Réduire la consommation de pesticides dans l'agriculture est possible
Par Gaëlle Dupont
Remplir l'objectif du Grenelle de l'environnement de réduire de moitié
l'usage des pesticides dans l'agriculture d'ici à dix ans apparaît
possible techniquement. C'est la principale conclusion d'un rapport de
l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) rendu public,
jeudi 28 janvier.
Pour
y parvenir, ajoutent les experts de l'INRA, il faudrait modifier
profondément le fonctionnement des exploitations et des filières
agricoles, soutenir financièrement les agriculteurs et changer les
habitudes des consommateurs : avec moins de pesticides, le "zéro
défaut" attendu pour les fruits et légumes devient impossible.
Autre enseignement de l'étude, qui a élaboré différents scénarios en
fonction des pratiques culturales de l'année 2006, une baisse de 30 %
serait possible sans bouleversement profond, mais en éliminant les
traitements inutiles ou en utilisant des méthodes alternatives
(désherbage mécanique, lutte biologique contre les ravageurs) ou
préventives (densité et dates des semis). La baisse de rendements
serait alors modeste : - 6 % en moyenne. "Des possibilités d'évolution
existent, même à court terme", explique Pierre Stengel, coordonnateur
de l'étude.
Aller
plus loin et atteindre 50 % de réduction est une autre affaire. Selon
les scénarios de l'INRA, il faudrait un "panachage" de divers modes de
production pour y parvenir, dont environ 13 % des surfaces en
agriculture biologique (sans aucun produit chimique).
Pratiques économes
Une
grande partie des autres exploitations devrait passer à la "production
intégrée", qui repose sur la prévention des maladies et des ravageurs,
grâce à l'allongement et la diversification des rotations (au lieu de
cultiver une ou deux céréales sur la même parcelle), l'utilisation de
variétés résistantes, et l'emploi des pesticides seulement en dernier
recours. L'impact sur la production serait plus sensible : - 12 %. "Il
faudrait alors imaginer des mécanismes de compensation pour les
agriculteurs, soit par des subventions, soit par une taxe sur les
produits phytosanitaires qui serait redistribuée aux plus vertueux",
affirme Florence Jacquet de l'INRA.
Toutes les productions ne
pourront atteindre l'objectif. Certaines, comme les fruits, les
légumes, et la vigne, sont très dépendantes des produits chimiques. Le
colza est également un gros consommateur, ce qui pose un problème de
compatibilité avec la production d'agrocarburants à partir de cette
plante, relève l'INRA. Ce travail de simulation est un "exercice
d'école", affirme l'INRA. Les freins au changement sont en effet
nombreux, au point que certains acteurs de la filière jugent l'objectif
de - 50 % en dix ans inatteignable.
Comment diffuser les
pratiques économes auprès des agriculteurs et garantir le maintien de
leurs revenus ? Quels débouchés pour les nouvelles productions en cas
de diversification des rotations ? Comment convaincre les entreprises
de l'aval des filières d'adapter leurs exigences ?
"Les jeunes
générations sont demandeuses, mais elles veulent voir l'efficacité des
alternatives aux pesticides pour y croire", affirme Philippe Mangin, de
la Fédération des coopératives agricoles. Un millier de fermes de
démonstration de techniques alternatives aux pesticides devraient être
prochainement implantées en France.
Février 2010
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