Le
Phénomène des Enfants Microbes de Côte d'Ivoire
Par Franck
Donald Kehi
SOS aide aux
microbes : Représentation sociales des microbes et surmédiatisation de
la délinquance juvénile.
La surenchère de la communication des médias (en l’occurrence, la
presse écrite ivoirienne et les réseaux sociaux) autour du phénomène de
microbes comporte des risques de dérives sociales qui peut conduire au
massacre d'une catégorie d'adolescents piégés par une structure sociale
ghéttoïsée. Avant d'épiloguer sur ce phénomène, il serais bienséant de
définir le concept de microbe, d'analyser la trajectoire sociale de ses
individus et ensuite d'identifier les différents éléments
d'informations médiatiques qui apparaissent comme des indicateurs
constructeurs d'imaginaire sociale concourant au massacre à grand
échelle de ses adolescents.
Après la crise électorale, la Cote d'ivoire fait face à une montée de
la criminalité causée, semble-t-il, par les démobilisés et par
extension par les microbes. En effet, les microbes sont les jeunes
délinquants associé plus ou moins aux démobilisés. Ils sont souvent
considérés comme le bras invisible des démobilisés ou les exécutants
des projets de ces derniers. Ils s'organisent en bande organisé pour
attaquer toute personne qui a le malheur de se trouver leur chemin
(source RFI, 15/08/2015). Le développement de ce phénomène rend compte
de la facilite d'accès aux armes en circulation issues de la crise
post-éléctorale. Au delà de cet aspect, on constate une participation
active d'une forte composante d'enfants scolarisés.
Le profil sociologique de ses adolescents est formel. il évolue dans
des structures sociales économiquement faibles. Socialisés dans un
environnement où la violence structure la hiérarchie sociale (l'univers
des syndicats des transporteurs), les microbes tirent leur nom du film
brésilien dénommé ''la cité des dieux''. Ce film à succès a marqué une
génération d'enfant qui avaient comme repère social des loubards qui
compétitionnaient dans des arènes où la conquête territoriale étaient
l'enjeu dans les années 90.
Pour comprendre la trajectoire des microbes, nous nous sommes référés
au propos du sociologue ivoirien Rodrigue Koné interrogé par RFI le 15
aout 2015. Selon Rodrigue Koné, c’est la virulence de ses enfants qui
est véritablement choquante. On peut estimer qu’il y a véritablement
une sorte de particularité du quartier d’Abobo, d’Adjamé, Attecoubé,
qui a produit ses microbes, lié aussi à la manière dont la crise
post-électorale s’est déployée dans ses quartiers. Là où cette crise
électorale est un facteur important dans le phénomène de microbes,
c'est parce que ces enfants ont participé plus ou moins à cette
violence politique massive en étant des indiques des différents groupes
armés dans la commune d'Abobo (on parle des commandos invisibles).
Ce sont des enfants qui pouvaient aisément par la petitesse de leur
taille, leur forme, ''invisible à l’œil nu'' (D'où il tirent la
substance de leur nom), s’infiltrer ou de se glisser et faire de
l’espionnage de renseignement, montrer la position du groupe de Laurent
Gbagbo (Président déchu). Pousser par les adultes, ils ont fait
exploser les barrières de la morale. C’est la classe politique
ivoirienne qui instrumentalise les jeunes. La crise post-électorale a
donné un message fort à ses enfants. Or, on leur a toujours dit, qu’il
ne fallait pas voler, il ne fallait pas tuer, mais du coup ils ont vu
que ses mêmes adultes qui ont fixé ses règles, ces mêmes ont cassé les
limites de ses règles.
Cette violence politique a fait élever des héros qui se sont fait par
la violence. Tout le système de la rébellion de chef de guerre qui
portait tête aux chefs de sécurité légitime d'alors, ils ont réussi à
s’imposer. Cela communique des modèles aux plus jeunes. La criminalité
portée par ses microbes est également une porte d’entrée pour
comprendre toute crise de la société ivoirienne. (Sociologue Rodrigue
Koné interrogé par RFI le 15/08/2015)
Le cortège de violence qu'à connu la cote d'ivoire se présente à
travers les manifestations des évènements successifs qui ont marqué
l'histoire ivoirienne après l'imposition des PAS (Programme
d'Ajustement Structurelle). Ce sont entre autres: le processus
d'émergence du multipartisme en 1990 qui a entrainé la violence en
milieu universitaire, le coup d'état militaire en 1999, en passant par
le coup d’État manqué en 2002 qui structure les charniers de Yopougon,
se prolongeant au massacre des ivoiriens par l'armé française en
novembre 2004 jusqu'à atteindre la crise post-électoral en 2011. Tous
ces évènements ont participé à la redéfinition de la violence et aux
opportunités qu'elle pourrait suscité autour. Par conséquent, la
violence est perçu désormais non comme une pratique inégale mais comme
un moyen subtile légitime, une ressources formelle qui participe au
changement social du porteur de violence à l'échelle individuelle. Et
la plupart de ses enfants qui s’adonnent aux pratiques de broutage et
de microbes sont nés dans la période des années 2000. Le rajeunissement
de la criminalité doit son salut à l'instabilité politique et à ses
pratiques répressives qui en découlent.
