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Petit précis de résurgence politique (à l’intention des sourds et des mal-entendants)
Par Gilles Marchand
Si la réponse des
partis devait en rester là, alors le FN aurait des raisons légitimes de
se frotter les mains. Changer les choses est devenu indispensable.
Urgentissime.
M
le P, le dit elle même, si l’UMP et le PS étaient bons, nous n’en
serions pas là. Tout l’enjeu consiste par conséquent à rendre et l’UMP
et le PS meilleurs qu’ils ne l’on été jusqu’à présent. On se querelle
sur les idées, mais ce sont des actes dont il est en réalité question.
En amour, il n’y a que des preuves d’amour. C’est un peu la même chose
avec le désamour, je dirais même l’effarement, ce soir, après les
révélations sur les comptes de campagne de l’UMP. Mettons cela sur la
folie des grandeurs d’un homme qui s’est dit qu’après son élection plus
rien de ceci n’aurait d’importance. Ce qui est grave est que l’on ait
dupé des électeurs et des militants qui se sont dévoués pour rembourser
des dettes qu’on leur présentaient comme légitimes. Admettons que la
machine se soit emballée. Le parti avait peut être mal interprété la
victoire aux municipales. Les conséquences sont en tout cas
désastreuses pour l’image des politiques dans leur ensemble. Le parti
socialiste a lui même accumulé un certain nombre de dérives et chacun
doit balayer devant sa porte.
Quelque chose de l'élément de confiance des français vis-à-vis de leurs dirigeants a été rompu.
Or il n’est plus l’Heure de faire de la politique politicienne. L’heure
est à la recherche de la rédemption et celle-ci n’interviendra que si
un long processus de refondaison est mis en place. La première chose,
la plus difficile, pour nos classes politiques si revendicatives
d’elles mêmes, c’est l’humilité. Une extrême humilité qui suppose un
Mea Culpa publique et général. Nous nous sommes fourvoyés. Certes nous
avons accompli beaucoup de choses, et pris individuellement, nous
pouvons être des gens formidables, mais collectivement nous avons
gravement dysfonctionné. Sur l’Europe d’une part et sur la situation
française d’autre part. Nous nous sommes engagés sur des chemins qui
ont été mauvais pour les français et dont ils ont pu terriblement
souffrir. Les quatre années que nous avons perdues pour résoudre la
crise de l’euro, ont été comme l’a affirmé à raison le président de la
république, la cause de souffrances sociales gigantesques qui ont
directement alimenté le ressentiment, la déception, la colère, le
sentiment d’abandon face à la crise et la sensation que la politique
était impuissante face à la crise. Beaucoup d’éléments négatifs se sont
ligués, et ils ont accentué le phénomène. Mais ce n’était heureusement
pas vrai. Il est possible d’agir. Il était possible de résoudre la
crise de l’euro. Il suffisait de s’en donner les moyens.
Le Pays a besoin d'une vraie résurgence politique
Ce que la politique veut, elle le peut. Elle ne le doit pas toujours,
mais elle en a les capacités. Le FN bâtit ses diatribes sur des
amalgames, associant entre elles des notions voisines pour en faire
évoluer le sens dans la direction voulue, parfaitement exagérée, mais à
laquelle on ne parvient que par étapes. La dédiabolisation du FN
n’intervient qu’après un long processus de mithridatisation de la vie
politique française. Le poison intellectuel a lentement été infusé dans
tous les tissus de la société afin de l’auto-immuniser. Aujourd’hui
elle est « stone », pour une part d’elle même, et elle ne
voit plus le danger ; pire elle y adhère. Sans mémoire et sans
connaissance précise de la profondeur historie du continent qui protège
au passage le plus anciens d’entre nous, elle en vient à écouter des
discours pour lesquels elle a lentement été insensibilisée. Réponses
faciles, simplistes, parfois monstrueuses, à des questions que les
autres partis ne posent pas en ces termes. La raison de cette attitude
serait à en croire les politiques, le je-men-foutisme généralisé et
l’absention, c’est faux. Il faut chercher les raisons réelles du
malaise…
L'Erreur est de penser que le FN ferait mieux... Tout laisse à penser que ses idées mises en pratique serait catastrophiques.
L’abstention est la réaction de défiance du citoyen excédé par
l’incurie des gouvernants. Tant que l’on refusera de répondre à ces
gens là, la crise politique s’aggravera.
Le FN dit qu’il ne croit pas en notre Europe. Il dit qu’il joue le jeu
de la démocratie sans en être dupe. En réalité il avance masqué. Dans
la bouche de Bruno Goldnisch ce soir sur France 3, un « soyez
démocrates » équivalait clairement à un « taisez vous »…
On joue de la politesse et de la sollicitude ambiante pour préparer la
politique du pire qui est le penchant « naturel » de tous les
extrêmistes. L’histoire, qu’on la contourne ou que l’on cherche à la
camoufler, finit toujours par rattraper ceux qui en ont oublié les
leçons.
