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Urgence Européenne
Par Gilles Marchand
L'Europe est à la
croisée des chemin. Soit elle réagit à temps, soit elle court le risque
mortel de se laisser engluer dans une vague d'europessimisme
rédhibitoire…
Des années de
construction européenne désincarnée, ont détourné la belle idée des
pères fondateurs de ses objectifs et lui ont à priori volé une part
prépondérante de son âme. Nombreux sont les dossiers qui sont victimes
d'une indécision chronique. Nombreuses sont les décisions salvatrices
qui ne sont pas prises. Nombreux sont les retards qui ont été pris, à
commencer par le temps invraisemblable qu'à pris le sauvetage de l'euro
après 2008. Quatre années d'errances perdues qui ont enfin été rompues
avec l'arrivée de nouvelles majorités, revivifiées par le bain
démocratique dont elle avaient bénéficié, comme en particulier le
gouvernement socialiste français. La banque centrale européenne
devenant de facto prêteur en dernier ressort des états, la crise s'est
éteinte instantanément. Il était temps que les plus hautes institutions
financières européennes recouvent cet aspect de leur souveraineté et se
comportent sur les marchés comme les différentes banques centrales
mondiales. Quatre années qui ont eu de lourdes conséquences… La cour de
Karlsruhe, jouant avec le feu, a tenté de remettre en cause cette
acquis, mais a finalement reculé devant l'énormité du risque d'une
telle décision, remettant à la cour européenne de justice, le soin de
légiférer…
Aujourd'hui l'Europe apparait pour certains démagogues schématisant
leurs analyses à outrance comme un problème alors que sa vocation est
d'être avant tout la matrice d'élaboration des solutions dont le
continent a besoin. L'Euro joue comme une arme contre-productive tant
le discours ambiant qui ne traite pas dans l'esprit des gens, des
réalités qu'ils vivent. C'est en particulier le cas des français,
qui ont assisté à la translation en valeur absolue contante, des prix
originalement en francs vers l'euro. Une baguette à un franc est
aujourd'hui vendue à un euro. C'est clair pour tous, sauf pour les
hommes politiques qui continuent à vivre dans le déni. Ce n'est pas
tant la conversion qui posait problème quoique les cours respectifs des
monnaies nationales en euro étaient visiblement sous évaluées, sauf en
ce qui concerne l'Allemagne, ni même que l'introduction de la monnaie
unique n'est pas été accompagnée d'une mesure de blocage des prix
contraignante, quoiqu'elle aurait pu contribuer à éviter les mauvaises
surprises actuelles.
L'Euro n'est pas un problème en soit, c'est même une immense victoire
de l'Union Européenne, mais il a beaucoup concouru à accentuer la
cherté de la vie et beaucoup ont l'impression, les salaires étant
restés à des niveaux sensiblement identiques, que leur pouvoir d'achat
a diminué… Il est crucial que l'euro soit encadré par une véritable
politique budgétaire, monétaire et financière transnationale. Il est
par exemple actuellement de plus en plus clair que le différentiel de
parité euro / dollar est actuellement beaucoup trop haut, la monnaie
européenne étant surévaluées de 25% environ… Quelques centimes d'euro
excédentaires, et ce sont des points de croissance en moins… Dévaluer
la monnaie unique, c'est aérer le tissu industriel et favoriser la
relance du commerce. On obtiendrait ainsi un retournement de la balance
commerciale extérieure qui deviendrait excédentaire avec toutes les
conséquences positives qui seraient induites.
Les politiques européennes souffrent également de la faiblesse du
budget européen, qui préconditionne en particulier la possibilité d'une
véritable Europe Sociale comme celle évoquée et défendue par Jacques
Delors dans un récent ouvrage ainsi que les grands investissement
publics européens. Décider la création d'une entité juridique de pleins
droits qui soit dotée d'une budget souverain conséquent est une
décision qui pourrait être prise en une nuit par le conseil européen
réuni en session plénière. L'Europe en tant que telle a zéro centime de
dette… Des politiques industrielles nouvelles doivent être mises en
place à l'échelle de l'Europe comme elles le sont actuellement en
France. Les domaines d'innovation sont innombrables. Les possibilités
de créer des filières et des champion européens du type d'Airbus
sont réelles, en particulier dans le domaine de l'énergie, de
l'internet et de la télévision du futur.
Mais le principal problème de l'Europe est d'ordre politique. Des
années de crise accumulée ont fragilisé les bases de son système
économique et social. Elles ont créé des tensions et des souffrances
sociétales exagérées qui ont elles mêmes accentué les égoïsmes tant
nationaux et qu'individuels, provoquant un repli identitaire et la
montée des populismes, une vague généralisée d'euroscepticisme
qu'il est désormais essentiel de combattre avec les outils
intellectuels appropriés.
Certains sujets sont effectivement abandonnés aux mouvances extrémistes
et doivent être d'urgence traités par les principaux partis politiques
qui doivent imaginer l'offre politique qui manque dans le paysage
politique européen. Or la nature a horreur du vide. Il s'agit de
répondre aux principales interrogations, il est indispensable de
fournir des solutions à ces bassins de population minés par la crainte
du déclassement et la perte de ce qui fait leur identité propre. Le
malaise nourrit la peur de l'autre et la peur est mauvaise conseillère.
Elle remet en cause les bases du vivre ensemble, et semble défaire un à
un les fondamentaux du contrat social. Il faut redonner à chacun les
possibilités concrètes de maitriser sa vie en augmentant par un biais
ou un autre son pouvoir d'achat donc sa liberté de choix existentielle.
Créer les conditions d'une prospérité à venir, c'est préparer l'étape
suivante, c'est donner à l'Europe de l'espace et du temps. C'est
préparer la reconquête d'une opinion qui doit réaliser à quel point
elle se met en danger par sa porosité irrationnelle vis à vis des
thèses extrémistes. Se tourner vers les pires courants politiques
européens ne tarde pas à déboucher sur des décisions contre
productives, comme c'est le cas en Suisse.
Le vote helvète doit résonner comme une mise en garde tant les
conséquences économiques néfastes de ce choix seront profondes. Les
programmes politiques, en particulier économiques, de ces partis sont
des tissus d'inepties. Il faut en être prévenus. Il vaut mieux se
documenter sur ceux que l'on s'apprête à élire plutôt que de découvrir
après coup que l'on a affaire à des fossoyeurs de l'idée européenne,
donc de notre principale chance… Comme disait Mitterrand, le
nationalisme c'est la guerre… Il n'est pas nécessaire de revivre une
histoire qui s'est avérée violente et cruelle pour les peuples d'Europe
entrainés dans le tourbillon mortifère des passions humaines, pour
savoir qu'un tel destin, sans vigilance, sans précautions de notre
part, est toujours possible… Mais une telle morale de l'histoire n'est
pas une fatalité. Il suffit d'être plus conscients des besoins réels
d'un continent qui est en danger et qu'il faut à toutes fins utiles
éloigner durablement des récifs, pour le voir voguer à nouveau dans les
eaux calmes de la sérempidité.
Cette faculté magique qui consiste à trouver sans chercher…
12 Février 2014
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