C'est clair les zones ghéttoïsées comme Abobo ou le fief des pratique
politiques de l’opposition comme Yopougon semblent être le terreau
favorable de la prospérité de ce phénomène vu la précarité de leur
urbanisation ou sa quasi inexistence. Étant les plus peuplés de Coté
d'ivoire, ces communes sœurs ont été le bastion des parties politiques
rivales (FPI et RDR ou par extension le RHDP et LMP) en conflit en
2011. L'enracinement de la ressente violence et les effets de
l'instruction à minima des populations structurent davantage la
socialisation des adolescents dans l'univers de la violence.
Après la défaite armée de FPI, les journaux à sa solde passe aux
peignes fins toutes les actions du nouveau gouvernement vu que son
champion a pris ses quartiers à la Haye. Donc ils attirent l'attention
sur tous les faits qui révèlent le plus souvent des ramifications de la
crise post-électorale telles que le phénomène des démobilisés, les
conflits inter-communautaires, le broutage et les microbes. Les trois
derniers faits font le buzz de l'actualité ivoirienne. Mais il est
aussi clair qu'il y a eu une montée de la violence au niveau
communautaire surtout dans les milieux ruraux (Bouna, Jacqueville et
maintenant Odienné). Implicitement les échos des médiats orientent
graduellement la politique sociale bien entendu celle du rétablissement
de l'ordre social à travers des mesures négociatives ou/et répressives.
Sans nier la réalité sociale concernant la montée de la criminalité
juvénile, il semble se greffer à cette réalité une tendance
manipulatrice causée par une amplification des faits de terrain déversé
sur le dos des microbes. Relayé par les réseaux sociaux, les
informations affluent de partout et de toutes sortes brodant les
pratiques criminogènes à la responsabilités de ses gamins écervelés.
Des photos truquées, des images montées, des scènes construites, un
cocktail de manipulation et de fabrication d'éléments structurant la
mise en place d'une politique ultra-répressive.
Parlant de cette politique répressive, aujourd'hui, l'armée a mis en
œuvre une opération dénommé épervier (KOICI, 20/05/2015), opération qui
consiste à prendre dans les mailles du filets à travers des rafts
générales des adolescents supposés être potentiellement microbes.
Compte tenu du risque que comporte la pratique répressive abusive dû à
la production un cycle de violence ou de l'émergence d'une
sophistication de la violence juvénile vu le comportement des corps
habillé ''qui ont la gâchette facile'', il serais intéressant
d'associer de la question de la violence urbaine, des spécialistes
universitaires en vue d'apporter des éclairage dans des débats publics
ou télévisés afin de choisir la ou les meilleurs options pour atténuer
ou éradiquer ce phénomène mutant.
En définitif, les crises successives qu'à connu la Coté d'ivoire ont
rendu normal et quotidien le phénomène de violence urbaine. Selon
Rodrigue Koné, étant donné que certains habitations d'Abobo sont en
marge de la marginalité et vu son implication dans la resocialisation
des adolescents dans la violence, les microbes sont originaires de la
communes d'Abobo. La théorie de l'excédant juvénile propose une analyse
synthétique qui explique que la survenue d'un troisième enfant en
l’occurrence un garçon dans une famille génère un déséquilibre
familial. Le nouveau arrivant, ne bénéficiant pas de la totalité de
l'affection de ses parents, structure des attitudes de défection, de
défiance voir de déviance.
Pour porter la réflexion plus loin, il faut se pencher sur la théorie
malthusienne qui voit dans le surpeuplement démographique en
inadéquation avec les ressources disponibles, les gènes qui structurent
des conflits expliquant la montée de la violence. Est-ce par ce que
Abobo est surpeuplé que le phénomène de microbes affinent sa
trajectoire criminogène? ou par ce qu'elle est sous pression liée au
manque d'espace de jeux ou aux effets du chômage ?
Comme recommandation, nous souhaiterions que le gouvernement introduise
un dialogue social susceptible d'expliquer et de comprendre le
phénomène en profondeur afin de mieux se positionner parce que la forme
de violence institutionnelle intensive employé actuellement peut
favoriser la mutation de ce phénomène. 23 Mai
2016