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La Fin du Monde : Une Fausse Bonne Idée !
Par Gilles Marchand
Pas
un jour sans que les débats environnementaux ne soient littéralement
pollués par une nouvelle espèce, les « collapsologues » qui
désespèrent notre jeunesse et propagent une idéologie dangereuse.
Notre
réflexion sur nous-mêmes augure de ce que nous deviendrons… Or si notre
environnement médiatique a toujours été profondément anxiogène, il
vient de franchir un nouveau pallier. Segmentées, diffractées, livrées
sans contextualisation, sans explication, sans mise en relief, les
informations, qui sont avant tout l’étalage morbide de tout ce qui
dysfonctionne dans le monde, sont particulièrement déstructurantes pour
la pensée, spécialement pour la grande majorité de ceux qui cherchent à
échafauder une vision du monde opérante et constructive. La jeunesse.
Or à cette relative irresponsabilité des adultes occupés à saboter
toute espèce de résurgence d’un espoir, même minime, vient actuellement
s’adjoindre une nouvelle engeance. Les « déclinologues ».
Ceux là sont spécialement redoutables pour les jeunes en train de se
construire. Ils leur intiment la quasi-injonction de ne plus espérer.
Le monde court à sa perte et pas un jour sans que l’on prouve par a +
b que nous sommes face à « la fin du monde ». Sous
couvert de lucidité, de réalisme, de conscience scientifique des
enjeux, on tire un trait quasi définitif sur la civilisation et les
chances qu’elle a de se réinventer.
A cette morale du découragement, de l’abandon en rase campagne, de
préparation à la catastrophe, et finalement au nihilisme qui s’exprime,
il est indispensable d’opposer une autre attitude, faite de
volontarisme, de refus de capituler et finalement d’action. Car si nous
nous résignons, nous ferons de notre philosophie de vie une éthique de
notre propre disparition, car les perspectives que nous exprimons sont
souvent auto-réalisantes. On met donc sur pieds un discours qui nous
prépare à la catastrophe, à son avénement, à la fatalité absolue d’une
disparition des hommes, une démission humaine inadmissible et
catastrophique qui finira insensiblement par devenir notre ordinaire,
et nous emprisonner. Notre imaginaire créera le monde dans lequel nous
vivrons.
Or si notre milieu est soumis à une tension indéniable et que les
espèces subissent la réduction de leur espace vital, que l’homme par
l’utilisation des intrants chimiques qu’il fait, empoisonne des
environnements sauvages et des zones humides qui régressent, cette
irréversibilité de la catastrophe est très loin d’être prouvée.
Ne pas croire en notre capacité à inverser cette logique détruirait
notre espérance individuelle, ferait exploser la confiance que nous
avons dans le monde, la capacité que nous manifestons à accepter les
règles nécessaires, indispensables du vivre ensemble, et minerait notre
énergie existentielle. Bref, elle détruirait le consensus social. Ce
génie invisible qui habite la cité et permet à la liberté d’y régner.
C’est pourquoi cette approche pour irresponsable qu’elle est
fondamentalement, est en plus spécialement dangereuse.
C’est une fausse bonne idée de se placer dans cette logique. Troubles
et problèmes s’enchaineraient. La bonne attitude est de mobiliser le
genre humain autour du projet réaliste de véritablement sauver la
terre pour défaire cette fatalité et lui substituer une providence
nouvelle. Agir enfin pour extirper les éléments qui nous détruisent,
mener une réflexion mondiale sur la meilleure manière de résoudre les
crises environnementales. Pollutions, présence du carbone,
surpopulation, acidification des océans, réchauffement climatique
toutes ces questions appellent leurs solutions efficaces. Les mode
opératoires destinés à les juguler existent déjà.
Nous avons une immense responsabilité en tant que génération. Celle de
permettre aux suivantes de vivre bien à l’avenir. Agir est une forme de
compétence universelle. Nous le devons à ceux qui ne sont pas en mesure
pour l’instant d’interférer sur la situation. Puisque que nous vivons
l’anthropocène, et que les hommes ont créé cette situation, c’est aux
hommes eux mêmes de résoudre ces questions. Nous n’avons pas à faire à
un mouvement irréversible. Nos actions collectives ont une incidence
sur l’état à venir de notre milieu. Il est temps de promulguer un
nouvel âge de gravité et de responsabilité. Si cette intervention sur
le réel n’est pas orchestrée par les politiques, si elle n’est pas
suffisamment comprise et intégrée par les investisseurs et les
entrepreneurs, ce seront les sociétés civiles et les peuples qui
prendront la tête de ce mouvement mondial « Clean up our
Planet » que l’on pourrait tout aussi bien appeler « One
Planet » pour souligner les liens d’interdépendance qui sont les
nôtres face au réchauffement climatique.
Seule cette conscience d’action pourra nous sortir du risque actuel.
Pas un effondrement moral et mental. Une volonté intacte d’intervenir
positivement à l’échelle du globe. Chaque problématique locale
apportera une partie de la solution globale. Cela exige de nous un
changement d’attitude face à la consommation et à la production, une
philosophie nouvelle visant à faire le bien autant que faire se peut,
chaque fois que c’est possible. Face aux choix qui nous viennent, les
questions commencent à être tracées sous forme de solutions. Il faut
aller dans le sens de ces prises de conscience. Education des filles,
prospérité soutenable, planning familial, réduction des émissions,
transition énergétique, éco-génération, économie circulaire,
protection des espèces, nous commençons à bien connaitre les leviers
qui nous permettront de reprendre la main sur l’évolution de notre
monde.
Ces idées se répandent et elles sont positives. Elles exaltent — elles
— le génie humain, favorisent les prises de décisions, rendent à tous
ceux qui peuvent intervenir et changer les choses les moyens de leurs
actions, elles réintroduisent de l’entropie dans un monde qui en a
singulièrement besoin et il n’y aura, si nous y travaillons, pas de
ligne d’arrivée, pas de point final, juste un horizon pour tous ceux
qui veulent vivre dans la bienveillance et la générosité, la confiance
que nous devons à nos enfants et à nous-mêmes. Le mouvement perpétuel
qui existe bel et bien, celui d’une immense planète à partir de
laquelle nous pourrons à nouveau rayonner dans l’univers comme nos
lointains ancêtres, les grands découvreurs, les navigateurs, ont pu le
faire. Apprenons à ne plus en être les chasseurs et les cueilleurs,
mais les agriculteurs, les protecteurs de notre environnement. Laissons
renaitre les saisons et se réinstaller la grande harmonie de la nature.
L’espoir est notre oxygène. Il doit être inépuisable. Il ne faut jamais
priver un enfant de feuilles blanches. Il ne faut jamais priver les
humains d’espace et de temps.
5 Février 2019
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