Contre la pollution, il est urgent d'agir
Par Isabella Annesi-Maesano (Directrice de recherche à l’Inserm )
Depuis
quelques jours, la France est touchée par une vague anticyclonique et
un épisode de pollution atmosphérique. L'existence d'un lien entre la
présence d'un anticyclone et les pics de pollution fait désormais
partie du domaine des connaissances communes : l'absence de vent et de
pluie en cas de conditions anticycloniques ne permet pas la dispersion
des polluants atmosphériques.
De
ce fait, dans plusieurs villes françaises les niveaux des principaux
polluants de l'air dépassent de façon importante ceux préconisés par
l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Un nombre croissant de
preuves scientifiques suggère que la pollution de l'air est plus nocive
qu'on ne le pensait auparavant. Elle est à l'origine non seulement d'un
excès de morbidité et mortalité cardiopulmonaires mais aussi
métaboliques, vasculaires et neurologiques. En 2013, le Centre
international de recherche sur le cancer a classé la pollution
atmosphérique parmi les cancérigènes avérés.
Des études récentes suggèrent que l'exposition au début de la vie peut
affecter de manière significative la santé dans la vie adulte, et que
l'effet de la pollution atmosphérique sur la grossesse peut être
comparable à celui du tabagisme passif. La pollution de l'air réduit
l'espérance de vie de chaque citoyen européen de huit mois et demi en
moyenne.
DES PICS PLUS FRÉQUENTS
Les données de l'Agence environnementale européenne indiquent une
tendance à la diminution des émissions en tonnes des particules en
suspension pour la période 1990- 2012 en Europe et, plus
particulièrement, en France. Cependant, il s'agit d'émissions qui sont
calculées à partir des sources prévues, ce qui peut conduire à leur
sous-estimation.
Aucune tendance à la diminution n'est observée lorsqu'on considère les
concentrations mesurées en microgramme par mètre cube d'air de façon
objective à l'aide des stations de surveillance de la qualité de l'air
ou de modèles plus sophistiqués permettant de mesurer la pollution de
proximité, au trafic véhiculaire par exemple.
La tendance à long terme, en l'absence d'adoption de mesures de
réduction des émissions, est à une augmentation de la fréquence des
pics de pollution atmosphérique en raison, entre autres, des
changements climatiques.
Il faut donc adopter de façon urgente des mesures pour réduire les
émissions liées aux transports. Elles doivent porter sur la mise en
place et surtout le respect des normes « Euro » ainsi que sur le
renouvellement du parc automobile, dont celui des transports publics,
en faveur de véhicules moins polluants.
Avec certains collègues de la Société européenne respiratoire nous
recommandons une mesure de type économique : l'adoption d'une taxe
automobile progressive en fonction de la puissance, du volume et du
type de véhicule, afin de tenir compte du potentiel d'émission et de
congestion du véhicule. En fonction de leur topographie, les villes
doivent prendre des mesures adaptées.
La fermeture des centres urbains à la circulation automobile convient
aux villes comme Paris, denses, dont les rues sont étroites. Mais les
citoyens doivent pour cela prendre conscience de l'utilité de ces
mesures, notamment reconnaître l'intérêt d'utiliser les moyens de
transports publics ou alternatifs (vélo…), des comportements qui
doivent être encouragés par des choix politiques.
Malheureusement, ces mesures ont rarement été adoptées en France. Or
bien que les exemples ne soient pas nombreux, les expériences tentées
par Milan et Stockholm montrent qu'une réduction significative de la
pollution a été obtenue en diminuant la circulation automobile de façon
coercitive.
Une réduction de la pollution atmosphérique est essentielle non
seulement pour la santé des êtres humains, des animaux et de la
végétation mais aussi pour limiter l'effet des gaz de serre responsable
des changements climatiques et des effets associés.
1er Mai 2013
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