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Un Jeu Dangereux
Par Gilles Marchand
Rien
ne peut à se point résumer l’importance d’une lecture clairvoyante de
la situation européenne actuelle. Les européens ne doivent pas se
tromper sur l’interprétation qu’ils en feront et les réponses qu’ils
lui apporteront.
Il
est fondamental que les européens aient une attitude qui ne provoque
pas de drame ou qui puisse renforcer ceux qui souhaitent l’échec de
l’Europe. Berlin ainsi que certains européens à l’heure présente se
trompent lourdement en considérant que le derniers ponts avec la Grèce
sont rompus. Jamais l’Europe n’a été aussi présente et attendue dans
les esprits grecs. Le Non de la Grèce, ce n’est pas un Non à l’Europe
ou à l’euro. C’est en réalité un oui à l’Europe. C’est un Non à
l’austérité et à la politique qui a été menée depuis 2008. Celle-ci n’a
fait qu’engendrer des catastrophes. Au delà du nécessaire respect de la
démocratie et de la bonne nouvelle que représente en réalité ce vote.
Les allemands font preuve d’un leadership désastreux. S’il faut rendre
hommage à leur pragmatisme, qui a pu contribuer à assainir des
situations délicates, il faut parallèlement dénoncer une gestion pour
le moins hasardeuse qui a déjà abouti à créer des problèmes géants. On
se souvient de Deauville 2010, quand Merkel et Sarkozy ont pris des
décisions lourdes de conséquences pour l’euro. Il a fallu quatre ans
pour voir la décision de prêter aux états en dernier ressort adoptée
par la BCE, pour que la crise spéculative s’interrompe du jour au
lendemain. Entre temps les taux d’intérêts étaient montés dans toute la
quasi totalité de la zone euro, creusant le déficits d’états déjà
fragilisés. Cette fatalité a été renversée. Et il faut rendre hommage
là également à la France pour une vision qu’elle a en grande partie
inspirée à la BCE.
L’urgence est là. Les bonnes décisions doivent être prises. Ne pas
renforcer les forces centrifuges en Europe, renforcer la cohésion
européenne, ne pas faire d’erreur d’interprétation. On ne peut assécher
la circulation sanguine du continent, à savoir les transferts d’argent,
sans provoquer des conséquences désastreuses. Il s’agit que les grecs
paient leurs dettes dans le long terme, mais il faut pour cela différer
les échéances de remboursement et capitaliser à long terme sur les
intérêts. Un paiement ramené à des dates ultérieures a le mérite, comme
l’affirme Dominique Strauss-Kahn, de ménager l’avenir. L’intransigeance
qu’elle soit allemande ou grecque n’est pas la solution. Comme le dit
Tsipras lui-même il existe des solutions justes et viables. Mais il
faut que l’Europe ait la capacité à faire preuve d’une intelligence
politique salvatrice. Sagesse, Solidarité, Solidité, Force. L’Europe ne
doit pas transformer cette réponse en psychodrame et avoir la dimension
morale suffisante pour amener les solutions qui doivent émerger. Ce qui
apparait, c’est que actuellement l’Europe tient son destin en main.
Soit elle rejette la Grèce et les désidératas exprimés par son peuple,
et c’est la catastrophe, la sortie de l’Euro, le retour à la Drachme,
la dévaluation, le marasme à court terme, et la récupération par toutes
les forces opportunistes qui attendent que de telles décisions
interviennent. Soit l’Europe prend les bonnes décisions. Elle tend la
main à la Grèce. Elle diffère ses remboursements, elle évite la
déstabilisation de la zone euro qu’elle prémunit contre un danger
mortel. Il faut tenir bon. L’Europe doit montrer au monde qu’elle a les
reins plus solides. C’est l’intérêt des français et surtout des
allemands. Arrêter la propagation du feu dans la copropriété. Sauver
l’ensemble de l’édifice en traitant sérieusement le départ d’incendie.
C’est l’intérêt des grecs et des états qui sont en cours de
restructuration. Il faut des règles, mais des règles qui fonctionnent
et ne provoquent pas un approfondissement de la crise. Il faut que la
France joue un rôle de médiateur. Elle a cette possibilité. Elle doit
le remplir dans l’intérêt de tous.
