Avril
2019

L'actualité du Mois



L’Histoire vraie de la découverte des antirétroviraux
Par
Gilles Marchand


A l’occasion des 25 ans du Sidaction, j’ai décidé de vous faire enfin part de la véritable manière dont les antirétroviraux ont été imaginés, il y a plus de trente ans.

J’avais juste vingt ans… Nous étions en 1986. J’étais étudiant à la faculté de la Victoire à la Réunion. Quelques livres de biologie moléculaire attendaient sagement sur les rayons de la bibliothèque familiale que quelqu’un les ouvre. C’est ce que j’ai fait, presque par distraction, lors du mois de mars de cette année là. Je les ai lus et j’ai eu la grande surprise au chapitre d’une maladie génétique peu connue, l’Anémie falciforme de constater une chose renversante.

Cette maladie du sang transforme de manière spectaculaire les globules rouges en fuseaux, alors qu’il n’y a en fait qu’un seul acide animé qui dysfonctionne, un seul qui soit incriminé, dans la chaine chromosomique de l’hémoglobine. Cette constatation m’a aussitôt interpellé. Et une fulgurante est venue. Si on remplaçait un seul acide aminé dans le patrimoine génétique d’un virus, en utilisant pour cela un ARN messager modifié, on pourrait modifier l’ADN du virus et d’un virus « sain » faire un virus « malsain » susceptible de contaminer d’autres virus virulents. La protéase inverse, ou antiprotéase, était envisageable. Dans l’esprit d’un adolescent que rien ne prédisposait à faire une découverte pareille. L’idée des antiretroviraux était bien là. Je travaillais sur un petit ordinateur. J’ai imprimée cette idée et je me suis dit que la meilleure manière de rendre service aux malades de cet épouvantable fléau qu’est le Sida était de l’envoyer à un laboratoire.

C’est ce que j’ai pris la liberté de faire presque aussitôt. J’ai expédié le résultat de ma recherche à l’institut Pasteur et au laboratoire Sandoz.

Il a fallu attendre cinq ans pour que les antiretroviraux voient le jour. En 1991. Avant, on utilisait l’AZT qui n’était pas très efficace. Un proche qui m’était très cher en est mort en mars 1990. Cette découverte ne l’a pas sauvé malheureusement. Cela a été très triste. Très frustrant. Mais elle a permis de juguler la progression de la maladie chez des millions de personnes dans le monde. En 1987, Jean Marie Lehn, le grand scientifique français est Prix Nobel de Chimie et ma tante, Madeleine Castaing, professeur au Collège de France, le consigne avec lui. Elle est la spécialiste française des transferts d’ions à travers les membranes cellulaires. Il y a beaucoup des raisons de penser qu’un lien direct existe entre cette intuition de 1986 et l’éclosion du traitement. Pourtant, je n’ai jamais voulu réclamer la part de célébrité que cette découverte aurait pu m’offrir. J’ai continué à travailler dans différents domaines, inventé d’autres choses dont certaines sont devenues grand public même si — à l’époque — je ne les brevetais pas toutes, étant plus attiré par l’excitation de la recherche que par leur commercialisation, ou même leur médiatisation. Il y a un film qui s’appelle « Sometimes a Great Notion » avec Sean Connery. C’est un peu cela. Je cherche simplement à ce que l’idée soit reprise, si possible de manière positive, c’est pourquoi je ne recherche que des choses qui puissent être utiles et que je m’interdit par exemple d’inventer des armes.



Cette semaine, j’ai assisté à un débat sur France Inter à propos du Sida. J’ai finalement contribué à cette discussion en leur faisant part par mail de cette vérité que j’ai gardé si longtemps pour moi, hormis le cercle restreint de quelques amis proches en qui j’ai toute confiance. Je la relaye aujourd’hui pour vous. Je ne cherche pas à m'en orgueillir ou à revendiquer quoi que ce soit. Juste dire ce qui s'est véritablement passé. J’espère simplement que de savoir d’où est née cette invention vous donnera à vous mêmes des raisons d’espérer. On peut très bien ne pas être un scientifique et découvrir quelque chose de fondamental. On peut aussi vivre avec une maladie qui pourtant n’a pas fini de contaminer notre jeunesse. Mais il vaut toujours mieux vivre sans la maladie qu’avec.

C’est pourquoi je vous recommande de vous protéger. D’apprendre sur ce fléau, de vous renseigner afin de la combattre mieux, et de la faire enfin régresser. Je suis simplement heureux d’avoir eu cette chance et je défie quiconque de prétendre le contraire ou de s’arroger cette découverte, car il n’y a rien de plus puissant que la vérité.


4 Avril 2019

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