Juin
2014

L'actualité du Mois

Petit précis de résurgence politique (à l’intention des sourds et des mal-entendants)
Par
Gilles Marchand




Si la réponse des partis devait en rester là, alors le FN aurait des raisons légitimes de se frotter les mains. Changer les choses est devenu indispensable. Urgentissime.


M le P, le dit elle même, si l’UMP et le PS étaient bons, nous n’en serions pas là. Tout l’enjeu consiste par conséquent à rendre et l’UMP et le PS meilleurs qu’ils ne l’on été jusqu’à présent. On se querelle sur les idées, mais ce sont des actes dont il est en réalité question. En amour, il n’y a que des preuves d’amour. C’est un peu la même chose avec le désamour, je dirais même l’effarement, ce soir, après les révélations sur les comptes de campagne de l’UMP. Mettons cela sur la folie des grandeurs d’un homme qui s’est dit qu’après son élection plus rien de ceci n’aurait d’importance. Ce qui est grave est que l’on ait dupé des électeurs et des militants qui se sont dévoués pour rembourser des dettes qu’on leur présentaient comme légitimes. Admettons que la machine se soit emballée. Le parti avait peut être mal interprété la victoire aux municipales. Les conséquences sont en tout cas désastreuses pour l’image des politiques dans leur ensemble. Le parti socialiste a lui même accumulé un certain nombre de dérives et chacun doit balayer devant sa porte.


Quelque chose de l'élément de confiance des français vis-à-vis de leurs dirigeants a été rompu.

Or il n’est plus l’Heure de faire de la politique politicienne. L’heure est à la recherche de la rédemption et celle-ci n’interviendra que si un long processus de refondaison est mis en place. La première chose, la plus difficile, pour nos classes politiques si revendicatives d’elles mêmes, c’est l’humilité. Une extrême humilité qui suppose un Mea Culpa publique et général. Nous nous sommes fourvoyés. Certes nous avons accompli beaucoup de choses, et pris individuellement, nous pouvons être des gens formidables, mais collectivement nous avons gravement dysfonctionné. Sur l’Europe d’une part et sur la situation française d’autre part. Nous nous sommes engagés sur des chemins qui ont été mauvais pour les français et dont ils ont pu terriblement souffrir. Les quatre années que nous avons perdues pour résoudre la crise de l’euro, ont été comme l’a affirmé à raison le président de la république, la cause de souffrances sociales gigantesques qui ont directement alimenté le ressentiment, la déception, la colère, le sentiment d’abandon face à la crise et la sensation que la politique était impuissante face à la crise. Beaucoup d’éléments négatifs se sont ligués, et ils ont accentué le phénomène. Mais ce n’était heureusement pas vrai. Il est possible d’agir. Il était possible de résoudre la crise de l’euro. Il suffisait de s’en donner les moyens.


Le Pays a besoin d'une vraie résurgence politique

Ce que la politique veut, elle le peut. Elle ne le doit pas toujours, mais elle en a les capacités. Le FN bâtit ses diatribes sur des amalgames, associant entre elles des notions voisines pour en faire évoluer le sens dans la direction voulue, parfaitement exagérée, mais à laquelle on ne parvient que par étapes. La dédiabolisation du FN n’intervient qu’après un long processus de mithridatisation de la vie politique française. Le poison intellectuel a lentement été infusé dans tous les tissus de la société afin de l’auto-immuniser. Aujourd’hui elle est « stone », pour une part d’elle même, et elle ne voit plus le danger ; pire elle y adhère. Sans mémoire et sans connaissance précise de la profondeur historie du continent qui protège au passage le plus anciens d’entre nous, elle en vient à écouter des discours pour lesquels elle a lentement été insensibilisée. Réponses faciles, simplistes, parfois monstrueuses, à des questions que les autres partis ne posent pas en ces termes. La raison de cette attitude serait à en croire les politiques, le je-men-foutisme généralisé et l’absention,  c’est faux. Il faut chercher les raisons réelles du malaise…


L'Erreur est de penser que le FN ferait mieux... Tout laisse à penser que ses idées mises en pratique serait catastrophiques.


L’abstention est la réaction de défiance du citoyen excédé par l’incurie des gouvernants. Tant que l’on refusera de répondre à ces gens là, la crise politique s’aggravera.

Le FN dit qu’il ne croit pas en notre Europe. Il dit qu’il joue le jeu de la démocratie sans en être dupe. En réalité il avance masqué. Dans la bouche de Bruno Goldnisch ce soir sur France 3, un « soyez démocrates » équivalait clairement à un « taisez vous »… On joue de la politesse et de la sollicitude ambiante pour préparer la politique du pire qui est le penchant « naturel » de tous les extrêmistes. L’histoire, qu’on la contourne ou que l’on cherche à la camoufler, finit toujours par rattraper ceux qui en ont oublié les leçons.