Il faut donc un accord et il faut une volonté, une vision et des
valeurs. L’espoir qui s’exprime ne doit pas être douché, car le retour
de balancier politique pourrait être terrible. Quand une solution s’est
montrée insuffisante, il faut changer de solution. La prise en compte
humaine et juste des grecs est une nécessité pour toute l’Europe. Nous
nous en sortiront unis, ou nous ne nous en sortiront pas. Mais la
noyade est bel et bien interdite. La dignité retrouvée des grecs, c’est
la dignité retrouvée de tous les européens. L’Europe des peuples
restaurées et une opportunité pour l’Europe de redorer son blason aux
yeux des citoyens. Nous avons les moyens économiques et les solutions
politiques qui doivent nous sortir de cette ornière. Une modernisation
économique est également essentielle dans tous les pays, et en
particulier pour la Grèce, où une politique innovante doit être
imaginée pour restructurer l’activité et décupler sa productivité. La
Grèce est un grand pays. Elle est directement à l’origine des bases de
l’Europe. L’Europe ne peut imaginer faire sans elle en l’occurence, car
elle est aux sources de l’âme du continent. Nous devons un grand
respect aux grecs qui nous indiquent la voie, comme toujours. Chaque
renaissance européenne s’est faite grâce à un retour aux valeurs
grecques et romaines. C’est à nouveau le cas aujourd’hui, d'une
certaine façon. Donnons leur chance aux grecs, car c’est à nous-mêmes
en réalité que nous ménageront un avenir meilleur. Nous avons cette
énergie. Il nous faut retourner cette situation dangereuse et que le
jeu allemand ne fait qu’envenimer par une intransigeance et une fermeté
exagérément rigide, une vision excluante qui doit nécessairement
être réfutée, pour établir les fondements d’un véritable Renouveau
européen…
Addendum du 7 juillet 2015 : Devant l'urgence de la situation qui voit de grandes parts de la
population grecque se trouver en apnée financière, dans l'impossibilité
absolue de pouvoir assurer des besoins essentiels, de payer des loyer
ou d'aider des enfants à l'étranger, tant la multiplicité des
situations délicates est grande, il ne faudrait pas qu'une nouvelle
intransigeance redevienne la norme à Bruxelles. On ne peut rester dans
le dialogue de sourds, l'absence de clairvoyance ou les solutions à
court terme, même s'il faut une réponse rapide. Il s'agit absolument
que les grecs acceptent des normes et des règles et fassent des
propositions concrètes en matière de fiscalité, de restructuration de
l'économie, de cadastre, de douanes et les européens peuvent y
contribuer. Il s'agit que la Grèce se dote enfin d'un état moderne et
efficace, qu'elle en fasse le choix en tout cas et commence à s'atteler
à cette tâche. La Grèce a adressé un message très clair à l'Europe, un
message profondément démocratique, et elle s'est mise en ordre de
marche pour mettre en œuvre les solutions qui seront adoptées. Il
faudrait qu'une divine inspiration guide nos dirigeants, pour déméler
le nœud gordien auquel ils sont confrontés. Une désinvolture face à
cette situation serait incompréhensible. C'est la responsabilité de
chacun qui doit s'exprimer. Ce n'est qu'à ce prix que les remèdes
d'urgence que nous connaissons pourront être appliqués et qu'une
stratégie de long terme mise en place.
Dimanche 12 juillet 2015 : Le temps qui passe a son génie propre,
puisque les mentalités évoluent, les bouches s'ouvrent pour exprimer
leur ressenti et certains documents, qui retracent l'histoire de cette
crise et des manières dont nous en sommes arrivés là, apparaissent.
Nous avons vu le vote grec, le revirement du gouvernement Tsipras, le
choix positif du parlement à 80%, et l'intransigeance de certains états
du nord qui se manifeste, et un ultimatum lancé. Le Jeu actuel
orchestré par l'Allemagne est véritablement dangereux pour la cohésion
européenne. Il alimente le sentiment de révolte, de dégoût, de
déception, voire de colère propice à faire le lit des pires réactions,
et d'ouvrir la voie aux populismes les plus abjects. Elle fait dire à
Yannick Jadot que nous sommes entrés dans une forme d'irresponsabilité.
Ce qui est sûr est que le leadership européen n'a pas mandat à écraser
un peuple, une nation, un pays. Il encourt, s'il persévère à faire ce
qu'il semble avoir l'intention de faire, une grâve responsabilité dans
la mesure où Wolfgang Schäuble et Angela Merkel semblent préfèrer
menacer la cohésion européenne plutôt que de dire la vérité sur la
dette grecque au peuple allemand. Cette séquence est éminemment nocive,
malgré l'exemple démocratique grec. Il est temps que les comptables qui
encombrent les couloirs de Bruxelles s'effacent pour faire place à de
vrais politiques. Nous avons besoin de véritables leaders à la tête de
l'Europe,
capables de protéger l'ensemble des citoyens européens, et d'imaginer
une voie de stabilité et de prospérité à suivre, fruit d'une vision
ultra-inspirée qui s'appuie elle même sur un grand dessein à l'échelle
du continent et au-delà. Il ne peut y avoir de déconnexion avec la
réalité. La seule vraie alternative est de maintenir la Grèce dans
l'Europe et dans l'euro, sinon, nous aurons à payer une facture bien
plus lourde que ce que nous hésitons prudement à consacrer à ce pays.
Le robinet monétaire de la BCE était ouvert à hauteur de milliers de
milliards d'euros pour les banques et on cale actuellement pour
quelques dizaines de milliards. Ce qui se joue en réalité est plus
grave encore. Comme le disait Goya, placé face à l'hégémonie
napoléonienne de son époque, le sommeil de la raison engendre des
Monstres... Il est temps que le discernement général et l'intérêt
supérieur de l'Europe, atteigne un stade qui lui permette de
prévaloir...
6 Juillet 2015 - Mis à Jour du 7 au 12 juillet 2015
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