Avril
2013

L'actualité du Mois

L'Europe au Miroir des Antieuropéens
Par
Gilles Marchand



Nous sommes entrés depuis les dernière sélections italiennes dans une phase extrêmement délicate de la construction européenne.


Les différentes élections qui émaillent le calendrier démocratique européen livrent toutes des messages très clairs. Une défiance inquiétante et grandissante vis-à-vis des élites qui dirigent ses différents états. En réalité, les années de crise économique que nous avons traversées ont accru le sentiment que les politiques n'avaient plus de prise sur la vie économique et le destin individuels de leurs citoyens. Elles ont souvent disqualifié des hommes qui ont été souvent été désavoués en particulier quand, précédemment, ils exerçaient des responsabilités.



Cette désaffection a lieu dans un contexte négatif de repli identitaire où le sentiment qui domine, face à cette prétendue impuissance, est celui d'une régression, voire d'un déclin aussitôt jugé inéluctables par la plupart des milieux médiatiques qui nous assènent un discours souvent défaitiste et démobilisateur. On décrypte des signes de décrépitude partout où l'on porte le regard, ce qui en soi est une vision parcellaire, incomplète et finalement orientée, d'un panorama qui porte au moins autant de facteurs contre-productifs, que d'éléments porteurs,  en vérité majoritaires, susceptibles d'alimenter une résurgence européenne.



Partout, la nation et la région sont les nouveaux miroirs que tentent aux foules des leaders auto-proclamés qui défendent des visions généralement simplistes, et  souvent populistes, souvent basées sur la haine de différences que l'on refuse de prendre en compte intelligemment, d'étrangers que l'on stigmatise rappelant en cela des réflexes d'un passé sombre — encore si proche — et dans certains pays, comme en Grèce avec le parti Aube Dorée, on se retrouve en présence de véritables franges néo-nazis, nostalgiques d'un ordre autoritaire qui s'il ne faisait l'objet d'une prise en compte vigilante, pourrait nous mener aux pires extrémités de ce passé. Car le paradoxe du "tous pourris" est qu'il oblitère le caractère manifestement discutable, voire bien pire, de ces cliques qui en réalité affectent de jouer le jeu de la démocratie pour mieux la destituer.



Dans ce contexte les critiques des pro-européens sincères qui voudraient améliorer la représentation démocratique européenne, passant sous silence les conquêtes institutionnelles du parlement, rejoignent le concert des anti-européens et finalement fragilisent l'Europe en l'exposant à la politique du pire qui serait orchestrée si ces partis accédaient au pouvoir.

Comment dans ce contexte, assurer l'existant, tout en améliorant à terme la situation des individus à une échelle large ? D'abord, il est vrai que l'Europe pourra aller dans le sens d'une évolution démocratique en faisant plus de place à la volonté des citoyens. Mais cela sans fragiliser ses institutions. Pour cela, il faut une véritable représentativité des instances qui sont à la tête de l'Europe, en particulier pour ce qui est du Président du Conseil européen qui doit être élu au suffrage universel direct en deux tours. On doit également envisager une représentativité politique accrue du gouvernement de l'Europe, à savoir la commission, suite à cette élection. Et le parlement disposera à terme un véritable pouvoir législatif.  C'est l'Europe des Hommes.



D'autre part, une véritable Europe des Régions doit émerger grâce à décentralisation européenne renforcée. Il sera ainsi possible de répondre à l'enjeu brûlant de la partition des régions sécessionnistes européennes en renforçant leur intégration continentale et en accordant des droits nouveaux à leurs représentants régionaux. Une meilleure coordination et prise en compte des désidératas locaux en découlera. Enfin, il faut que les dimensions économiques et sociales de l'Europe soient renforcées dans le sens d'une intégrations des outils de politiques publiques. Il est souhaitable qu'émergent les champions économiques des décennies à venir, que soit déterminé un cadre plus propice à la création d'entreprises numériques de haute technologie, dans le domaine des technologies, du travail, de la santé, du tourisme, de l'habitat, des transports et de l'énergie.



Il est important que l'Europe se réinvente en permanence pour faire face aux enjeux qui nous viennent. Elle pourra ainsi davantage affronter les périls qui se dresseront sur son chemin et les vaincre. Mais une claire conscience de sa légitimité doit l'habiter face aux ennemis de la liberté qui se multiplient devant elle. Elle n'est pas cette entité insensible, exagérément éprise d'ultra-libéralisme, que décrivent ses ennemis. Elle est au contraire l'artisan de politiques qui ont assuré la stabilité et la prospérité du continent et ce depuis plus de soixante ans. En cela elle a permis à la liberté et à la paix de régner. Malgré les défauts inhérents à son échelle, les qualités et avantages qui en résultent sont bien plus grands et bien plus porteurs. Il est crucial de la défendre face aux discours faciles qui consistent à la dénigrer et de garder l'esprit ouvert dans le contexte d'évolution des problématiques ambiantes. Elle est un des principaux échelons de l'action publique et une chance décisive dans un monde en pleine mutation. Il ne faut pas abandonner notre idéal européen, clair et riche de réalisations, aux sirènes d'une aventure insensée qui risque de nous mener aux pires extrémités. Il faut retenir les leçons de l'histoire. Elles sont la meilleure garantie que nous ayons pour ne pas en réexpérimenter la logique funeste.



Mars 2013

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