Pourtant, si on doit continuer à diaboliser le FN — qui d’ailleurs n’a pas besoin de notre aide pour cela, confero les récents délires d’un Jean Marie le P, pathétiques, inadmissibles, sur monseigneur Ebola, censé trucider des africains ce qui s’est malheureusement produit — il ne faut pas pour autant diaboliser les électeurs du FN. Il faut les extirper de cette machine infernale qu’est l’emprise frontiste. Ils sont en effet fondés à réagir comme ils le font devant le spectacle que donnent les partis traditionnels. Pendant des mois, nous avons eu droit à des querelles d’égo et des combats de coqs. Patrick Devedjian le soulignait ce soir : le système des écuries présidentielles obsède à ce point tout le monde que les réactions se font en dépit du bon sens, et que loin de servir l’intérêt général, on sert l’intérêt de son camp, sinon le sien propre assorti d’ambitions personnelles, comme dans l’affaire Cahuzac, qui a tellement heurté la conscience du pays.


On ne peut imputer une faute collective à un
seul homme

Mais on ne peut pointer une responsabilité individuelle dans un problème qui est collectif. Certains sont admirables. C’est le cas de Jospin, de Badinter, par exemple, de Mamère, de Cohn Bendit, ou de Juppé et de Barnier dans l’autre camp. Mais les affaires qui se sont succédées ont gravement entaché la réputation des autres politiques dans leur quasi-totalité. Or le vote s’il a été principalement européens pour tous les partis a été prioritairement national pour le FN. Les thématiques qui dominent sont celles là.

L’Europe est un prétexte commode pour assoir une plus grande audience. Elle a longtemps été un bouc émissaire, elle devient un tremplin…


L'Europe s'inquiète de la situation de la France

Vote protestaire ou d’adhésion ? Plutôt protestataire mais l’anomie des politiques sur ces sujets transformerait la nature de ce choix. C’est en réalité un appel au secours. Les électeurs demandent — poliment — démocratiquement — calmement — que les choses changent enfin vraiment. Le parti socialiste a été élu sur cette promesse et, pour certains, c’est un sentiment inverse qui s’est imposé, les choses auraient empirées. C’est un résultat insufflé par des politiques menées pendant trente ans mais le responsable semble désigné, puisque il exerce le pouvoir. C’est en réalité plus complexe. François Hollande a réussi le tour de force d’enrayer la crise de l’euro par une recommandation constante de croissance en Europe et pour avoir pesé de tout son poids politique sur les décisions de la BCE dès son arrivée à l’Elysée.


Les politiques ne sont pas désarmés face à l'adversité. En réalité, ce que le politique veut, il le peut...

Il faut lui faire crédit de son courage et de son ardeur à résoudre les difficultés dantesques du pays. Il ne s’est pas défossé. Il agit, malgré des contraintes importantes. Pourtant, ici comme ailleurs, c’est la voix de la raison qui doit s’imposer. Il faut faire un geste géant, symbolique, qui ne sera pas dispendieux mais qui aura des conséquences bénéfiques immenses. Refonder notre vie politique. Nous sommes arrivés à un stade où il faut faire une mise à jour de la vie publique 5.0 devenu par trop indispensable. Nous devons réviser nos pratiques. Nous donnons pour l’instant de nous mêmes une image internationale désastreuse. Madame Merkel, serait bien inspirée, et nous pensons qu’elle l’est, de tendre la main à la France en gardant à l’esprit les épisodes de la crise de l’euro qui ont été une telle épreuve pour le continent. Mais tant que les partis politiques ne feront pas cet exercice salutaire d’introspection la crise politique empirera, jusqu’à consacrer à terme M le P. C’est sa stratégie. Elle parie sur le pourrissement qui fait le lit de ses victoires et il nous faut la faire mentir, assumer le rôle premier du politique, à savoir traiter des questions de la cité, rendre les coups un à un, sur chacun des sujets qui achoppent. Résoudre toutes les problématiques qui se posent.


Il s'agit que le lien avec les hommes politiques soit restauré mais sur des bases nouvelles, rénovées.

La baguette magique existe, elle est dans la compréhension des réalités et des enjeux de ce qui vient de se produire. S’ils répondent, s’ils facilitent effectivement la vie des citoyens français et européens, ils seront à nouveau légitimes. cela nous importerait.  Dans le cas contraire ils seraient balayés, et ce serait légitime.

Souhaitons que ce deuxième cas, la politique du pire, la surdité prolongée, ne se produise jamais… J’ai entendu avec soulagement Jean-Marie Cambadelis dire qu’il fallait tout changer. Je souhaite que le message ait alors été entendu et qu’il conduise à la nécessaire refonte de la vie politique française que nous appelons de nos vœux.

27 Mai 2014

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