes environnementaux. Celle-ci est souvent très pauvre, ce
qui contraste avec la richesse que devrait apportait le pétrole.
L’argent rapporté par le pétrole est mal réparti, créant de grandes
inégalités sociales dans ces pays où la majorité de la population vit
dans des conditions très précaires.
a) Dans les pays producteurs du pétrole
Par
exemple, au Niger, la pauvreté de la population, causée en partie par
la pollution par le pétrole, est également due à des inégalités
sociales, à une mauvaise répartition de l’argent rapporté par le
pétrole.
Avec une production quotidienne de 2,4 millions de barils par jour en
2005, le Nigeria est le premier producteur pétrolier africain et le
11ème au monde. En 2005, les revenus issus de l’exploitation de l’or
noir ont ainsi rapporté au gouvernement central 37,7 milliards de
dollars, soit plus de 80% des revenus de l’Etat et environ 95% de ses
exportations et le pétrole a rapporté 600 milliards de dollars
(environ 430 milliards d'euro) depuis les années 1960. Malgré
cette rente pétrolière, le pays est l'un des plus pauvres de la
planète. 66% de la population vit sous le seuil de pauvreté et le PNB
par habitant est en chute libre depuis 1970. Les inégalités dans le
pays sont accentuées par les disparités régionales de la répartition de
la manne pétrolière, notamment en faveur de Lagos, et par la corruption
qui touche tous les niveaux de l’Etat. Malgré cela, le delta du Niger
ne reçoit que 13% des revenus pétroliers terrestres du pays, un
pourcentage qui est loin de pouvoir satisfaire les besoins des
habitants d’une région dévastée par des décennies de négligences
environnementales et économiques.

La population vit donc dans de conditions désastreuses, sans eau
potable, mangeant des poissons contaminés, vivant dans des habitations
précaires avec des épidémies et maladies ne faisant qu’augmenter,
n’ayant accès qu’à des moyens de transport peu performants.
Les représailles empêchent les populations de se rebeller : au
Nigéria, le gouvernement a recours à des représailles violentes et
collectives. Malgré cela, la population tente d’obtenir des changements
par des sabotages, des vols de pétrole…, ce qui ne fait qu’aggraver la
situation.
A Odi, une communauté adjacente à un puits construit en 1958, les
villageois ont réclamé des services de base comme l’eau potable de
robinet, l’électricité, et les écoles. Les représailles ont été
importantes : des hommes militaires en uniforme ont attrapé 15
jeunes gens pendant qu’ils rentraient chez eux à pieds en provenance
d’un village au milieu de l’après-midi. Les jeunes gens ont été
frappés, torturés, et emprisonnés, et ce comme une mise en garde aux
autres gens du village. Pour environ une semaine, les jeunes ont vécu
le calvaire dans une prison à quelques miles du lieu. Leurs membres de
familles ont été forcés de marcher pendant une journée et demie pour
les voir ou leur apporter la nourriture dans cette prison misérable.
Tout cela pour avoir réclamer des droits élémentaires.
Pendant que les compagnies pétrolières enregistrent des profits et que
le prix du pétrole monte en flèche vers près de 65 dollars US par
baril, les communautés africaines ostensiblement bénies par la
malédiction du pétrole languissent dans la misère et la saleté. En
effet, sans terre exploitable ou conduits d’eau, beaucoup de gens au
Nigeria disent qu’ils se trouvent dans un état pire que celui dans
lequel se trouvaient leurs grands- parents avant que le pétrole ne fut
découvert.
L’argent du pétrole ne profite pas aux populations locales qui ne
peuvent d’ailleurs réclamer leurs droits à cause des représailles
violentes.
Beaucoup de pays riches, regorgeant de ressources naturelles comme le
pétrole ont une population très pauvre, vivant dans la pauvreté et
ayant une mortalité infantile très importante. Le pétrole crée la
corruption dans les pays producteurs, l’état essaie de justifier ses
dépenses (par exemple, en Angola, où la richesse est mal répartie et ne
profite qu’à certains, le gouvernement affirme utiliser cet argent pour
reconstruire le pays, rembourser des dettes et récompenser des soldats,
dont en réalité, seule une petite partie l’a réellement été) mais ces
justifications sont contestées. Les inégalités sont dues à une mauvaise
répartition et gestion des richesses.
Un autre exemple montrant que les populations résidents dans les pays
producteurs sont victimes d’inégalités sociales est Richard Betalum, un
paysan qui aurait dû devenir riche. Du pétrole a été trouvé dans son
champ. La compagnie pétrolière américaine Esso y a creusé un puits.