Pourtant, si on doit continuer à diaboliser le FN — qui d’ailleurs n’a
pas besoin de notre aide pour cela, confero les récents délires d’un
Jean Marie le P, pathétiques, inadmissibles, sur monseigneur Ebola,
censé trucider des africains ce qui s’est malheureusement produit — il
ne faut pas pour autant diaboliser les électeurs du FN. Il faut les
extirper de cette machine infernale qu’est l’emprise frontiste. Ils
sont en effet fondés à réagir comme ils le font devant le spectacle que
donnent les partis traditionnels. Pendant des mois, nous avons eu droit
à des querelles d’égo et des combats de coqs. Patrick Devedjian le
soulignait ce soir : le système des écuries présidentielles obsède à ce
point tout le monde que les réactions se font en dépit du bon sens, et
que loin de servir l’intérêt général, on sert l’intérêt de son camp,
sinon le sien propre assorti d’ambitions personnelles, comme dans
l’affaire Cahuzac, qui a tellement heurté la conscience du pays.
On ne peut imputer une faute collective à un seul homme
Mais on ne peut pointer une responsabilité individuelle dans un
problème qui est collectif. Certains sont admirables. C’est le cas de
Jospin, de Badinter, par exemple, de Mamère, de Cohn Bendit, ou de
Juppé et de Barnier dans l’autre camp. Mais les affaires qui se sont
succédées ont gravement entaché la réputation des autres politiques
dans leur quasi-totalité. Or le vote s’il a été principalement
européens pour tous les partis a été prioritairement national pour le
FN. Les thématiques qui dominent sont celles là.
L’Europe est un prétexte commode pour assoir une plus grande audience.
Elle a longtemps été un bouc émissaire, elle devient un tremplin…
L'Europe s'inquiète de la situation de la France
Vote protestaire ou d’adhésion ? Plutôt protestataire mais l’anomie des
politiques sur ces sujets transformerait la nature de ce choix. C’est
en réalité un appel au secours. Les électeurs demandent — poliment —
démocratiquement — calmement — que les choses changent enfin vraiment.
Le parti socialiste a été élu sur cette promesse et, pour certains,
c’est un sentiment inverse qui s’est imposé, les choses auraient
empirées. C’est un résultat insufflé par des politiques menées pendant
trente ans mais le responsable semble désigné, puisque il exerce le
pouvoir. C’est en réalité plus complexe. François Hollande a réussi le
tour de force d’enrayer la crise de l’euro par une recommandation
constante de croissance en Europe et pour avoir pesé de tout son poids
politique sur les décisions de la BCE dès son arrivée à l’Elysée.
Les politiques ne sont pas désarmés face à l'adversité. En réalité, ce que le politique veut, il le peut...
Il faut lui faire crédit de son courage et de son ardeur à résoudre les
difficultés dantesques du pays. Il ne s’est pas défossé. Il agit,
malgré des contraintes importantes. Pourtant, ici comme ailleurs, c’est
la voix de la raison qui doit s’imposer. Il faut faire un geste géant,
symbolique, qui ne sera pas dispendieux mais qui aura des conséquences
bénéfiques immenses. Refonder notre vie politique. Nous sommes arrivés
à un stade où il faut faire une mise à jour de la vie publique 5.0
devenu par trop indispensable. Nous devons réviser nos pratiques. Nous
donnons pour l’instant de nous mêmes une image internationale
désastreuse. Madame Merkel, serait bien inspirée, et nous pensons
qu’elle l’est, de tendre la main à la France en gardant à l’esprit les
épisodes de la crise de l’euro qui ont été une telle épreuve pour le
continent. Mais tant que les partis politiques ne feront pas cet
exercice salutaire d’introspection la crise politique empirera, jusqu’à
consacrer à terme M le P. C’est sa stratégie. Elle parie sur le
pourrissement qui fait le lit de ses victoires et il nous faut la faire
mentir, assumer le rôle premier du politique, à savoir traiter des
questions de la cité, rendre les coups un à un, sur chacun des sujets
qui achoppent. Résoudre toutes les problématiques qui se posent.
Il s'agit que le lien avec les hommes politiques soit restauré mais sur des bases nouvelles, rénovées.
La baguette magique existe, elle est dans la compréhension des réalités
et des enjeux de ce qui vient de se produire. S’ils répondent, s’ils
facilitent effectivement la vie des citoyens français et européens, ils
seront à nouveau légitimes. cela nous importerait. Dans le cas
contraire ils seraient balayés, et ce serait légitime.
Souhaitons que ce deuxième cas, la politique du pire, la surdité
prolongée, ne se produise jamais… J’ai entendu avec soulagement
Jean-Marie Cambadelis dire qu’il fallait tout changer. Je souhaite que
le message ait alors été entendu et qu’il conduise à la nécessaire
refonte de la vie politique française que nous appelons de nos vœux.
27 Mai 2014
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