|
De
l'esprit Black Blanc Beur...
Par Gilles Marchand
Il y a
actuellement une forte tendance dans ce pays à torpiller ce qui a fait
l'esprit de 1998. Retour sur une idée forte...
12 juillet 1998, j'y étais. Je suis sorti du métro à Champs Elysées
Clemenceau et je me suis mêlé à la foule en chantant le premier couplet
de We are the Champions : I've paid my dues / Time after time /
I've done my sentence / But committed no crime / And bad mistakes /
I've made a few / I've had my share of sand kicked in my face / But
I've come through... Et quand je suis arrivé au refrain, il s'est
répandu comme une traînée de poudre, quatre millions de personnes ont
repris la chanson en chœur jusqu'à l'Arc de Triomphe... Mon plus grand
concert... Je me souviens de la joie et de la fraternité qui
rayonnaient, solaire, éclatante. La folie collective, les jeunes
partout, jusqu'en haut des feux rouges ou des abris-bus. Les voitures
couvertes de drapeaux klaxonnant en tous sens... Un joueur de trompette
qui jouait "I will survive" de Cake et les gens qui riaient partout,
qui s'embrassaient. Distribuer le Champagne sur la ligne 13 à des amis
venus des banlieues avec qui nous nous sommes tombés dans les bras. La
force de la foule au Trocadéro. Plus que tout cela, la France était ce
soir là, une et indivisible, joyeuse, intelligente, inspirée...
Nous étions tous des frères.
Pourquoi
en sommes nous donc à nous craindre, à nous méfier des autres, à voir
les rancœurs nourrir nos réflexions, nos manques, nos frustrations, nos
appréhensions et nos rejets. Nous en sommes à craindre l'ombre d'une
maladie que nous n'avons pas attrapée. On attise chaque jour les peurs
de tous. Treize années de réflexion ont lentement torpillé l'esprit de
1998 avec l'accentuation de nos antagonismes, avec une aggravation
constante des inégalités et des souffrances sociales qui remettent en
cause nos réflexes de civilisation. La pénurie symbolique pourrait
asphyxier notre générosité, notre joie de vivre, notre optimisme. Les
vocables de "Karcher" et de "Racaille" ont eu la forte résonance que
l'on sait, les émeutes de 2005 nous ont consternés, le débat sur
l'identité nationale et celui sur l'Islam nous éloignent des véritables
sujets, notamment en matière de pouvoir d'achat, de coût de la vie, de
logement de santé, d'éducation, de pensée économique, aujourd'hui, la
France s'épuise à des discussions stériles qui en fragilisent la
cohésion, alors que nous aurions tout intérêt à valoriser ces richesses
et ces différences qui nous renforcent plus qu'elles ne nous
handicapent. Elle est affectée à l'idée de ne plus comprendre où la
mène ses pas et de penser ne pas avoir les meilleures atouts pour
réussir. L'avenir ne se décrète pas mais il se créé, par la manière
dont on se met ou pas en situation de renouveler ses champs symboliques
et dont on acquiert les éléments indispensables à une résurgence
salvatrice. Or, la jeunesse de France est une des solutions aux
problèmes rencontrés.
Nous
sommes tous encore là et malgré le feu des anciennes rancœurs e des
replis identitaires, l'esprit Black Blanc Beur est bel et bien une
réalité. Je pense avoir raison de dire qu'il est toujours présent en
nous, malgré tous les coups de boutoirs qu'il a reçu. Il faut davantage
aller le chercher dans tout ce qui nous rapproche et nous permet de
retourner dans le bon sens les aléas rencontrés, dans tout ce qui
cimente la France face aux difficultés qu'elle rencontre. Des
perspectives claires et la conscience de son rôle à venir dans le futur
lui sont nécessaires. Elle est un grand pays d'une exceptionnelle
richesse symbolique, historique intellectuelle, passée, présente et à
venir. Elle a des atouts inouïs, un rôle fondamental à jouer dans la
mondialisation et des perspectives fabuleuses face aux besoins qui se
feront jour au plan national, européen, ou international. Nous sommes
capables en tant que peuple, à la fois de modestie géniale et
d'ambition, d'innovations et de créations foisonnantes. N'ayons plus
peur de l'avenir. Si nous savons nous en donner les moyens, il sera
clairement meilleur que notre présent.
Avril 2011
Placez
un signet sur cette page qui dresse un tableau mensuel inédit de
l'actualité...
Retour au
sommaire
|