Chaque jour, trois cents barils de brut en sont extraits. A 140 dollars
le baril sur le marché mondial, cela aurait pu lui rapporté 40 000
dollars par jour.
Mais la découverte de pétrole dans son champ a plutôt été une
malédiction pour cet homme. Son champ a été amputé de moitié afin que
l'exploitation puisse se faire. Il a reçu l'équivalent de 1500 euros en
guise de compensation. "Esso a trouvé du pétrole dans mon champ
mais je n'y gagne rien, a-t-il indiqué. Le gouvernement m'a intimé
l'ordre de céder la moitié de mon champ. Avec les compensations, j'ai
pu mettre un toit en tôle sur ma maison, et acheter deux bœufs. A
présent, les bœufs ont été volés, j'ai perdu la moitié de mon champ, et
j'ai du mal à nourrir ma famille", indique Richard Betalum.

Cet exemple montre bien les inégalités dans les pays producteurs :
l’argent du pétrole ne revient pas à la population, même quand le
pétrole à été trouvé chez un habitant. Dans ces pays, les plus forts
décident et les populations doivent vivre avec, sous peine de
représailles. Le pétrole enrichit fortement une petite partie de la
population de ces pays, alors que la majorité de la population vit dans
la misère et la pauvreté, sans avoir accès à leurs besoins élémentaires
à savoir se nourrir, se vêtir, se loger, s’instruire…
b) Inégalités entre pays riches et pays pauvres
Mais les inégalités sociales crées par le pétrole existent également à l’échelle mondiale, entre pays riches et pays pauvres.
L’Amérique du Nord consomme 30% des énergies fossiles et l’Europe de
l’Ouest en consomment 18%. Ce qui représente presque la moitié de la
consommation mondiale pour seulement 10% de la population de la
planète. La Chine et les pays émergents voient leur consommation
beaucoup augmentée, mais celle-ci reste toujours très inférieure à
celle des pays riches : Par exemple, en France, une personne sur
deux a une voiture ; en Chine, c’est une personne sur quatre-vingt.
Les pays riches puisent chez les pays du Sud car ils sont incapables de
produire toute l’énergie qu’ils consomment, alors que les pays du Sud
en manquent souvent cruellement.
Les pays riches consomment trop d’énergie, et souvent inutilement. Par
exemple, en France, la population a augmenté de 15% mais les
déplacements en voiture ont augmenté de 60%. Dans ces pays, ce modèle
économique énergivore est vanté, voire imposé. Mais ce modèle
économique ne peut profiter qu’à une minorité et est une menace majeure
pour les droits élémentaires des personnes et des peuples des pays
pauvres. L’énergie est un besoin pour vivre mais un tiers de la
population mondiale n’a pas accès à des services de base nécessitant
l’électricité (éclairage, réfrigération…). Dans les pays en émergence,
la consommation d’énergie est 10 fois plus faible que dans les pays
industrialisés.
Le pétrole n’est pas réparti également entre les pays : les
pays riches en profitent plus, même s’ils ne sont pas
producteurs : la plus grande partie du pétrole extrait va vers les
pays riches, alors que la population de certains pays producteurs n’a
même pas accès à l’électricité et à des conditions de vie correctes.
- L’Amérique du nord représente 5 % de la population mondiale et 25 % de la consommation mondiale de pétrole.
- L’Europe représente 9 % de la population mondiale et 21 % de la consommation mondiale de pétrole.
- L’Amérique du sud représente 9 % de la population mondiale et 8 % de la consommation mondiale de pétrole.
- L’Afrique représente 16 % de la population mondiale et 3 % de la consommation mondiale de pétrole.
- L’Océanie représente 1 % de la population mondiale et 1 % de la consommation mondiale de pétrole.
- L’Asie représente 60 % de la population mondiale et 35 % de la consommation mondiale de pétrole.
La consommation des différents continents en fonction de leur
population montre les inégalités de répartition du pétrole :
l’Afrique qui représente 16% de la population mondiale, ne consomme que
3%. Or on constate que l’Afrique est aussi le continent le plus pauvre,
qui englobe les pays les plus pauvres et les moins développés. Les
inégalités de répartition du pétrole contribuent donc à la pauvreté de
certains pays et creuse les écarts de richesse.
Trop de pétrole va aux pays développés d’Amérique du Nord et d’Europe,
ce qui augmente la pauvreté dans les pays pauvres qui en manquent..
21 Février 2016
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