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Mandela day
Par Gilles Marchand
L'histoire de sa
lente progression dans les consciences de son époque est mal connue de
certains. Récit d'une expérience personnelle…
Peu de gens savent quelle était l'histoire secrète de Mandela. Sa lente
montée en puissance. L'histoire de cette lente transformation dans la
chrysalide d'une prison mal connue. Les manifestations du peuple de la
Réunion, qui l'a toujours accompagné, à la racine de son combat pour la
reconnaissance de l'autre, contre le racisme et l'apartheid. Toute la
philosophie du métissage était là pour nourrir une autre vision de la
relation humaine. Tous les vendredis devant le consul de l'Afrique du
Sud, nous manifestions pour soutenir les résistants de l'ANC. La
chanson de Peter Gabriel, consacrée à Stephen Biko que nous écoutions
en 1980 a été une guidée, un hymne que nous connaissions par cœur, avec
ses chants sud africains et ses lourdes guitares.
"September 77, Port Elisabeth, weather's fine.
It business as usuel in police room 649".
Cette chanson disait ce qui allait se passer.
"You can blow out a candle, but you can never blow out a fire.
Once the Flame begins to catch, the wind bill blow it higher".
Nous avons suivi ce combat avec ferveur. Presque trop. Mon père qui
était de la génération qui avait connu la décolonisation, vécu la
guerre d'Algérie, et voyagé en RSA, pour en ramener un livre d'heures
extraordinaire, me disait de ralentir. Laissait planer le doute sur
Mandela, et pourtant il comprenait lui même intuitivement que cet homme
portait l'espoir d'un peuple. Rien ne devait venir entamer notre foi en
lui. Miriam Makeba, exilée d'Afrique du Sud depuis 1959, faisait partie de la discographie paternelle, avec
toute la musique malgache et les disques qui s'échangeaient sous le
manteau.
Ce sont alors les premiers concerts de Johnny Clegg et Savuka à la
Réunion. Nous dansions les danses zoulous qui venaient répondre
au Maloya de nos Kabars. Trois concerts de Johnny Clegg ont eu
lieu à ce moment là en l'espace de deux ans. Certains professeurs
avaient des auto-collants sur leur voiture appelant au boycott des
oranges sud africaines. Un concert à la Fête de L’Humanité réunit Max
Roach, Eddy Louiss, Salif Keita, Bernard Lubat et Manu Dibango. «
J’avais composé un titre spécialement pour cette occasion, se souvient
aujourd’hui le saxophoniste d’origine camerounaise. Mandela est un des
rares héros provenant de notre continent. Je ne parlerai pas de douleur
maintenant, mais de la joie de l’avoir connu et qu’il y ait eu un gars
tel que lui. »
Puis il y a eu les concerts européens et mondiaux. Notre génération
s'st lancée à corps perdu dans cette lutte. Je n'oublierai jamais les
paroles de U2, quand Bono chantait en 1986 dans "Silver and Gold" :
"When a man like this is kept in prison, It is a request for economic
sanctions against South Africa". Il y a eu "Street Fighting Years" de
Simple Minds. "Don't You forget about me" était un hymne. Puis il y a
eu la reprise de Biko et l'écriture de cette chanson fantastique
"Mandela Day".
"It was 25 years ago this very day
Held behind four walls all through night and day
Still the children know the story of that man
And i know what's going on right through your land"
Tous les groupes se sont liés, toutes les rock stars, les homme
politiques, les syndicalistes, les étudiants. Mitterrand suivait cette
situation avec attention. Lang était de tout cœur avec lui et l'a
grandement aidé. Concert géant de Wembley en 1988. Pink Floyds. Annie
Lennox, The Specials, auteurs en 1984 de "Free Nelson Mandela". Whitney
Houston, Sting, Prince, Bob Geldof, Eric Clapton, Stevie Wonder, Joe
Cocker, Dire Straits, Eurythmics, Tracy Chapman, Peter Gabriel, Simple
Minds, mais aussi Salif Keita, Hugh Masekela. C'est
aussi La Chanson de Bernard Lavilliers. Noir et Blanc.
C´est la voix de Mandela
Le tempo docteur Fela
Ecoute chanter la foule
Avec les mots qui roulent et font battre son cœur.
De n´importe quel pays, de n´importe quelle couleur.
La musique est un cri qui vient de l´intérieur
L'Album hommage de Youssou N'Dour en wolof scèlle la reconnaissance africaine du phénomène. En 1989, une année extraordinaire.
Les totalitarismes s'effondraient les uns après les autres. La
stratégie française pour la démocratie en Afrique a été payante, même
si ailleurs elle a donné des résultats mitigés.
En Afrique du Sud, elle a indirectement débouché sur la libération de
Mandela qui en février 1990, entrait dans l'Histoire en sortant
de prison, par son attitude quasi-incompréhensible, géniale, qui
consistait à pardonner, à refuser d'être une victime, à se mettre à la
place de ses bourreaux sans pour autant verser dans la violence. Il a
su à la force de ses convictions et de son caractère, de son sourire
extraordinaire, rallier avec lui tous ceux qui menaçaient hier de
s'affronter. Il a été confronté à une situation comparable à l'Algérie,
sauf qu'il a libéré ce peuple sans violence ou presque.
Nous avons mis toutes nos forces dans cette croyance, dans la foi en
cet arc en ciel qui s'arquait dans le ciel de Prétoria. Nous avons
sillonné ces villes. Durban, Johannesbourg, Le Cap. Je me présente
devant vous non pas en tant que prophète, mais comme votre humble
serviteur. " Il y a gagne une dimension inouïe, devient le fer de lance
de la renaissance africaine… Il y met la non violence et la tolérance.
Son combat contre le Sida est exemplaire. Sa vision pour la coupe du
monde de rugby et celle de football en 2010 étaient véritablement
inspirées. Les chanteurs du monde entier venaient en cortège fêter son
anniversaire. L'immense Stevie Wonder et son "Happy Birthday"
magnifique à New York. "Master Blaster" et "Hotter than July" restent
des repères. La musique a bel et bien joué un rôle fondamental dans
cette épopée. "Give me Hope Johanna" d'Eddy Grant est un bel exemple…
Une société non raciale était le projet de ce visionnaire. "Une
personne une voix." il n'y a qu'à aller sur le site de 46664 pour se
convaincre de l'importance culturelle de Madiba.
Son bilan est immense. Un bilan de paix pour son pays et un homme qui
est devenu un des principaux symboles de la renaissance africaine. Il a
mis le continent sur les rails du développement et mis l'accent sur le
besoin de réconciliation. Il est une des figures marquantes du
vingtième siècle et un des géant absolus de la scène mondiale. Pour
cela il sera reconnu et remémoré. Mais il sera pleuré aussi par
d'autres pour l'humanité et la gentillesse incroyable dont il a
toujours su faire preuve.
Ce soir, nous avons perdu un ami...
5 Décembre 2013
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