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Surtout ne Rien Comprendre ?
Par Gilles Marchand
L’absence de réponse de la part des forces de gauche serait une terrible méprise…
L’heure
est grave. On ne résout pas une crise sans en changer de façon profonde
les fondamentaux. Or beaucoup d’analystes notent la volonté de
stabilité qui s’exprime. Si elle est nécessaire, et même souhaitable,
elle ne doit pas oblitérer la nécessité de rénover dans sa totalité la
structure politique sous-jacente du pays. Si l’électrochoc politique
d’hier ne servait à rien, ce serait grave. Il faut absolument répondre
point par point, que change l’attitude et les pratiques des hommes
politiques, organiser autrement la conduite des partis politiques, les
modalités de l’action publique.
Les jours et les semaines qui viennent auront une importance
fondamentale. Il faut que les hommes politiques fassent enfin de la
politique, dans le sens originel du terme. Il faut répondre aux
problématiques qui s’expriment, les promesses paraissant être
insuffisamment respectées, malgré la relative complétude des programmes
électoraux établis lors du scrutin présidentiel. Les réflexes et les
querelles politiciennes écœurent les téléspectateurs et les français
sont vent-debout contre la manière dont intervient la vie politique
dans l’organisation du pays. La professionnalisation politique, en
dépit du fait qu’elle renforce les compétences des élus, éloigne les
citoyens des enjeux qui passionnent les politiques, et donc elle
établit une coupure, un fossé, un quasi-gouffre entre eux et les
« vrais gens ».
Outre le fait que ce jusqu’au boutisme, cette surenchère politique
aboutit à une escalade dans le sens du pire, la surdité se maintient :
elle vient accentuer le tendances en cours. Ce midi, l’UMP montrait
qu’elle n’avait pas bien compris le message qui lui était adressé en
confondant la nature du rejet, ne comprenant pas que le divorce est
plus profond, qu’il concerne la pratique politique elle même, parlant
de refondation, mais sur des bases quasi-identiques, pour l’instant.
Côté PS : il y a le feu dans la maison mais déjà des voix s’élèvent
pour appeler à une forme de dissidence, une refonte des partis de
gauche. Cela va dans le bon sens, mais cette orientation, interne au
parti ne fait pas encore la part à un renouvellement effectif, même
partiel, des instances, des pratiques et des structures en direction de
la société dans son ensemble. Incapables de sortir de la logique qui
s’est installée, les élites politiques approfondissent la crise. Elles
la structure et elles consolident involontairement le pas qui vent
d’être franchi en l’avalisant d’une certaine façon par leur absence de
réaction. A l’heure où je rédige cette tribune, le président de la
république s’apprête à parler au pays. Souhaitons qu’il ait pris la
mesure des enjeux qui se jouent et qu’il délivre une parole forte, à la
hauteur de la situation.
Je me suis déjà exprimé quant aux solutions que nous devons opposer au
front national. Elles ne sont pas dans la dérobade. Elles sont, au
contraire, dans le courage et l’abnégation, la prise en compte
véritable des soucis que rencontrent les français. Nous sommes bien
entendu, censés résoudre les problématiques économiques et
financières, mais cela ne peu se faire au détriment d’un peuple fait de
millions d’individualités auquel il faut apporter des réponses
individuelles, avant même d’envisager des solutions collectives,
englobantes mais lointaines. L’agenda est pour l’instant celui du FN,
dans la mesure où celui-ci impose ses thématiques.
Mais traiter des problèmes réels qui se posent transformera les thèmes
d’actualité, dans le sens d’une résolution vertueuse de ceux-ci.
Même si une réponse au sentiment qui domine sur l’immigration doit être
résolu par une véritable politique migratoire au plan français et
européen, visible est sans équivoque. La France doit bénéficier du
meilleur des apports extérieurs, c’est une des conditions essentielles
de son évolution vers un horizon plus prospère. Mais il faut que la
politique se préoccupe aussi du sentiment et de l’état d’esprit qui
prédomine, en lui donnant des raisons de se réjouir de l’action qui est
conduite. A savoir favoriser les parcours personnels dans le sens de la
facilitation de ceux-ci. Beaucoup reste à faire dans ce domaine.
Mais évoquer un déficit de pédagogie est une erreur profonde. Les
français sont bien informés. Ils ne sont pas naïfs, et encore moins des
enfants qu’il faudrait instruire du haut de nos savantes hauteurs
intellectuelles. Ils savent qu’elle est la situation. Il ne faut pas
leur mentir. Ce devoir de transparence et de vérité est un de nos
premiers devoirs. Il s’agit que les associer aux processus
décisionnels, de faire évoluer leur point de vue sur la politique, en
leur présentant, dans la mesure du possible, le dos des cartes. Nous
avons affaire à des adultes, éduqués et informés, pas à une population
hypnotisée ou décérébrée. Elle mérite le meilleur. Le meilleur d’une
action publique irréprochable et, même exemplaire. Les hommes
politiques nous ont trop souvent habitués à des comportements hors
normes, à la limite de la déviance et de l’irrespect patent des règles.
La classe politique s’illustre par les affaires qu’inlassablement, elle
produit. Les luttes politiciennes ont aussi et directement abouti à
cela. Ce sont principalement les électeurs de gauche qui ne s’y
retrouvent pas, même si ceux de droite sont également échaudés par les
scandales effarants qui ont émaillé l’actualité.
Il s’agit que les politiques se régentent, où ils seront collectivement
balayés. Chaque parti doit en effet faire le ménage symbolique dans son
camps et au delà. Les brebis galeuses doivent être découragées
d’exercer des fonctions électives dans la mesure où elles remettent
dangereusement en cause les équilibres généraux.
Il faut qu’une éthique nouvelle se fasse jour, ou ce sera le chaos. Or,
c’est absolument inadmissible. Dès lors il faudra faire évoluer toutes
les pratiques politiques afin de ne pas entériner le séisme qui vient
de se produire, comme si c’était un événement normal de notre vie
démocratique. Les partis doivent changer. Et ce n’est pas seulement une
question européenne. C’est un problème national. Il doit être traité
comme tel. Comme une question centrale. Impossible à éluder. Une
stricte nécessité. Le désamour est cruel, mais il est logique et
légitime. Dès lors, le moins que puisse faire la classe politique :
c’est un Mea Culpa. Se remettre en cause publiquement pour prendre un
nouveau départ. La nature xénophobe du FN n’est pas le principal sujet
même si il est grave. Le principal sujet, c’est la moralisation de la
vie publique et la prise en compte des besoins réels du pays. Il faut
redonner ses lettres de noblesse à la politique, mais pour cela elle va
devoir faire preuve d’une immense humilité…
26 Mai 2014
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